Eglise catholique au Togo : blog d'un prêtre de Lomé !

Trop d’injustice, de corruption : Amos a prophétisé l’Afrique!

Trop d’injustice, Trop de corruption :

Amos a prophétisé l’Afrique de ce siècle !


« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s'édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l'Esprit Saint dans leur marche vers le royaume du Père, et porteurs d'un message de salut qu'il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire ».

 

Aussi l’Eglise en Afrique s’est-elle toujours engagée dans la lutte en faveur de la justice sociale. Pour nourrir ce combat, l’Eglise se fonde sur les documents de foi à savoir les Saintes Ecritures, la Tradition et le Magistère vivant. En parcourant la Bible, des textes retiennent l’attention par leur singulier intérêt aux questions sociales.


Un de ces textes est bien le livre du prophète Amos. A partir de Amos 2, 6-16, nous situerons le message du prophète dans son contexte historique, puis nous en soulignerons l’actualité et comment il peut animer le combat de l’Eglise en faveur de la justice sociale en Afrique.

 

1. Situation du message d’Amos

 

 

1.1. Contexte historique


Amos prophétise peu avant le règne de Jéroboam II en Israël du Nord (787-747) qui correspond au règne d’Ozias en Juda (781-740). A cette époque, le royaume du Nord connaissait un essor économique dû à la paix assurée par les victoires guerrières de Jéroboam II. En cette période florissante, les échanges commerciaux se multipliaient avec l’étranger. Cette situation de prospérité accentua les déséquilibres sociaux. L’exploitation des indigents par les puissants prenait le pas sur la solidarité qui devrait unir les fils d’Israël. Les juges se laissaient corrompre et rendaient des jugements iniques. Les rites cultuels sont plus une célébration de la fierté humaine – par des cérémonies splendides – que célébration du Très Haut.


C’est dans ce contexte que se lève Amos, qui se présente lui-même comme un éleveur de bétail. Il est originaire du royaume de Juda mais vient prophétiser dans le royaume du Nord. Son ministère fut de courte durée, quelques mois au plus.


1.2. Structure du texte

  • V 6-8 et v 12 : dénonciation des crimes d’Israël.
  • V 9-11 : rappel des hauts faits du Seigneur pour son peuple.
  • V 13-16 : annonce du châtiment.

Le texte est encadré par les expressions typiquement prophétiques : « Ainsi parle le Seigneur » et « Parole du Seigneur », pour signifier que le message livré est la parole du Seigneur Dieu et non celle d’Amos, l’éleveur de bétail.


2. Actualité du message d’Amos

 

Avant de mettre en exergue l’actualité du message d’Amos dans le contexte africain, rappelons brièvement le message de ce prophète.


2.1. Message d’Amos


Les grandes lignes du message d’Amos se construisent autour de trois pôles : l’organisation de la vie socio-économique, le culte rendu au Seigneur et la compréhension du privilège de l’élection d’Israël.


2.2. Un message très actuel

 

 

La question de l’actualité du message d’Amos dans le contexte africain ne se pose pas. Elle est évidente et n’a donc point besoin de démonstration, quand l’Afrique est indexée comme “un continent des records négatifs”.


L’injustice sociale caractérisée par les inégalités, la corruption et le non-respect des droits de l’homme est un fléau qui gangrène la vie des populations africaines.

  • Les inégalités sociales

Le continent africain est très riche notamment en matières premières (pétrole, minéraux,…), cependant la population moisit dans la misère. Les richesses du sous-sol sont effectivement exploitées mai les bénéfices de l’exploitation sont embrigadées par une petite portion de la population – composées souvent de quelques familles et de leurs alliées. Ces puissants n’hésitent même pas à déclencher et à alimenter des conflits (ethniques ou entre pays voisins) pour assurer leur mainmise sur les exploitations minières comme c’est le cas ici et là sur le continent.

  • La corruption

La corruption est un mot galvaudé et connu par tous en Afrique car tous en souffrent et beaucoup en vivent. La corruption se présente à deux niveaux. Une petite corruption, généralisée et qui tend à être acceptée par tous. Il s’agit du billet de banque qui accompagne un dossier à l’administration ou les pièces expirées d’un véhicule qu’on présente au policier.


Une grande corruption que les masses populaires dénoncent avec avidité. C’est la corruption des hommes d’Etat et des décideurs économiques, et qui a des conséquences désastreuses sur la vie des populations. Il est évident que le détournement des fonds alloués à la construction d’une route bitumée ou d’un hôpital, ne fait aucun bien à un pays, fut-il africain ou non !

  • Le non-respect des droits de l’homme

Les dirigeants politiques de certains pays africains semblent être sous l’emprise d’une phobie des droits de l’homme. Ils ont peur des droits de l’homme notamment du droit de liberté d’expression et d’opinion. Cela se comprend lorsqu’on sait que ces dirigeants sont arrivés au pouvoir contre la volonté du peuple et grâce à la force des armes. Alors tous les abus et atteintes aux droits de l’homme sont permis. La fermeture des médias, les menaces et assassinats de journalistes – les prophètes du temps présent –, les incarcérations arbitraires d’opposants politiques, les répressions sanglantes des manifestations pacifiques de populations mécontentes, une justice corrompue donnant toujours raison au plus fort et au plus offrant sont bien des indices d’une situation de non jouissance des droits élémentaires par certaines populations africaines.

