Eglise catholique au Togo : blog d'un prêtre de Lomé !

Le phénomène de Mari de nuit

Le phénomène de Mari de nuit

 

Le R.P.  Johannes Kossi AZIABLI, curé de la Paroisse Saint Augustin d’Amoutivé et Aumônier principal du Renouveau Charismatique de l’Archidiocèse de Lomé, répond aux questions du Journal Le Gong du grand Séminaire Interdiocésain Jean Paul II de Lomé, dans le souci de donner des  précisions sur le phénomène  « maris de nuit ».( Gong n° janv-juin 2010)

 

Le Gong : Merci, Révérend Père, de nous recevoir pour cette interview. Comment définissez-vous à partir de votre propre expérience pastorale, ce phénomène de « maris de nuit » ?

 

R.P. Johannes : D’abord,  je vous remercie pour cette confiance que vous me faite en me sollicitant de vous définir ce phénomène de mari de nuit à partir de mon expérience pastorale.

Certaines personnes, soit disant rationalistes, pensent que le phénomène de maris de nuit relèverait de la pure fabulation ou du moins d’un déséquilibre psychique qui mériterait l’intervention d’un psychiatre ou du moins d’un psychologue avisé.

 

Pour ma part, il me semble qu’il serait une erreur grave que de vouloir escamoter les réalités spirituelles au nom d’un rationalisme ou d’une science humaine, fut-elle moderne, car s’il existe un monde physique donc scientifique, il existe aussi un monde spirituel qui échappe parfois au radar de la science et du rationalisme. Mes expériences pastorales dans le renouveau charismatique durant plus de 16 ans, comme combat spirituel pour délivrer des personnes du pouvoir de ses esprits succubes et incubes, me donnent l’assurance et l’audace de défier toute personne qui voudra penser que les réalités spirituelles seraient un resurgissement des mythologies des temps anciens.

 

En effet le phénomène de « maris de nuit » est essentiellement un phénomène spirituel que vivent certaines personnes dans leurs rêves et même parfois en état de lucidité. Ces personnes font des expériences sexuelles périodiques avec un esprit impur qui leur promet des biens matériels et une vie humaine heureuse à condition qu’elles acceptent de les épouser spirituellement. Et au réveil ces personnes constatent parfois des signes réels et visibles d’un véritable rapport sexuel avec un(e) partenaire. Ces esprits impurs se manifestent à leurs victimes en prenant parfois la forme d’un être humain connu ou non, parfois même la victime n’arrive pas à les dévisager. D’après le témoignage de personnes infestées, « les maris de nuit » vivent dans un monde spirituel localisé sous certains fleuves ou sous la mer d’où l’appellation de « mami water », c’est-à dire déesse de l’eau, communément appelée sirène, une véritable déesse d’amour.

 

Le rêve n’est pas l’unique lieu où se manifeste et se vit ce phénomène de maris de nuit. Parfois certaines personnes reçoivent  dans leurs chambres, les portes pourtant fermées, la visite de cet esprit impur par des présences insolites, quelque fois même de façon visible et réelle pour des expériences sexuelles. Cet esprit étant une déesse d’amour, embrasse toute la vie de ses victimes, hypothéquant leurs entreprises, les empêchant même de se marier humainement parlant ou crée des désordres dans leur vie conjugale, manifestant parfois des agressions par des signes visibles sur leur victime ou même provoque des manifestations insolites dans leurs chambres et d’autres signes encore...

 

Le Gong : Mon père, dans la pastorale, comment venez-vous en aide aux personnes qui ploient sous l’empire de ces esprits ?

 

R.P. Johannes : Il faut tout un accompagnement spirituel parfois qui prend du temps. Il faut d’abord ce que nous appelons l’écoute spirituelle qui nécessite en principe une formation à la fois spirituelle et psychologique. Cette écoute attentive nous permet de poser le diagnostic pour discerner s’il y a réellement une infestation diabolique et déceler aussi les portes ouvertes dans la vie de la personne. Il ne faut pas vite aller en besogne car ce n’est pas toujours toutes les personnes qui disent qu’elles sont infestées qui le sont réellement. Des rêves érotiques ne suffisent pas pour s’assurer de la présence d’un esprit succube ou incube. Parfois même le «patient» peut présenter les divers symptômes liés aux phénomènes de «maris de nuit» et peut ne pas l’avoir.

