Le mariage-sacrement est le seul cadre légitime des relations sexuelles.
Le mariage-sacrement est le seul cadre légitime des relations sexuelles.
Comment pouvons-nous présenter cet enseignement aujourd’hui aux jeunes,
à nos coutumes?
Introduction
Avec la libéralisation sexuelle et la déstabilisation des valeurs morales, la jeunesse est sollicitée de toute part et exposée constamment aux relations sexuelles précoces et sans engagement matrimonial. Nos coutumes, quant à elles, reconnaissent et innocentent la polygamie, instituant ainsi un droit à la multiplicité des partenaires sexuels. En contrepoids à cette situation de libertinage moral, l’Eglise affirme fermement et clairement son enseignement en la matière : le mariage-sacrement est le seul cadre légitime des relations sexuelles. Comment pouvons-nous présenter cet enseignement aujourd’hui aux jeunes, à nos coutumes encore? Les lignes qui viennent essaieront de répondre à cette question en deux mouvements. Une première partie posera les généralités et rendra compte de la conception traditionnelle africaine de la sexualité. Une deuxième partie présentera cet enseignement successivement aux jeunes et à nos coutumes en se basant d’une part sur les conditions actuelles de vie, leurs retombées morales et les biens du mariage-sacrement et d’autre part en analysant la conception africaine de la sexualité, la cérémonie traditionnelle du mariage et la crise du modèle polygamique.
Ière PARTIE : Notions et conceptions
- 1. Mariage –sacrement[1]
1.1. Définition
Pour les sociologues, le mariage est une des institutions sociales les plus anciennes, habituellement entérinée par la loi, unissant un homme et une femme dans une forme spéciale de dépendance mutuelle, souvent en vue de fonder et d'entretenir une famille.
Le Droit Civil postule le mariage comme un acte juridique conférant l’état de conjoint à un homme et à une femme. Le mariage est ainsi une situation juridique créée par l’union de ces deux personnes dans le dessein de fonder une famille.
Le Code de Droit Canonique de 1983 envisage le mariage en ces termes : « L'alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu'à la génération et à l'éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement ». (canon 1055). Nous retenons la définition canonique comme définition opératoire pour ce travail car c’est la seule qui correspond à notre économie de mariage-sacrement.
1.2. Propriétés
Les propriétés essentielles du mariage, selon le can. 1056, sont l'unité et l'indissolubilité qui, dans le mariage chrétien, en raison du sacrement, acquièrent une solidité particulière.
1.3. Bien et exigences
- Ø L'unité et l'indissolubilité du mariage (Cf. CEC n° 1644 &1645)
L'amour des époux exige, par sa nature même, l'unité et l'indissolubilité de leur communauté de personnes qui englobe toute leur vie: "ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair" (Mt 19,6 cf. Gn 2,24).
"L'égale dignité personnelle qu'il faut reconnaître à la femme et à l'homme dans l'amour plénier qu'ils se portent l'un à l'autre fait clairement apparaître l'unité du mariage, confirmée par le Seigneur" (GS 49). La polygamie est contraire à cette égale dignité et à l'amour conjugal qui est unique et exclusif (cf. FC 19).
- Ø La fidélité de l'amour conjugal (Cf. CEC n° 1646 à 1649)
L'amour conjugal exige des époux, de par sa nature même, une fidélité inviolable. Ceci est la conséquence du don d'eux-mêmes que se font l'un à l'autre les époux. L'amour veut être définitif. Il ne peut être "jusqu'à nouvel ordre". "Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l'entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité" (GS 48).
- Ø L'ouverture à la fécondité (Cf. CEC n° 1652 à 1654)
"C'est par sa nature même que l'institution du mariage et l'amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l'éducation qui, tel un sommet, en constituent le couronnement" (GS 48).
Les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes.
La fécondité de l'amour conjugal s'étend aux fruits de la vie morale, spirituelle et surnaturelle que les parents transmettent à leurs enfants par l'éducation.
