Les phénomènes de possession
« Esprit mauvais, sors de ce corps ! »
Les phénomènes de possession, et si nous en parlions ?
Dans le souci permanent de vous former et de vous informer sur les réalités auxquelles se confronte notre vivre chrétien, votre bulletin « le gong » s’est approché pour cette parution du R.P. Norbert SITTI, Curé de la paroisse St Michel Archange de Casablanca, exorciste de l’Archidiocèse de Lomé en vue de comprendre et de cerner au mieux les phénomènes de possession. Lisons plutôt !!!
« Le Gong » : Merci, Révérend Père de nous accueillir pour cette interview. En quoi consiste l’exorcisme ?
Père Norbert : Je suppose que nous parlons de l’exorcisme majeur différent des exorcismes baptismaux ; il est une prière qui vise à expulser le démon d’une personne possédée. Cette prière tire son efficacité de la prière de l’Eglise parce que c’est un sacramental ; elle est faite avec l’autorité du Christ confiée à l’Eglise. Mais remarquons que la majorité de ceux qui demandent l’exorcisme est constituée plutôt de personnes envoûtées mais non possédées. Ces personnes sont plutôt des victimes d’un mauvais sort qui provoque des échecs professionnels ou affectifs, des maladies inexplicables ; ou ceux qui recourent au spiritisme ou à l’occultisme. Contre l’envoûtement et les pratiques maléfiques, on fait plutôt une prière de délivrance.
« Le Gong » : Pourquoi un exorciste diocésain ? Cela suppose-t-il que les autres prêtres du diocèse ne peuvent pratiquer l’exorcisme ?
Père Norbert : Merci de poser cette question qui est d’actualité dans notre Eglise de Lomé ; pourquoi un exorciste et non pas plusieurs au regard du grand nombre de ceux qui sont confrontés aux démons aujourd’hui ?Il s’agit d’une loi de l’Eglise au Canon 1172 qui dit que « personne ne peut légitimement prononcer un exorcisme sur un possédé » sans « une permission particulière et expresse » de l’évêque ; ce même canon stipule en son paragraphe 2 que « cette permission ne sera accordée par l’Ordinaire (l’évêque) du lieu qu’à un prêtre pieux, éclairé, prudent et de vie intègre ». Apparemment il s’agit d’un ministère délicat. Mais tout prêtre peut faire une prière de délivrance pour libérer des maux diaboliques.
« Le Gong » : Cher Père, de par vos expériences pastorales, quels sont les cas de possession auxquels vous vous confrontez le plus souvent et comment venez-vous concrètement en aide à ces personnes qui ploient sous l’emprise des esprits mauvais ?
Père Norbert : Les cas de possession que j’ai rencontrésen neuf ans d’exercice de ce ministère sont peu nombreux, moins d’une demi-douzaine en tout : d’abord, des personnes possédées par d’autres personnes vivantes qui les habitent et parlent en elles par moments ; cela apparaît dans certains cas de sorcellerie où le but manifeste du sorcier est de détruire la vie de la victime, ou encore de lui communiquer la sorcellerie. Il y a aussi le cas des sorciers eux-mêmes qui usent les pouvoirs extraordinaires des esprits mais dont la vie personnelle est aussi aliénée et qui cherchent à s’en sortir. On rencontre aussi des cas où la personne qui sera possédée par la suite a servi de support à l’esprit pour se manifester et révéler des choses inconnues : des secrets de guérison concernant un autre malade par exemple. Pour en venir à bout, d’abord, il faut l’écoute qui conduit au discernement et à la prière d’exorcisme.
« Le Gong » : Relevant toujours de vos expériences pastorales, selon vous, où, quand et comment se « contractent » ou se nouent habituellement ces liens avec les esprits maléfiques ?
Père Norbert : Les liens maléfiques se nouent dans les pratiques du spiritisme et de l’occultisme : le recours au service d’un charlatan, ‘d’une mamissi’, d’un marabout, d’un visionnaire, même des pasteurs de certaines sectes ;de même, l’initiation dans certaines loges ; on ne déjeune pas impunément à la table du diable, dit-on souvent, même avec une longue cuillère. En outre, le sort ou le maléfice dont on est victime peut ouvrir à l’action du démon. Il y a certaines portes ouvertes comme le péché d’avortement, la jalousie dont on est victime. Ces liens peuvent toujours exister et se manifester en des moments de faiblesse psychologique ou physique, dans les relations interpersonnelles ou professionnelles par des échecs répétés, des maladies inexpliquées. Ces liens peuvent se manifester dans certains rêves répétitifs comme les rêves érotiques, des défunts, ou de manducation, entre autres.
« Le Gong » : Comment parvenez-vous à vous assurer que vous êtes vraiment en face d’un cas de possession et non d’un cas de crise clinique ? Et, dans ce sens, y a-t-il des « symptômes » ou des manifestations évidentes de possession qui ne trompent pas ?
Père Norbert : Les symptômes de possession et ceux de maladie psychologique se ressemblent souvent ; l’exorcisme qui s’occupe des causes maléfiques n’exclut pas les soins cliniques qui soignent les affections corporelles ; mais c’est surtout l’histoire et la vie du patient qui orientent dans un sens ou dans un autre ; le discernement aide à établir les causes possibles de l’état pathologique de la personne. Parlant de symptômes évidents de possession, nous pouvons citer ceux-ci qui sont classiques : parler une langue inconnue, faire preuve d’une force physique anormale, révéler les choses cachées, avoir l’aversion pour le sacré. Mais notons, comme l’écrit Jean VERNETTE, que certaines souffrances profondes peuvent provoquer des mutations dans une personne qui fait preuve alors de potentialités extraordinaires.
« Le Gong » : Il est souvent rapporté que les esprits mauvais ne manquent pas d’interférer dans la vie personnelle des exorcistes. Qu’en est-il réellement ? Avez-vous déjà vécu cette expérience?
Père Norbert : D’abord, pensons au Grand Guérisseur blessé qu’est notre Seigneur Jésus Christ en croix ; un exorciste ne peut éviter ce genre d’interférence comme vous le dites ; mais cela ne menace pas sa vie, il jouit de la protection de l’Eglise ; d’où la nécessité d’une communion avec l’Eglise pour l’exorciste, et plus particulièrement avec son supérieur, l’évêque. Mais on peut sentir quelques engourdissements à l’approche de certaines prières, quelques blocages et entraves dans les tâches quotidiennes ou quelques pannes mécaniques dans la gestion de certains cas où il y a mort d’homme.
« Le Gong » : Merci, cher Père, pour votre bienveillante disponibilité. Daigne Dieu vous assister dans votre ministère.
Interview réalisée par
l’abbé Stanislas AMOUZOU-KANGNI.
Extrait du numéro de janv-juin 2012.