Eglise catholique au Togo : blog d'un prêtre de Lomé !

EUCHARISTIE

 

Le sacrement de l'Eucharistie 

 

INTRODUCTION

 

Si les sacrements sont définis comme actualisation des mystères du Christ, le sacrement de l’Eucharistie est l’actualisation du mystère du Christ qui se donne à manger sous l’espèce du pain et du vin. Comme la définit l’Eglise, l’Eucharistie est le sacrement qui contient réellement et substantiellement le corps, le sang, l’âme et la divinité de Jésus Christ sous les apparences du pain et du vin. Elle est la « source et sommet de toute la vie chrétienne » (LG. 11) et les autres sacrements et tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques sont tous liés à elle et ordonnés à elle. En effet, l’Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Eglise et pour le Pape Léon XIII, elle se révèle comme « ce mystère où sont renfermées en abondance diverses merveilles et toutes les réalités surnaturelles ». Elle est par excellence le mystère de tous les mystères divins.

Du grec eucharistein (eucharistein), l’Eucharistie porte en elle-même le sens d’action de grâces à Dieu faisant référence aux bénédictions des Juifs surtout au cours des repas pour remercier le Seigneur pour ses œuvres de création, de rédemption et de sanctification. Elle prend aussi plusieurs appellations à savoir : Repas du Seigneur en référence à la Cène ; Fraction du pain conforme au rite propre aux repas juif où le pain est fractionné et partagé ; Assemblée eucharistique rassemblant les fidèles et célébrée en leur présence ; Mémorial en souvenir de la passion et de la résurrection de Jésus Christ ; Saint Sacrifice à cause de son caractère sacrificiel actualisant l’unique sacrifice de Jésus Christ sur la croix ; Communion puisque l’Eucharistie nous unit au Christ et nous rend participants de son corps et son sang pour former un seul Corps.

L’Eglise en ces débuts a rencontré des difficultés quant à la définition et l’appréhension des sacrements mais le Concile de Trente qui a apporté un renouveau théologique sera la porte ouverte sur la compréhension de ce qu’est un sacrement en l’occurrence le sacrement de l’Eucharistie. Ainsi, dans une célébration eucharistique, c’est tout le sacrifice du Christ qui est mis à notre portée, sous la forme sacramentelle, par le ministère du prêtre. Le prêtre, par le sacrement de l’Ordre, détient le pouvoir de tenir la place du Christ pour présider et accomplir le repas sacrificiel auquel tous les fidèles doivent participer, à leur manière en offrant le Christ à Dieu le Père Eternel et en s’offrant eux-mêmes en même temps avec lui en vertu du sacerdoce commun conféré dans le baptême.

Notre tâche ici consistera à toucher du doigt ce sacrement en analysant certains points fondamentaux, historiques, doctrinaux et théologiques au sujet de l’Eucharistie et enfin terminer par une réflexion sur la relation indéniable existant entre l’Eucharistie et les autres sacrements dans l’Eglise.

 

I. FONDEMENTS DE L’EUCHARISTIE

 

1. Aspects anthropologiques : le pain et le vin.

 

Dans cette partie, nous voudrions montrer la réalité et la nécessité du pain et du vin dans la vie de tout être vivant spécialement l’homme qui possède un corps, une âme, un esprit et qui ressent des besoins tant biologiques que spirituels.

 

1.1. Le pain

 

Dans notre existence terrestre, le pain est un élément essentiel de la nourriture nécessaire à la vie. Après la chute d’Adam, pour pouvoir assurer sa survie, Dieu lui dira : « A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain »[1]. A nos yeux, nous croyants, le pain n’est pas seulement fruit du travail de l’homme mais aussi et avant tout don de Dieu : « Donne nous notre pain de ce jour… » disons-nous. Le pain est le quotidien des hommes à l’œuvre dans ce monde. Il est la communion journalière avec tout ce qui entoure l’homme et qu’il lui faut faire fructifier. Il est aussi le partage le plus simple que l’on peut faire entre frères malgré l’affirmation « l’homme ne vit pas seulement de pain… » car il est la faim de tous les jours et ce besoin que l’homme a de trouver sa nourriture.