- 2. La polygamie
2.1. Définitions
- Ø Mariage (conception africaine)[2]
En Afrique, le mariage est pour chacun une responsabilité et un devoir. Il constitue le point de rencontre des membres défunts, présents et à naître de la société. Il est l'objet des vœux et de l'attente de ceux qui ne sont pas mariés et de leurs familles ; le mariage une fois consommé, et lorsque des enfants sont nés, l'individu peut glisser lentement vers le cercle des Vénérables. Il a accompli son devoir sacré.
- Ø Polygamie
La polygamie est une forme d'union matrimoniale de plus de deux personnes, comprenant la polyandrie, mariage d'une femme avec plusieurs hommes, et la polygynie, mariage d'un homme avec plusieurs femmes. Le terme de polygamie est souvent employé comme synonyme de polygynie. Pratiquée à différentes époques dans de nombreuses sociétés, la polygynie est encore en usage dans les pays musulmans et dans certaines parties de l'Afrique dont le Togo. Lorsqu'un homme épouse des sœurs, cette forme de polygynie est appelée sororale.
2.2. Facteurs positifs (causes)
Pour l’homme, la polygynie est un type de mariage séduisant pour plusieurs raisons : elle implique une plus grande contribution économique des épouses au revenu du foyer, une disponibilité sexuelle accrue, et elle confère un statut social élevé à celui qui entretient plus d'une femme.
La polygynie peut aussi s'avérer séduisante pour les femmes dans la mesure où elle leur confère un rôle dans des sociétés qui n'attribuent aucun rôle social reconnu aux femmes non mariées et où elle implique le partage avec des coépouses de l'éducation des enfants et des tâches domestiques.
2.3. Conséquences
La polygamie a des conséquences néfastes : absence de cohésion familiale ; climat de suspicion, de jalousie et d’envie ; tensions et querelles répétitives ; défaut d’éducation chez les enfants ; insuffisance de ressources matérielles ; et bien d’autres retombées qui n’épargnent ni le mari et ses épouses ni les enfants nés dans ce contexte polygame.
- 3. La sexualité- génitalité
3.1. Notions
- Ø La sexualité
La sexualité est cette dimension masculine ou féminine dont est marquée toute la personnalité de chaque individu dès le premier instant de sa conception et à travers tout son développement ultérieur. De ce fait, toutes les relations humaines sont inévitablement sexuées.
- Ø La génitalité
La génitalité a seulement rapport aux organes sexuels et à la fonction de reproduction de l'espèce humaine.
3.2. Conception chrétienne
« La sexualité est une composant fondamentale de la personnalité, une de ses façons d’exister, de se manifester, de communiquer avec les autres, de ressentir, d’exprimer et de vivre l’amour humain »[3]. «La sexualité implique fécondité et amour comme don de soi. Le sens chrétien de la sexualité est de nous ordonner corporellement à l’autre, de nous apprendre ainsi à aimer l’autre, de servir l’agapè. Or cette ordination nous renvoie déjà à la Trinité : de même que Dieu est personnel dans sa communauté d’amour des trois Personnes, ainsi la personne humaine s’affirme-t-elle comme être-pour-l’autre-et-avec-l’autre, en relation essentielle au toi de l’autre, et cela notamment de par sa structure sexuelle»[4].
3.3. Conception traditionnelle
On pourrait avancer que les traditions africaines ont ou avaient une culture africaine de la sexualité et de ses modes d'emploi et d'expression qui continuent d'être en partie prégnantes et non plus dominantes. La sexualité a de fortes racines culturelles, à l'instar des valeurs qui ont fait l'originalité et l'authenticité africaines. Ces racines culturelles de la sexualité riches en leur intention ont trouvé des expressions à la fois positives et négatives au regard de l'histoire, au regard de l'humanité et au contact d'autres courants de civilisations.
L’anthropologue J.M. BITI affirme que « dans les sociétés africaines, le sexe ne joue pas un rôle biologique seulement, mais également un rôle religieux et social ». La dimension sociale de la sexualité est très poussée, c’est l’une des raisons de la pratique de l’excision des filles[5]. L’excision[6] permettait le passage du plaisir narcissique égoïste au plaisir hétérosexuel social, fondant ainsi une sexualité au service de la procréation et de la société.
