Eglise catholique au Togo : blog d'un prêtre de Lomé !

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II Jeudi, 8 août 1985

 

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

 

Lomé (Togo)
Jeudi, 8 août 1985

  

1. “Nous sommes le peuple que le Seigneur conduit de sa main” (Cfr. Ps. 100 (99), 3).

 

Aujourd'hui, au cours de cette liturgie eucharistique solennelle, vous tous, chers Frères et Sœurs, fils et filles de ce pays du Togo, réunis en votre capitale, vous désirez d’abord proclamer devant Dieu et devant les hommes: oui, nous sommes le peuple que le Seigneur conduit de sa main.

 

Aujourd’hui, vous faites cette profession de foi, en exprimant ce qui est au cœur même de votre foi: la joie d’être le peuple de Dieu, la confiance d’être guidés par lui, par le Bon Pasteur.

 

Et vous le faites sous la conduite de ceux qui sont vos Pères et Pasteurs visibles dans l’Eglise au Togo, vos évêques, en bénéficiant du ministère de vos prêtres, appuyés sur le témoignage de vos religieux et religieuses, de vos catéchistes, et, ce soir, pour la première fois dans l’histoire de votre pays, en présence du successeur de l’Apôtre Pierre qui vient vous visiter pour confirmer votre foi, resserrer votre unité et encourager le renouveau chrétien auquel vous vous êtes préparés.

 

2. Dans ce pays, les hommes ont vécu des siècles, des millénaires, en utilisant au mieux les ressources de leur intelligence et de leur cœur pour organiser leur travail, leur vie familiale et sociale, leur gouvernement selon des structures adaptées et sous l’autorité de chefs expérimentés et respectés. Leur sens religieux semble avoir toujours marqué profondément leur vie. Puis est venue l’heure de liens politiques avec des pays d’Europe.

 

Mais l’événement qui a fait que vous êtes ici ce soir, pour célébrer Jésus-Christ, c’est l’évangélisation qui a commencé il v a moins d’un siècle avec les missionnaires de la Société du Verbe Divin, puis avec ceux des Missions Africaines de Lyon, et qui a été poursuivie jusqu’à nos jours avec l’aide de plusieurs congrégations de religieux et religieuses. Ce soir, nous faisons mémoire de ces générations de missionnaires qui n’ont eu en vue que l’ordre de Notre Seigneur: “Allez, enseignez toutes les nations”, et votre bien à vous: vous offrir la possibilité de devenir comme eux des disciples du Christ, de recevoir le salut qu’Il nous apporte.

 

Honneur et reconnaissance aussi aux familles togolaises qui ont volontiers accueilli le christianisme, au point de former un peuple de chrétiens déjà très nombreux, avec des prêtres et des évêques togolais qui prennent en main l’animation des diocèses. Je salue ici les diocésains de Lomé, avec leur Archevêque, Monseigneur Robert Casimir Dosseh-Anyron, que je remercie de son accueil; et les autres chrétiens de la région côtière, des plateaux et des savanes où se situent les diocèses d’Atakpamé, de Sokodé et de Dapaong. Je salue aussi cordialement les chrétiens des pays voisins, notamment les évêques du Bénin avec une forte délégation de fidèles: je sais, chers amis, que l’histoire religieuse de votre pays est profondément liée à celle du Togo. Je salue de même les chrétiens du Ghana avec leurs Pasteurs. Je me souviens avec joie de l’accueil de ces deux peuples lors de ma visite pastorale.

 

Tous, je vous invite à rendre grâce à Dieu, car c’est lui qui a disposé les cœurs à prêcher ou à accueillir la Bonne Nouvelle.

 

“Reconnaissez que le Seigneur est Dieu. / Il nous a faits et nous sommes à lui, / nous son peuple, son troupeau” (Ps. 100 (99), 3).

 

Alléluia, alléluia!

 

3. Une Bonne Nouvelle, oui! Par Jésus-Christ, par son Evangile, il vous a été donné de connaître le vrai Dieu, tel qu’il a voulu se révéler aux hommes par les prophètes et par son Fils bien-aimé. Bien souvent les religions traditionnelles vous donnaient déjà le sens de son existence, vous inclinaient au respect pour lui, à un respect craintif, mais généralement pas à l’amour, à un certain culte de lui, mais souvent dans l’incertitude de savoir ce qu’il convenait d’offrir à ce Dieu considéré comme lointain. Le Dieu qui vous a été annoncé par l’Eglise est à la fois notre Créateur et notre Père. Vous l’avez découvert et vous le connaissez désormais comme Celui qui a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, non pour condamner ce monde, mais pour le sauver. Et Jésus-Christ, qui est l’image parfaite du Père, dans une humanité semblable à la notre, s’est manifesté comme l’Amour: “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis” (Io. 15, 13). Vous savez, en effet, que le Christ a donné sa vie pour nous: “Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux” (2 Cor. 5, 15). Oui, vraiment, cet amour “nous saisit”, car, par là, nous sont révélés les desseins insondables du l’ère, du Fils et du Saint-Esprit à l’égard des hommes qu’ils associent à leur vie divine, et nous découvrons en même temps la dignité unique que l’homme, que tout homme, a aux yeux de Dieu.