  • La pratique religieuse

Dans son message, Amos dénonce le fait qu’Israël croit se mettre en règle avec Dieu en lui rendant le culte, tout en accumulant le péché contre lui. À la fin d’Amos 2, 7, le prophète fait mention de la profanation du Nom de Dieu par les comportements du peuple. Cela nous fait penser à nos communautés chrétiennes et nous porte à une actualisation.


Il n’est pas rare de rencontrer dans nos Eglises locales, des fidèles qui pensent “purifier” leurs richesses par de consistants dons à l’Eglise. Les bénéfices d’un commerce injuste fondé sur l’exploitation de pauvres paysans ou les capitaux d’une entreprise qui s’enrichit sur le dos d’ouvriers mal payés et surexploités peuvent-ils être blanchis par le payement de la dîme ou du denier de culte même s’il se chiffre en centaines de milliers de francs CFA ?


Ainsi les sacrifices présentés à Dieu semblent être une excuse, une permission, un alibi pour demeurer dans le péché.

 

3. Amos et le combat de l’Eglise en Afrique

 

 

 

 

3.1.   La méthode d’Amos

 

Dans son chap.2, 6-16, Amos a suivi un schéma assez clair et incisif pour parler au peuple d’Israël : dénonciation des crimes, rappel des hauts faits de Dieu et annonce du châtiment. La logique d’Amos s’énonce ainsi : Israël commet des crimes abominables aux yeux de son Dieu qui ne cesse de le combler de merveilles ; ces crimes d’Israël lui vaudront des châtiments. Cette logique, puisque nous sommes dans un régime d’alliance entre le peuple élu – l’éternel pardonné – et son Seigneur Dieu – l’éternel pardon –, se soldera par l’abandon du projet de châtiment dès que le peuple se repentira. En effet, la mission du prophète n’est pas une annonce stérile du châtiment mais un appel à la conversion par l’annonce de l’imminence du châtiment.


3.2. Partir de la méthode d’Amos

 

 

Cette évolution tripartite d’Amos est une possible méthode que l’Eglise peut adopter dans son combat.

 

Dans un premier temps, l’Eglise devra mettre en relief les crimes et les atteintes contre la justice sociale en Afrique. C’est dans cette dynamique, que les dénonciations par l’Eglise (conférences des évêques, évêques, prêtres, laïcs et associations de fidèles) des abus des politiques, des fraudes électorales, des systèmes dictatoriaux, des mauvaises conditions de travail et autres maux causés par les hommes, est à apprécier, à encourager et à souhaiter vivement.

 

En second mouvement, l’Eglise aura à faire appel aux droits inhérents à tout homme pour postuler son combat. A ce stade, Amos a fait appel aux hauts faits de Dieu. L’Eglise, dans la communauté des fidèles, l’imitera en fondant son engagement sur le commandement  d’amour révélé pleinement par le Christ. Cependant dans la société laïque, ce commandement d’amour, sera rendu par la loi naturelle et ses implications évidentes à toute intelligence probe.  Dans une telle économie, le combat de l’Eglise s’appuiera sur le principe universellement reconnu de la dignité de l’homme – dont tout homme jouit juste parce qu’il est homme et non en référence à des critères esthétiques, économiques, physiologique (absence d’handicaps). Ce principe implique : reconnaissance de l’égalité de tous, jouissance égale des droits pour tous, primat du bien commun, destination universelle des biens, …

 

En troisième mouvement, comme Amos, l’Eglise a à signifier en termes clairs à tous les conséquences inévitables des actions injustes : absence de paix et de bonheur sur la terre, et châtiments éternels en enfer pour les auteurs d’injustice.


Conclusion

 

La lecture des textes d’Amos et leur commentaire ont toujours était une occasion de consolation pour les fidèles d’Afrique, un point d’encrage pour espérer contre toute espérance des jours nouveaux, des jours de justice.

Le grand problème de l’Afrique, c’est la pauvreté. Les pauvres veulent sortir de la misère ; les riches ont peur de la pauvreté et font tout (exploitation, injustice, meurtre, …) pour demeurer riche. (Ceci s’explique par un principe idéologique erroné qui stipule que l’accroissement des richesses des uns passe indispensablement par la paupérisation des autres : FAUX.) Ce constat nous montre que la réelle pauvreté de l’Afrique est plus une pauvreté d’ « être » qu’une pauvreté d’ « avoir ». Une prise en main anthropologique et ontologique de l’homme africain s’impose comme l’indispensable thérapie en vue d’une Afrique juste et en paix.

 

Romain Séménou,

14 juin 2012



15/06/2012
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