Chez de nombreux peuples d'Afrique, les parties génitales et les fesses sont les parties du corps qui sont les plus soigneusement cachées ; ne pas les couvrir équivaut à « être nu », c'est peut être l'attitude religieuse envers le sexe qui a déterminé le comportement social dans ce domaine.
IIème PARTIE : mariage-sacrement, seul cadre légitime
des relations sexuelles
- 1. Aux jeunes
Aujourd’hui plus qu’hier, le courage et la méthode seuls ne suffisent pas pour inviter la jeunesse à la maîtrise de sa sexualité. Une conviction morale personnelle et une foi pleine d’espérance sont indispensables pour faire passer un tel enseignement : le mariage-sacrement est le seul cadre légitime des relations sexuelles. Pour ce faire, nous partirons d’une analyse des modes contemporaines de vie, de déductions conséquentes d’une vie amorale et enfin nous postulerons l’évidence des biens de la vie chaste et du mariage-sacrement.
1.1. En partant des conditions de vie actuelles
Un adage éwé recommande de ne point éloigner du feu l’enfant qui s’entête à y mettre le doigt car une fois brûlé, il ne s’y approchera jamais plus. La vie, à travers ses diverses facettes, est éducatrice mais il faut, pour en bénéficier, faire montre de discernement – ce qui n’est pas toujours évident ! C’est pourquoi nous rappelons ici quelques conditionnements de notre vivre ensemble qui auraient dû amener les jeunes à opter pour la continence avant le mariage.
- Ø Un état de pauvreté généralisé
L’Afrique est le continent qui bat les records négatifs : le continent le plus pauvre, le plus endetté, le plus assisté, le plus corrompu,… le continent le moins développé, le moins urbanisé,… Embourbés dans une telle spirale caractérisée par le chômage, l’absence de subventions, l’incapacité de vivre décemment, les jeunes devraient investir la somme de leurs énergies dans la quête d’un lendemain meilleur plutôt que dans la recherche du plaisir éphémère. La biologie cellulaire atteste – et les cercles religieux confirment – que la charge énergétique dépensée lors de l’acte sexuelle diminue sur les potentialités intellectuelle et physique de l’homme[7].
- Ø Un manque de structures
La volonté des jeunes reste impuissante face à l’absence cruelle de structures sociales, éducatives et sanitaires dans nos contrées. Cet état de manque crée un relâchement chez les jeunes, qui petit à petit perdent le goût du bien, de l’ordre. Contraints à toujours se débrouiller, à se contenter de médiocrité en matière d’assistance sociale, d’éducation et de santé, ils finissent par sombrer dans une vie sans ambition. Le travail à ce niveau est de leur rappeler la valeur universelle du bien et d’éveiller en eux des aspirations fortes fondées sur l’idéal chrétien. Ainsi ils investiront leurs chances de bonheur dans une vie morale et non dans plaisir d’un instant.
- Ø La pandémie des maladies sexuellement transmissibles(MST)
Les MST et leurs conséquences constituent l’argument classique pour inviter la jeunesse à la continence sexuelle. Nous y faisons aussi recours pour la cause de notre souci de présenter aux jeunes le mariage-sacrement comme le seul cadre légitime et sûr – la fidélité en étant une exigence – des relations sexuelles.
- Ø Le slogan de la mondialisation
L’histoire de la sexualité[8] retient la seconde moitié du XIXème siècle, comme le temps de la fin des tabous sexuels et elle se réjouit du constat que notre siècle est l’ère de la libéralisation des mœurs. C’est l’une des vérités de la mondialisation ! La mondialisation en soi est neutre, mais elle devient nuisible si elle ne sert qu’à propager des aberrations éthiques telles l’homosexualité et l’avortement et à susciter un appétit sexuel déstabilisant chez les jeunes. Elle pourrait aussi médiatiser les exemples discrets de jeunes qui ont compris l’enjeu d’une vie chaste et qui s’engagent dans le mariage avec fidélité. Il urge donc d’avertir les jeunes sur l’impact néfaste de la mondialisation.