 

4. Cette bienveillance de Dieu pour vous, chers Frères et Sœurs, qui a toujours existé mais dont vous êtes devenus davantage conscients en croyant au message chrétien, n’est pas une réalité abstraite, lointaine, anonyme. L’amour de Dieu s’est étendu à chacun de ceux qui l’ont accueilli par la foi, qui ont accepté le baptême, au prix d’un catéchuménat exigeant. Alors, vraiment, vous êtes devenus pour le Christ des “amis” (Cfr. Io. 15, 15), des frères et des sœurs (Cfr. Marc. 3, 35). Vous êtes devenus avec Lui des fils et des filles de Dieu par adoption. Vous êtes devenus la demeure de l’Esprit Saint qui est en vous et agit en vous. Vous êtes devenus des membres actifs de l’Eglise, qui est le Corps du Christ. Vous êtes, dit saint Paul, “passés par la mort”, c’est-à-dire, vous êtes morts au péché, soustraits à la mort éternelle. Vous avez reçu en vous - cachée mais réelle - la vie du Christ ressuscité. Votre vie est “centrée sur lui”, attachée à lui. Vous demeurez en lui, dans son amour: c’est Jésus lui-même qui nous l’a dit dans l’Evangile de ce jour. Et ce lien avec le Christ, si vous le voulez, ne cessera jamais, il subsistera et s’épanouira dans la vie éternelle. Et dès maintenant, en lui, vous pouvez porter beaucoup de fruit (Cfr. Io. 15, 5).

 

5. “Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie”, dit encore Jésus aux Apôtres (Cfr. ibid. 15, 11). Oui, réjouissez-vous et ne cessez jamais de rendre grâce!

 

Car il s’agit d’abord d’un don de Dieu, d’un choix gratuit, dont vous avez vous aussi bénéficié, chers chrétiens du Togo. “Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis” (Ibid. 15, 16). Vous, vous avez choisi de suivre le Christ, d’obéir à son Evangile, c’est vrai mais parce que lui-même vous a choisis. Il a voulu vous appeler, vous étiez dans son plan de salut, il a disposé votre cœur. L’Evangile est un don gratuit, une grâce. La foi, votre réponse de croyant, est une grâce.

 

6. A partir de cette grâce, c’est tout un renouveau qui peut être accompli, que vous devez accomplir, dans votre vie personnelle, familiale, culturelle, sociale, nationale, dans vos coutumes, dans vos institutions, dans tout le monde où vous vivez. “Si quelqu’un est en Jésus-Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né” (Cfr. 2 Cor. 5, 17).

 

C’est un mystère très beau, ce renouvellement. Il est exprimé dans beaucoup de paroles de Jésus et des Apôtres, et par toute la Tradition de l’Eglise, jusqu’au récent Concile Vatican II. Jésus a comparé son Evangile à un vin nouveau, qui demandait des outres neuves, ou encore à un tissu neuf, qui ne pouvait être ajusté que sur un vêtement neuf (Cfr. Matth. 9, 16-17). Il est venu établir la nouvelle alliance en son sang (Cfr. Luc. 22, 5) qui exige et entraîne “un cœur nouveau”, “un esprit nouveau”, comme l’avait annoncé le prophète Ezéchiel (Cfr. Ez. 36, 26). Jésus a parlé à Nicodème de nouvelle naissance (Cfr. Io. 3, 5), par le baptême et par la Parole de Vérité (Cfr. Iac. 1, 18).

 

A son tour, saint Paul a bien expliqué aux chrétiens d’Ephèse cette rénovation du disciple de Jésus: “Il s’agit, dit-il, de vous défaire de votre conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en vous, corrompu par ses désirs trompeurs. Laissez-vous guider intérieurement par un esprit renouvelé. Adoptez le comportement de l’homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu” (Eph. 4, 22-24). Et Paul énumère un certain nombre d’obstacles à rejeter: mensonge, colère, vol, paresse, mauvaises paroles, animosité, méchanceté.