 

Après l’écoute sérieusement faite, le diagnostic posé, on passe à la prière. Et parfois c’est en priant avec la personne à partir des informations reçues durant l’écoute spirituelle qu’on arrive finalement à discerner réellement la présence d’un esprit impur. On passe alors à la prière de délivrance proprement dite avec des séances répétées jusqu’à ce que la personne retrouve son épanouissement normal. Si le cas se révèle comme une possession on oriente alors la personne vers un exorciste. Parfois l’infestation diabolique se conjugue avec des maladies pathologiques, c’est pourquoi nous collaborons avec la science médicale pour ne pas avoir des surprises désagréables.

 

 Le Gong : R.P. aumônier, il est souvent rapporté que des enfants naissent de la relation que ces esprits entretiennent  avec leurs victimes. Est-ce vrai ? Et si oui, qu’en est-il de ces enfants dans le processus de délivrance ?

 

R.P. Johannes : Il est vrai que durant certaines prières les patients dans leur état second affirment parfois que, dans leur union conjugale avec « mami water », ils ont engendré des enfants qui vivent sous la mer. Sur le plan anthropologique il est évidemment embarrassant de donner crédit à ces propos. Ces enfants, sont-ils des êtres humains ou des esprits « mami water » ?

 

Pour ma part je suis tenté de croire qu’il s’agit là d’un langage métaphorique pour désigner les fruits spirituels qu’a engendré une telle union mystique. N’oublions pas aussi que Satan est un menteur ; il peut aussi inventer ces considérations pour faire croire que sa victime est devenue inséparable de lui et ceci dans le but  de décourager la prière de délivrance. La réflexion reste ouverte pour arriver à comprendre réellement un tel « engendrement spirituel ».

 

Le Gong : Mon père, les fidèles sur les paroisses ont l’habitude de nommer certains prêtres « prêtre  charismatique » et ont tendance à recourir exclusivement à eux pour les problèmes d’ordre spirituel, que pensez-vous de cette situation ? (est-ce à dire que les prêtres “non charismatiques”, c’est-à-dire “non effusés” ne peuvent pas exercer ce genre de ministère ?)

 

R.P. Johannes : C’est une question très intéressante qui me donne occasion de donner quelques lumières et précisions sur charisme et grâce ministérielle.

 

Disons d’abord que les charismes et dons spirituels sont des faveurs divines qui découlent intrinsèquement de notre appartenance au Christ par la foi (Cf. Mc. 16, 20). Ces faveurs divines sont infusées dans le cœur de chaque baptisé surtout par la vertu des sacrements de l’initiation chrétienne, bien entendu « qu’il y a diversité de dons et charismes et que l’Esprit Saint distribue gratuitement et de façon diversifiée ses dons à qui il veut et comme il veut, mais toujours est-il que chacun reçoit la manifestation de l’Esprit pour le bien commun » (cf. 1Co. 12, 4-11). Ces affirmations de saint Paul montrent clairement que les charismes et dons spirituels existent réellement et de façon diversifiée dans la vie de tout baptisé. Même si ces charismes ne sont pas encore opérationnels, ils existent au moins à l’état latent dans la vie de tout chrétien. A ce titre tout baptisé est ontologiquement un charismatique et à plus forte raison un prêtre qui en plus de la grâce baptismale, est « oint par l’Esprit Saint » pour l’exercice de la mission sacerdotale du Christ, Tête de l’Eglise. Ces considérations nous montrent clairement qu’il est inadéquat de réserver l’expression « prêtre charismatique » uniquement à une catégorie de prêtres comme si les autres ne l’étaient pas.