1.2. Par rapport aux retombées morales
- Ø Une perte des repères moraux
Une valeur est un principe moral ou esthétique soit d’une communauté donnée soit universellement reconnu. Aujourd’hui plusieurs valeurs morales sont déclarées désuètes – on ne sait au nom de quels critères. Ces principes constituent les repères de chaque civilisation humaine, aussi les sociétés qui les rejettent sont-elles en train d’œuvrer inéluctablement pour leur déclin. Jeunesse se conjugue avec avenir, alors partant de cette analyse les jeunes comprendront qu’il est de leur intérêt de redécouvrir et d’épouser ses valeurs propres à nos cultures (virginité avant le mariage, pudeur, fidélité, respect de la sacralité du sexe…).
- Ø Une phobie des interdits et un galvaudage de la liberté
Le monde d’aujourd’hui a horreur des interdits, preuve que les notions de loi et de liberté ne sont point bien comprises. Les interdits sont nés quand les hommes – buttant contre la gestion des libertés individuelles – ont compris que, pour une vie communautaire harmonieuse, chacun doit souscrire à un certain nombre de renoncements. La vraie liberté est donc celle qui fait découvrir la loi comme gage et instrument de la liberté. Dans une telle économie de redécouverte de la loi qui n’est plus contrainte imposée, la non légitimité des relations sexuelles en dehors du giron matrimonial sera mieux acceptée.
- Ø Une recrudescence de la sensualité
« Sentir, vivre un instant de plaisir inouï, faire la vie, vivre à fond, aller au septième ciel… » : au tant d’expressions qui trahissent l’élan sensuel que couvent bien de jeunes. Ils font, en effet, de telles expériences avec le sexe et les drogues. Mais ils ne sont jamais satisfaits et recommencent toujours jusqu’à s’enliser dans des états de dépendance. Cette insatisfaction, ces jeunes le reconnaissent. Le drame c’est qu’ils croient n’avoir pas d’autre option. C’est arriver à ce carrefour d’impasses que le message de la morale chrétienne doit leur être proposé, moins comme une contrainte mais plus comme un défi, une source de bonheur.
1.3. A partir des biens du mariage-sacrement
La jeunesse est pleine de ressources et c’est une erreur de croire que les jeunes ne peuvent pas s’élever à des aspirations nobles. Les jeunes aiment ce qui est bon, même s’il leur arrive de faire des choix qui trahissent ce désir du bien. L’obstacle, c’est qu’ils ne sont pas encadrés et motivés. Aussi nous croyons qu’une présentation des fins et biens du mariage sacrement saura les convaincre du fait que le mariage-sacrement est le seul cadre légitime des relations sexuelles.
- Ø L'unité et l'indissolubilité du mariage
L’indissolubilité, reconnaissons-le, effraie plus d’un jeune et est une des raisons évoquer pour se soustraire du mariage-sacrement. Ceci est dû à un manque de confiance à son partenaire, en la vie et finalement en Dieu. Par contre l’unité, elle séduit les jeunes qui veulent vivre des relations amoureuses intenses. La formule "ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair" les fait rêver et ils voudraient tellement la voir advenir dans leur vie. Le prix à payer pour que ce rêve devienne réalité est le pas du mariage-sacrement !
- Ø La fidélité de l'amour conjugal
Les jeunes font une expérience de l’amour qui est souvent celle d’un amour trahi et éphémère. Cela ne les satisfait guère. Ils voudraient tellement aimer et être aimés d’un amour total et perpétuel, d’un amour fidèle et épanouissant. Les jeunes ont cherché cet amour partout et en toute personne, mais ils ne l’ont pas souvent trouvé. Cet amour ne peut être effectif qu’en Jésus, possible que dans le mariage-sacrement. La fidélité est un attribut de l’amour qui unie les époux chrétiens et le Christ seul peut garantir la pérennité de l’amour chez des hommes voués aux tentations diverses.
