Eglise catholique au Togo : blog d'un prêtre de Lomé !

Qui choisir aux élections ?

Qui choisir aux élections ?

 

Elections ! Le mot plus que la question : « Qui choisir aux élections ? » me berce et me ramène à un souvenir d’enfance. C’était par ces temps où le soir, assis à même le sol, la bande de gamins était tout ouï  à la solennelle voix du vieux Amégbézo qui depuis sa case contait et racontait.  J’entends encore ses lèvres déclamer l’éternelle série de mots démarreurs : « Il était une fois… » dit-t-il encore ce soir là et de poursuivre, en reprenant : il était une fois au pays des animaux, un  grand événement. Les animaux voulaient se choisir un roi. Les anciens mandatèrent sieur Singe de faire passer la nouvelle d’une assise à tous les animaux. Ainsi au lever du jour, tous les animaux se rassemblèrent au bord du marigot. Le singe souhaita la bienvenue à tous et fit signe au lion de prendre la parole. En effet le lion était le chef des Anciens de la forêt. Il dit : « Animaux mes frères, mon émotion est grande en ce jour. Jadis aux temps de nos aïeux, notre chère patrie était dirigée par le groupe des Anciens dont le clan des lions détenait la direction. Aujourd’hui des voix insistantes se sont levées pour réclamer l’abolition de ce système de gestion politico-sociale. Elles ont demandé qu’un chef de la forêt soit élu. Le collège des Sages a, en dépit de l’insanité de ce vouloir, accepté laisser faire. Et puisqu’une telle chose, qu’on appelle élections, ne s’est jamais passée sous nos cieux, nous nous sommes adressés  à la communauté des astres qui en connaissent bien la pratique car étant à leurs énièmes élections. Je passe donc le témoin à Dame Lune pour nous instruire. » Dame Lune se leva donc sous un tonnerre d’applaudissements. Après les marques de civilité, Lune alla au but. Elle s’annonça en ces termes : « Vouloir un chef, un roi, un président, c’est bon, c’est légitime. Cependant le choisir n’est pas aisé. D’abord, il vous faut des candidats. » « Qui veulent être roi ?» s’enquiert-elle sitôt. Un silence se fit, puis des murmures s’élevèrent par ci et par là. Des têtes éprises de couronne ne tardèrent pas à se signaler. Sans surprise, tous les cinq membres du conseil des Anciens déclarèrent leurs intentions de briguer la magistrature suprême. Dans la foule anonyme, sortirent également deux prétendants. Dame Lune reprit ainsi : « Nous voilà ave sept candidats ; je ne dirai pas que c’est trop, mais une présélection s’impose. Aussi ne retiendrons-nous que ceux qui sont nés dans cette forêt d’un père et d’une mère, eux-mêmes nés ici. » Après soustraction, il ne reste que quatre candidats.

 

« Quelle mode de scrutin allons-nous adopter ? – renchérit Dame Lune – Il y a la possibilité de la main levée et celle des urnes. » La deuxième option fut approuvée et des consommables – cailloux, feuilles, noix et coquilles – furent doigtés pour distinguer chacun des candidats. Dame Lune s’apprêta alors à donner le coup d’envoi des élections, quand s’éleva de la foule une voix assez sonore bien que cassée par le décompte itinérant des ans. C’était le vieux Pélican qui dit : « Mes frères qui allez vous choisir ? Le lion pour sa force, le renard pour sa ruse, le lapin pour sa fourrure ou le lérot pour son agressivité ? Il serait de bon ton de leur laisser la parole. Qu’ils parlent et exposent leur visons et perspectives d’avenir. Mais hélas que de belles paroles trompeuses pleuvront ! Évaluons-les alors sur la base de leurs aptitudes et les preuves qu’ils ont fait par le passé. Nous les avons souvent écoutés prendre position, donner leur opinion et vus agir. Posons-nous quelques questions avant de choisir :

Pourquoi je vote pour un tel ? Est-ce pour un mobil régionaliste ou clanique ? Est-ce pour des avantages matériels, sociaux, professionnels ?

Que fera-t-il, que pourra-t-il faire pour la population, une fois élu ?

Ses options politiques et économiques sont-elles réalistes et convergent-elles vers ‘’un développement intégral et solidaire de la nation’’ ?

Ce candidat offre-t-il de plausibles garanties de compétence, de probité et d’impartialité pour la  bonne gouvernance ? »

Sur ces entrefaites, les animaux décidèrent de se donner un additif temporel pour mûre réflexion. Et rendez-vous fut pris pour la prochaine lune.

 

Dans les bois, des êtres à qui on a toujours refusé la gloire de la raison, ont pu comprendre à ces quelques mots du sage Pélican, qu’élire, ce n’est pas un jeu d’enfants ni d’intérêts. Et nous alors ?

La question : « Qui choisir aux élections ?» ne devrait laisser indifférente  personne – sauf si elle n’est pas inscrite sur la liste électorale – mais hélas ! A ce jour, bien avant les “ tapages publicistes des campagnes électorales’’, beaucoup  ont déjà leur candidat tout fait et tout prêt. Combien se sont cependant posés les justes questions ?

D’aucuns pensent – à tort ou à raison, qui sait – et s’efforcent de se convaincre que tout est joué à l’avance et s’installent dans une léthargie politique. Certes des populations trop de fois trahies et qui ne comprennent rien du jeu où leurs têtes sont misées, ne sauraient être accusées de défection civique.

 

L’histoire récente de l’humanité retient dans ses annales, bien de luttes de groupes d’hommes revendiquant le droit de vote. Et aujourd’hui encore, des voix autorisées s’élèvent en faveur de la reconnaissance de ce droit aux femmes dans certains pays et à des minorités opprimées. Refuser d’exercer ce droit, serait donc une insulte et un froid mépris à l’endroit de tous ces martyrs contemporains. Exprimer son choix, plus qu’un simple de voir civique, est acte d’engagement patriotique, un cri d’espoir réclamant des jours plus beaux.

 

Le temps présent n’est point à sacrifier au fatalisme. Il est à mettre au service de la construction d’un lendemain meilleur.

 

Osons croire que des jours nouveaux s’amènent, où le bonheur des uns ne serait plus au prix de la misère des autres.

Osons espérer que l’avenir découvrira à nos yeux des jeunes qui, enfin ne seront plus réduits à crier sans cesse : « Oléyia !» Laissant leur Zémidjan (taxi-moto), ils pourront répondre à leur vraie vocation professionnelle.

Osons libérer la vérité et disons adieux aux violences post-électorales.

Osons rêver d’un lever de soleil qui verra finir nos levers de boucliers et de nos sagaies naître des houes.

Osons pleurer nos lâchetés, nos promesses jamais tenues, nos trahisons à la  mémoire de nos aïeux qui ont payé de leur sang notre liberté.

Osons briser les chaînes régionalistes pour grandir hors de la logique « du fils du terroir ».

Osons prier, même si nos fautes parlent contre nous et si des projets égoïstes nous séduisent toujours ; le Très Haut est Amour et Miséricorde bien que Vérité et Justice.

Osons pardonner et arrêter d’accuser l’autre qui est sous les projecteurs, tous nous avons croqué la pomme d’Eden.

Osons une fois, osons encore, osons toujours et la PAIX sera nôtre !

 

Romain SEMENOU



15/04/2011
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