 

Oui, toute l’œuvre de la Rédemption accomplie par Jésus est un renouveau des personnes, et par elles, du monde qui les entoure, de l’univers entier.

 

7. Frères et Sœurs, désirez-vous vraiment ce renouveau, dans le Christ, de votre mentalité, de votre vie, de vos coutumes? Peut-être certains le craignent-ils? Parce que la tendance humaine, bien compréhensible, est de s’attacher ou de retourner au passé, à ce qui est connu, familier, déjà vécu, le renouveau peut même sembler une indemnité au passé. En tout cas, il est une certaine aventure, il est un risque, et surtout il demande un certain renoncement, une certaine rupture. Et chacun mesure ses forces: en aurai-je le goût? le désir? en aurai-je le courage? la persévérance?

 

Chers amis, il ne faut pas raisonner ainsi. Si le Christ vous demande de le suivre, même sur un chemin exigeant, à travers une porte étroite (Cfr. Matth. 7, 14), c’est forcément pour un bien, un gain, un surcroît de vie. “Tu as les paroles de la vie éternelle” lui répondait saint Pierre (Io. 6, 68). Il faut lui faire confiance. Et ce n’est pas une simple décision de votre volonté, qui resterait faible. C’est l’Esprit Saint qui est en vous et qui vous attire vers le bien, vous donne la force, quand vous la lui demandez. “Tout ce qui vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera” (Ibid. 15, 16). Dieu vous propose un projet merveilleux: “Revêtir le Christ”!

 

8. Nous parlions d’une rupture. Vous l’avez promise au moment du baptême: “Je renonce au péché, à ce qui conduit au péché, à Satan, l’auteur du péché”. Mais vous avez ajouté aussitôt: “Je crois en Dieu le Père, je crois en Jésus-Christ, je crois en l’Esprit Saint”. Voilà celui qui vous attire, le Dieu trinitaire. L’important est de fixer votre regard sur lui, pour passer des ténèbres à sa lumière. Et dans la vie du baptisé, il faut souvent renouveler ce passage, sortir d’une situation de péché dans laquelle nous étions peut-être retombés, ou d’une vie chrétienne tiède, médiocre, où manquaient la prière, l’amour des autres, la pureté des rapports, la vérité’. N’est-ce pas ce que beaucoup d’entre vous ont fait ces dernières semaines, à l’appel de vos évêques, en préparation de cette rencontre? Vous avez suivi des missions populaires, vous avez pris conscience de vos péchés, de ce qui contredit la vie chrétienne. Vous avez voulu rompre avec des habitudes anciennes auxquelles vous étiez peut-être revenus. Vous avez confessé vos péchés, vous avez reçu le sacrement de réconciliation, vous avez fait des efforts de paix entre vous. Vous avez mis votre amour humain sous le signe du sacrement de mariage. Vous avez organisé des veillées de prière, des moments de jeune, de partage. Je vous félicite, chers amis. Voilà des actes de renouveau dans votre vie chrétienne personnelle. Il faudra souvent y revenir. Et je suis sur que vous goûtez déjà la paix et la joie. Demeurez dans l’amour du Seigneur!

 

9. A travers et au-delà de ces actes méritoires, le Seigneur veut opérer progressivement une profonde transformation des mentalités, au point qu’on puisse dire: voilà une famille chrétienne, voilà une communauté chrétienne, voilà une société chrétienne.

 

Le Concile Vatican II disait des catéchumènes - mais cela vaut pour tous -: “Sous l’action de la grâce de Dieu, le nouveau converti entreprend un itinéraire spirituel . . . Le passage, qui entraîne avec soi un changement progressif de la mentalité et des mœurs, doit devenir manifeste avec ses conséquences sociales . . . Comme le Seigneur en qui on croit est un signe de contradiction . . . il n’est pas rare que le converti fasse l’expérience de ruptures et de séparations, mais aussi connaisse les joies que Dieu donne sans les mesurer” (Ad Gentes, 13). Et mon prédécesseur Paul VI écrivait: “L’Eglise évangélise lorsque, par la seule puissance divine du message qu’elle proclame, elle cherche à convertir en même temps la conscience personnelle et collective des hommes, l’activité dans laquelle ils s’engagent, la vie et le milieu concrets qui sont les leurs” (PAULI VI Evangelii Nuntiandi, 18).