- Ø L'ouverture à la fécondité
« Les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes » affirme l’Eglise. Un exposé partant de cette assertion qui va en guerre contre les théories de mort qui présentent l’enfant comme une source de dépenses et une entrave à la liberté, pourrait décider quelques jeunes à s’ouvrir au mariage-sacrement. La paternité et la maternité sont des dimensions de la sexualité humaine qui sont frustrées quand les personnes refusent délibérément l’ouverture à la fécondité.
- 2. A nos coutumes
Le mariage coutumier n’équivaut pas au mariage-sacrement. Mais dans sa forme monogamique il s’y rapproche, surtout quand le Code de Droit le reconnaît comme un mariage naturel qui dispense les non-chrétiens qui reçoivent le baptême de la célébration sacramentelle du mariage. Aussi nos propos se situeront-ils plus dans une perspective de mariage naturel.
2.1. A partir de la conception africaine de la sexualité
Il s’agira ici, de faire des déductions à partir de la conception et non simplement d’y tirer des arguments militant en faveur de notre cause. La polygamie a durablement imprégné nos coutumes si bien qu’elle bénéficie toujours de concessions dans la formulation des diverses conceptions traditionnelles.
- Ø Le caractère religieux (sacré) du sexe
Le cache-sexe, dans l’Afrique traditionnelle, suffisait à se soustraire de toute nudité. Cette exigence de protéger le sexe et les arrières du regard d’autrui découle du caractère sacré[9] de ces parties. Cela plonge toute la réalité sexuelle dans un univers de mystère où l’acte sexuel gagne une connotation religieuse. C’est ce qui justifie la grande pudeur et toutes les retenues qui entouraient l’expressivité sexuelle (paroles et actes).
La sacralité (caractère religieux) reconnue au sexe aurait dû décider nos traditions à lutter contre la polygamie et les rapports sexuels en dehors du mariage. En effet le sexe, dans une pareille économie, ne devait point être objet d’usage subjectif et désordonné !
- Ø Le caractère social du sexe
Le sexe et donc l’acte sexuel sont avant tout au service de toute la communauté. L’individu doit donc vivre sa sexualité dans un esprit de cohésion sociale. Or la polygamie ne contribue pas à la stabilité sociale.
- Ø L’impératif social du plaisir sexuel
L’acte sexuel est orienté à la procréation. Il ne devrait pas être à la solde d’une quelconque recherche de plaisir sensuel égoïste. La polygamie est des fois motivée par le désir d’avoir à sa disposition plusieurs partenaires sexuels pour assouvir un appétit sexuel vicié. Aussi nos coutumes devraient-elles, au nom de cet impératif, lutter contre la polygamie et les relations sexuelles sans engagement matrimonial.
2.2. Regard sur la cérémonie traditionnelle du mariage
- Ø Précisions de méthodologie
Le schéma de la cérémonie du mariage est celui proposé dans l’âme africaine dans les traditions du Sud-Est du Togo, approche chrétienne, centre Emmaüs-Afanya. Nous avons parallèlement mené une enquête en milieu Watchi (Gboto/ préf. de Yoto) qui nous a permis de préciser quelques aspects.
- Ø Constats
Sans hypocrisie, il convient de reconnaître que le mariage tel que vécu traditionnellement ne présente aucun élément qui va contre la polygamie.
La polygamie y est même chantée comme un signe de richesse et d’honneur. Pour preuve, lors de la troisième démarche (Agbãdodo), quand la femme est remise à la famille de l’homme, après le versement de la dot, elle est accueillie par un chant de joie qui, traduit en français, donne: « les femmes braves sont rares. Seulement nous les hommes riches et capables pouvons les épouser, deux par deux, trois par trois ». Deux par deux, trois par trois : la polygamie est donc légitimée et encouragée au cœur même de la célébration du mariage.
- Ø Déduction
Il en découle qu’il est difficile et risqué de vouloir présenter à nos coutumes le mariage-sacrement comme le seul cadre légitime des relations sexuelles en partant des cérémonies traditionnelles du mariage.
