Un monde sans Dieu sera-t-il meilleur ou pire?
Homélie du 6ème dimanche du temps ordinaire B : Lv 13, 1-2. 45-46 ; Ps 31 ; 1Co 10, 31 – 11, 1 ; Mc 1, 40-45
Un monde sans Dieu sera-t-il meilleur ou pire?
Le « siècle des lumières », voilà le nom du XVIIIème où la lumière naturelle (raison humaine) fut opposée à la lumière surnaturelle (foi en Dieu). En effet les hommes ont cru et décrété qu’il était temps de se passer de Dieu : « Dieu est mort » scandèrent certains. Le divorce entre raison et foi a donc été solennellement proclamé, puis les siècles se sont succédé et de nouveaux maux firent leur apparition : la classe ouvrière (prolétariat) avec des conditions de travail inhumaines au XIXème siècle ; le XXème siècle avec les deux guerres mondiales et les régimes totalitaires, le simulacre d’indépendance des pays africains ; le XXIème siècle avec sa panoplie de maux que nous vivons. Devant ce tableau une question se fait insistante : un monde sans Dieu sera-t-il meilleur ou pire?
Partons du commentaire des textes de ce 6ème dimanche pour répondre à cette interrogation. Dans la première lecture, la lèpre – figure du mal – entraîne l’exclusion de la communauté. Le lépreux, l’homme impur par excellence, vit à part et ne peut donc bénéficier ni du soutien ni du soin des autres membres de la communauté. Comment peut-il alorsguérir ? Il est donc un mort social et un malade chronique. Aujourd’hui la lèpre – proprementdite – est mieux connue et elle n’entraîne plus un isolement systématique mais combien de lépreux rencontrons-nous dans les rues de nos villes ? Presque jamais car personne n’en veut voir, ils sont internés chez les bonnes sœurs.
Cependant notre société d’aujourd’hui a bel et bien ses exclus : les personnes âgées et les malades pour qui notre raison humaine a inventé les maisons de retraite – véritable mouroir dans certains cas – et l’euthanasie, les handicapés que la société combat comme des tares humaines et là le diagnostic prénatal, noble fruit de notre intelligence, se contente d’un verdict d’avortement pour les fœtus porteurs d’un potentiel handicap.
De même, chacun personnellement a son lot d’exclus, des personnes qu’on ne supporte pas, qu’on ne voudrait plus jamais rencontrer. Il est vrai que certaines situations ou événements de la vie nous amène à restreindre notre champ relationnel : une offense difficile à oublier, une trahison qui a coulé notre avenir, une déception qui a brisé notre cœur, une solitude qu’on nous impose, le souvenir d’un soir de désespoir et de misère où la seule main secourable s’est fermée, … Comment alors accepter aller avec ces personnes qui sont la source de ce mal que nous avons subi ?
Saint Paul nous montre son modèle, le Christ et nous le propose aussi. Alors nous devons poser la question autrement : le Christ acceptera-t-il d’aller avec des personnes qui sont à la source des maux qu’il aurait subi ?
Le Christ Jésus sur la croix a prié pour ses bourreaux en ces termes : « Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Et devant le lépreux de l’évangile, Saint Marc atteste que Jésus fut pris de pitié et il rétablit dans la vie sociale le lépreux en le guérissant. Mon frère, ma sœur, ce serait bien que nous nous asseyons au début de cette semaine et revisitons notre liste de persona non grata, des personnes à qui nous avons appliqué un game over pour leur accorder une seconde chance. Leur accorder une seconde chance ne veut pas dire forcément renouer avec eux des liens identiques à ceux de jadis ; l’essentiel c’est avant tout leur accorder notre pardon et accepter que nos pas croisent les leurs.
Le pardon, c’est un signe de force, c’est un sacrifice que seul l’amour peut consentir, c’est un acte que ne peut poser qu’une personne qui sait et croit que tout ne s’arrête pas sur cette terre. Où trouver alors la force pour pardonner, si ce n’est qu’en Dieu. Où trouver la force pour détester le mal tout en aimant l’homme qui commet le mal, si ce n’est Jésus Christ. Comment saurions-nous vivre dans un monde où le mal nous assaille de toute part et nous paralyse si la foi en Dieu ne maintient en nous l’espoir d’un lendemain meilleur ? Enfin reprenons notre première question : un monde sans Dieu sera-t-il meilleur ou pire?
Pour finir, n’oublions jamais que toute personne humaine – donc toi et moi – a une tache, une marque de lèpre qui lui colle à la peau. Elle peut être un vice (sexe, alcool, vitesse en conduite, intempérance, orgueil, adultère planifié, corruption …) dans lequel nous nous plaisons, ou un péché mignon (mensonge, tricherie, jeu de hasard, lecture de l’horoscope, manque de pudeur dans le parler et l’habillement…) auquel nous n’opposons plus de résistance, ou une situation stablequi nous maintient dans le péché. Saisissons aujourd’hui l’opportunité que nous offre les textes liturgiques et prions Dieu en empruntant les mots du psalmiste : « Seigneur, entends ma prière : que mon cri parvienne jusqu’à toi ! » ou ceux du lépreux à Jésus : « Si tu le veux, tu peux me purifier ».
Union de prières !
Romain Séménou, diacre
Lomé le 11 février 2012