 

Cette transformation peut concerner certaines coutumes traditionnelles qui étaient les vôtres, ou qui sont les vôtres, dans ce pays. C’est un domaine délicat, difficile, car ces coutumes correspondent souvent à une longue expérience sociale, comportant des cotés positifs d’initiation à la vie, d’équilibre ou de cohésion sociale. Leur bouleversement peut susciter des résistances tenaces. Chaque coutume est à examiner prudemment, avec discernement, sans arracher prématurément le bon grain avec l’ivraie. Et pourtant, la nouveauté et la liberté de l’Evangile doivent faire leur œuvre en ce domaine. On peut s’attendre, on doit s’attendre à ce que la conscience des baptisés interroge ces coutumes, pour retenir ce qui est sain, juste, vrai, bénéfique, compatible avec la foi dans le Dieu unique, avec la charité de l’Evangile, avec l’idéal chrétien du mariage, et pour rompre, par contre, avec ce qui s’oppose à la révélation de Dieu et à la charité qu’il a diffusée dans nos cœurs, ou qui serait entaché de pratiques syncrétistes. Cela se fait - est-il besoin de le dire - dans le respect des personnes qui, en conscience, pensent devoir demeurer dans leurs habitudes traditionnelles. La charité chrétienne l’exige. Mais la vérité et la liberté chrétiennes peuvent inviter à prendre ses distances vis-à-vis de telles habitudes; cela demande du courage personnel, et de la cohésion dans la communauté chrétienne autour des prêtres. Il s’agit d’être authentiquement Africain et authentiquement chrétien, sans séparer l’un de l’autre, et sans craindre de témoigner en public de ses convictions. C’est ce qui s’est fait partout où l’Evangile a été prêché, partout où l’Eglise s’est implantée: à Corinthe, à Ephèse, à Rome, dans les jeunes nations européennes au haut Moyen Age, et aujourd’hui, chez vous.

 

10. D’une façon plus large, on pourrait en dire autant des divers aspects de la culture. Il y a un effort d’inculturation à poursuivre. Chaque pays africain, après avoir reçu la foi de pionniers méritants venus d’ailleurs, doit vivre l’Evangile avec sa sensibilité et ses qualités propres; il doit le traduire, non seulement dans sa langue, mais dans ses mœurs, en tenant compte des valeurs humaines de son patrimoine. Cela ne pourra se faire que par vous, évêques, prêtres, religieuses, laïcs togolais, à la mesure de votre propre maturation, avec un grand souci de fidélité à l’essentiel de la foi et de la discipline ecclésiastique de l’Eglise universelle. Cette œuvre magnifique, nécessaire, requiert à la fois l’audace et la prudence, l’intelligence et la fidélité, disons la sainteté d’apôtres tels que Cyrille et Méthode. Vous savez que, voilà onze siècles, venant de Byzance à la brillante culture grecque, ces deux prêtres ont apporté l’Evangile aux peuples slaves dont mon pays fait partie. Et ils ont contribué à susciter une nouvelle culture, slave et chrétienne. Je viens d’écrire une encyclique à leur suiez disant entre autres: “Dans leur œuvre d’évangélisation, on trouve un modèle de ce que l’on appelle aujourd’hui "l’inculturation": l’incarnation de l’Evangile dans les cultures autochtones, et en même temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Eglise” (Ioannis Pauli PP. II Slavorum Apostoli, 21, die 2 iun. 1985: vide supra. p. 24).

 

11. L’esprit de renouveau chrétien doit encore s’exercer à l’égard de ce qu’apportent, chez vous, les civilisations modernes des pays développés. Il s’agit souvent de merveilleuses réussites techniques qui peuvent être utilisées pour le bien économique, sanitaire ou culturel du pays; mais vous voyez apparaître aussi les limites de la mentalité qui souvent les accompagne, par exemple: la tentation de réduire l’homme à la matière, l’amour humain au plaisir égotiste, la liberté au caprice, l’autonomie de l’esprit à l’oubli ou au rejet de Dieu. L’accueil de toutes ces possibilités, parfois ambiguës, vous demande là aussi beaucoup de discernement et de courage. Je pense que les textes du Concile Vatican II vous apportent une lumière pour tracer votre chemin au milieu de ces réalités nouvelles, joignant “l’aggiornamento” opportun à la fidélité à l’essentiel.

 

12. En tenant compte de ces différents domaines, sur quel point précis peut porter le renouveau moral qu’appelle votre foi? Je ne peux que les évoquer, vous laissant le soin d’y réfléchir avec vos évêques, vos prêtres, vos catéchistes.