2.3. La polygamie en crise
- Ø La monogamie n’est pas étrangère à nos coutumes
Nos coutumes reconnaissent la polygamie, mais elle n'a jamais constitué la seule forme de mariage dans la société africaine traditionnelle. En règle générale, seuls les hommes riches et puissants étaient en mesure d'entretenir des familles polygyniques. La monogamie, bien que parent pauvre, existait et était adoptée par une large majorité car il y avait plus de pauvres que de puissants. La monogamie n’est donc pas étrangère à nos coutumes et la raison pratique de son option reste d’actualité : manque de moyens matériels. Il est important de souligner le fait que ce n’est pas le christianisme qui a apporté la notion de monogamie en terre africaine afin de pouvoir la poser comme un acquis culturel. Ceci sera déterminant pour le discours qui voudra faire comprendre à nos coutumes que le mariage-sacrement est le seul cadre légitime des rapports sexuels.
- Déclin du modèle polygame
La polygynie, comme modèle matrimonial, est en déclin dans les pays en voie de développement en raison de l'éducation, de l'urbanisation croissante et du changement des conditions économiques. Le mouvement des femmes contribue également à l'éradication de la polygynie. Le lot des conséquences néfastes de la polygamie est assez parlant. Cependant, avouons-le, la réalité de la polygamie persiste toujours même si elle n’est plus affichée comme avant.
- Contradiction interne de la polygamie
L’homme et la femme jouissent d’une même dignité humaine. De même la vie matrimoniale suppose, à sa genèse, une volonté personnelle exprimée par chaque conjoint. Cet engagement pose une réciprocité des sentiments et des obligations des époux et leur confère des droits égaux. De ce fait si l’homme a le droit de prendre autant de femme qu’il veut (polygynie), la femme devrait également être en droit d’avoir autant de maris voulus (polyandrie). Il est donc évident que la polygamie, tolérée par nos coutumes, comporte un défaut de logique. A cette heure de l’affirmation de la dignité de la femme, ce constat de contradiction peut constituer un argument pour motiver les femmes à dire non à la polygamie et pour conscientiser les hommes.
Conclusion
Facilité, plaisir, sensation forte, absence de contrainte, voilà les maîtres mots des hommes de ce temps. L’ascèse, la maîtrise de soi, le sens de retenue, la souffrance, sont des réalités qui semblent ne plus avoir droit de citer. Dans une telle économie, il n’y a pas lieu de s’étonner que la morale sexuelle soit bafouée. L’Eglise mère, maîtresse et éducatrice déplore ce phénomène et appelle de tous ses vœux le rétablissement de l’ordre moral sexuel. C’est dans cette perspective que vient se loger cette contribution qui cherche à expliquer aux jeunes et à nos coutumes cet enseignement : le mariage-sacrement est le seul cadre légitime des relations sexuelles. L’espoir d’un revirement reste permis, aussi la voix de l’Eglise, par ses pasteurs et fidèles, ne doit-elle pas cesser de retentir. Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé nous rappelle l’apôtre des nations!
[1] Pour les données relatives au mariage-sacrement, nous nous référons aux éléments fournis par le Code de Droit de 1983 et le Catéchisme de l’Eglise catholique.
[2] Monseigneur Anselme A. SANON, Cultures africaines et sexualité,
[3] CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE, Vérité et signification de la sexualité humaine, Vatican, 1995, n° 10
[4] B. HÄRTNG, La loi du Christ, t. III, Paris, 1962, 401-402
[5] Abdou SYLLA, Mutilations sexuelles et féminité, in Ethiopiques, n°44-45, 1987 - volume IV, N°1.2
[6] Nous faisons appel à la pratique de l’excision juste pour démontrer le caractère social de la sexualité en Afrique et non pour la justifier.
[7] Alberts (Bruce), Principes de biologie cellulaire, Paris, Flammarion, collection « Médecine-Sciences », 1999, p 25-27
[8] sexualité, histoire de la in Microsoft Encarta 2007, ETUDES- DVD
[9] La sacralité dont il est question ici est plus du ressort du mystère et est liée essentiellement à la capacité génitrice (de générer la vie) du sexe.