 

Nous devons cependant reconnaître que le langage humain est trop pauvre pour désigner de façon adéquate, les mystères que le Seigneur nous donne de vivre dans son Eglise. Quand les fidèles disent « prêtres charismatiques » ils veulent désigner tout simplement, quoi que de façon imparfaite, les prêtres engagés dans le mouvement du Renouveau charismatique. En attendant que les théologiens forgent un terme adéquat pour désigner sans ambiguïté le prêtre engagé dans le Renouveau charismatique, nous devons faire preuve de tolérance en essayant de comprendre ce que l’on veut dire à travers cette expression inadéquate.

 

C’est comme en Ewé, le Curé et le vicaire sont appelés respectivement : « fadagan », « fadavi » c'est-à-dire « grand prêtre », « petit prêtre » comme si le vicaire est moins prêtre que le curé et pire encore « fadavi » désigne à la fois le vicaire et le séminariste (petit ou grand). Mais le contexte dans lequel on utilise ces expressions inadéquates font que tout le monde comprend aisément ce que l’on veut dire. Pourquoi ne pas user de la tolérance au sujet de l’appellation « prêtre charismatique » ?

 

Voyons maintenant ce qu’il en est des charismes et du pouvoir du prêtre. Le prêtre de part son ordination presbytérale, est investi de façon ontologique et indélébile, de l’autorité du Christ pour annoncer le Règne dans la puissance du Saint-Esprit ; Saint Marc affirme que le Seigneur confirmait la parole prêchée par les apôtres par des signes messianiques (cf. Ac. 16, 20). Le prêtre n’a donc pas seulement le pouvoir de célébrer les sacrements et de prêcher le Bonne Nouvelle du salut, mais il possède aussi et de façon sacramentelle la puissance de chasser les démons et de guérir les infirmités du peuple.

 

Et ce pouvoir du prêtre est infiniment au-dessus des charismes au point que le prêtre n’a pas en principe besoin de ce que le Renouveau charismatique appelle « effusion du Saint Esprit » pour pouvoir chasser les démons et guérir les malades. Cependant l’expérience de « l’effusion du Saint-Esprit » peut stimuler sa vie pastorale en l’aidant à prendre plus conscience du trésor qu’il porte et aussi en réveillant en lui, les charismes et dons spirituels qu’il a reçus au baptême.

Mais la question qui se pose dans l’exercice pastoral est la suivante : tous les prêtres sont-ils vraiment conscients de cette « puissance divine », « ce trésor divin » qu’ils portent dans « des vases d’argiles » pour le salut intégral de l’homme corps, âme et esprit ? Il me semble que c’est à ce niveau que les chrétiens font leur choix en préférant s’adresser à tel prêtre plutôt qu’à un autre pour leurs problèmes existentiels.

 

Dans la pratique voici ce qui arrive : certains prêtres, non seulement qu’ils n’ont pas du temps pour accueillir et écouter les laïcs qui traversent des difficultés existentielles, les renvoient en leur disant : « allez voir vos prêtres du Renouveau charismatique ; ce sont eux qui font ces histoires de guérison ». Le laïc, déçu, s’adresse alors à un « prêtre charismatique » et par la grâce de Dieu trouve satisfaction ; il en parle aux autres et finalement ce « prêtre charismatique » devient le pôle d’attraction de tous ceux qui ont des divers problèmes de vie.

Parfois, les laïcs se plaignent de la façon dont certains prêtres parlent et traitent les sacramentaux au point qu’ils préfèrent s’adresser aux prêtres qui bénissent les sacramentaux avec foi comme l’exige l’Eglise.

 

Je pense pour ma part que si nous voulons éviter que les chrétiens fassent de certains prêtres des « prêtres supers », il va falloir que tous les prêtres prennent conscience de la « puissance divine » dont-ils sont dépositaires non pas pour préparer uniquement les gens à aller au ciel mais aussi pour aider les chrétiens à faire l’expérience existentielle du salut en Jésus-Christ. Puisse le Saint-Esprit apporter une nouvelle pentecôte à tous les prêtres durant cette année sacerdotale. Je vous remercie.

 

Le Gong : Merci, cher Père, pour votre bienveillante disponibilité. Que Dieu vous assiste dans votre ministère.

 

Propos recueillis par

Abbé Romain SEMENOU



15/04/2011
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