 

Globalement, ce sera toujours dans le sens de l’amour fraternel. Le Christ nous a donné “un commandement nouveau”, son commandement, nous aimer les uns les autres, comme il nous a aimés (Cfr. Io. 13, 34; 15, 12). Aimer, dans votre entourage, c’est regarder l’autre avec respect, c’est le supporter malgré ses défauts, c’est faire taire l’animosité, la haine à son égard, c’est lui pardonner, partager avec lui lorsqu’il est dans le besoin, affamé, sans toit, en prison, malade, étranger. Aimer, c’est s’ouvrir aux autres, dans un esprit de paix et de coopération, au-delà des frontières de son groupe, de sa tribu, de sa nation.

 

Vous êtes appelés également à un “amour social”, c’est-à-dire à travailler pour le bien commun de la nation, à prendre votre part de responsabilité dans la vie sociale, pour y promouvoir toujours plus de justice, plus de concorde, pour créer les conditions qui respectent la dignité de chaque homme et ses droits fondamentaux. Votre profession, surtout si vous êtes fonctionnaires, y contribue déjà, lorsque vous l’exercez avec intégrité, conscience professionnelle, comme un service. Si vous êtes étudiants, vous cherchez à acquérir une vraie compétence pour qu’on puisse compter sur vous demain. C’est ainsi qu’on peut, de proche en proche, rénover le tissu de la société. Le chrétien, dans la vie sociale, a le souci des plus démunis à protéger, à aider; il se sent solidaire des régions les plus défavorisées de son pays et aussi du monde.

 

Enfin, l’amour conjugal, familial a sans cesse besoin d’être rénové. Le sacrement de mariage permet de sanctifier l’union et toute la vie des époux, et il est capital que les chrétiens s’y préparent avec soin; il ne dispense pas des efforts quotidiens pour affermir, avec l’aide du Christ, l’unité du foyer, la fidélité permanente des époux, la délicatesse de l’amour mutuel, le souci d’éducation de la foi des enfants. La pastorale familiale, dans le sens exposé par l’exhortation “Familiaris Consortio”, doit avoir une place de choix dans cette Eglise.

 

13. Toutes ces exigences morales préparent le renouveau que vous attendez. Elles sont ancrées dans notre conscience. Elles manifestent le sérieux de notre foi, qui, sans les actes, ne servirait à rien (Cfr. Iac. 2, 14). C’est par là que nous demeurons dans l’amour même de Dieu: “Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour” (Io. 15, 10).

 

Mais il faut entretenir directement cet amour de Dieu en nous. Il faut donner au Christ les moyens de déployer en nous sa grâce, d’être comme un ferment qui fera lever toute la pâte.

 

Chers Frères et Sœurs du Togo, il vous faut prendre conscience, chaque jour, du don de Dieu qui est en vous, et de ses appels. Il faut chercher les moyens de mieux connaître l’Evangile, d’approfondir votre foi, de réfléchir à ses implications en lien avec la vie. Je pense notamment à la catéchèse adaptée à proposer à cette jeunesse innombrable, dans les écoles, dans les lycées, dans les paroisses. Il vous faut prendre appui sur les mouvements chrétiens, car, livrés à vous-mêmes, vous tiendrez difficilement. Il vous faut développer, renouveler votre façon de prier: la prière est vitale pour un chrétien, elle l’unit à la pensée et à la volonté de Dieu, en même temps qu’il lui expose ses besoins. Il vous faut prendre votre part aux Eucharisties dominicales qui sont à la fois une fête et une nourriture. Il vous faut constamment puiser la sainteté dans les sacrements du Christ: la pénitence, la communion. Ainsi vous demeurerez dans son amour.

 

Vous savez que mon pèlerinage en Afrique connaîtra son sommet au Congrès eucharistique international à Nairobi. Le Christ est le le cœur de l’Eglise. C’est lui qui la nourrit et la transforme à son image. Elle est son Corps.

 

14. Le Seigneur Jésus vous dit encore: “Je vous ai choisis et établis pour que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure” (Io. 15, 16).

 

L’Evêque de Rome, le successeur de saint Pierre, vous le souhaite. Il prie avec vous qui constituez l’Eglise au Togo:

 

“Pour que vous partiez”: oui, que vous preniez un nouveau départ, chacun et tous ensemble.

 

“Pour que vous donniez du fruit”: le fruit de la Rédemption du Christ qui s’est livré pour vous, le fruit de la grâce et du salut, le fruit de l’amour du Père, le fruit de l’Esprit Saint qui vous anime. pour que vous soyez des créatures nouvelles.

 

“Et que votre fruit demeure”.

 

Amen!

 

 

 

© Copyright 1985 - Libreria Editrice Vaticana

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



24/03/2011
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