Ainsi, du fait même de la place qu’il tient dans la vie des hommes, le pain fournit quantité d’images et de symboles. L’Ancien et le Nouveau Testaments y font recours en une progression qui atteindra son sommet lorsque le Christ se fera lui-même pain à manger s’offrant à ses disciples pour qu’ils aient la vie éternelle[2].

 

1.2. Le vin

 

Le vin est la source de la joie dans une fête. Il est au cœur de tout rassemblement festif en l’occurrence le mariage, les noces. Comment faire et réussir des noces quand « ils n’ont plus de vin »[3]? En Israël, le vin occupe une place importante. Il est signe d’allégresse et d’abondance, manifesté dans le breuvage aux noces et réjouissances. Il possède une grande importance cultuelle.[4] Israël tout en refusant l’ivresse qui aliène l’homme, accepte d’offrir le vin, signe de l’abondance donnée par Dieu ; il est aussi chargé du symbolisme de l’espérance rappelant la joie de l’Exode et appelant la venue du règne bénéfique de Dieu.[5] Il a aussi une vertu médicinale calmant et soulageant la douleur physique.[6] La place importante occupée par le vin dans la vie des Israélites a exercé son influence sur le langage imagé de la Bible. Israël, cep de vigne transplanté d’Egypte en Canaan par Yahvé.[7] Le vin reçut sa destination la plus élevée lorsqu’à la Cène Jésus a pris du pain et du vin et a institué l’Eucharistie.[8]  

 

2. Aspects bibliques

2.1. Préfiguration dans l’Ancien Testament

 

La bénédiction est à l’origine de l’Eucharistie. Quand Dieu dit, Dieu fait. Quand Dieu dit du bien à propos de quelqu’un, ce bien se produit. Dieu bénit les hommes en leur donnant de la nourriture, du pain et du vin pour leur survie. Dans la révélation biblique, le pain sert à exprimer la communication de sa vie que Dieu fait à son peuple. Ainsi, dieu donne la manne et les cailles au peuple d’Israël dans le désert afin qu’il ne périsse pas. A travers la manne ce « pain venu du Ciel »[9], Dieu pourvoit aux besoins du peuple hébreux témoignant non seulement de sa sollicitude pour le peuple élu et un appel à la confiance mais aussi c’est un des moyens de la pédagogie divine destinée à amener peu à peu les Israélites à une vision plus spirituelle de la vie à travers la nourriture.

De même la célébration de la Pâque juive au cours  de laquelle l’agneau pascal était immolé et consommé préfigurait l’Eucharistie dans laquelle Jésus Christ est la victime, l’Agneau qui s’offre lui-même. En effet, pour la célébration de leur grande fête annuelle, la Pâque qui commémorait leur libération de l’esclavage égyptien, les juifs se conformaient strictement au rite qu’avaient suivi leurs ancêtres les hébreux avant leur départ d’Egypte. Dans ce repas pascal, outre le sacrifice de l’agneau pascal et sa consommation au cours d’un repas familial solennel, le rite comportait aussi la consommation de pains azymes.

Du grec a-zumè qui signifie sans levain, le pain azyme était à la fois le rappel de la hâte du départ d’Egypte et un symbole de la pureté du cœur, le ferment étant l’image du mal qui travaille et corrompt le cœur de l’homme.[10] Dans le don de la manne du désert est mis en relief le souvenir rappelant toujours à Israël qu’il vit du pain et de la Parole de Dieu et la rédemption attachée à la sortie d’Egypte est appliquée à la mort-résurrection du Christ commémorée dans l’Eucharistie qui s’inscrit dans la ligne de la conclusion de l’Alliance sinaïtique.[11]

 

2.2. Préfiguration dans le Nouveau Testament

 

La multiplication des pains[12] est un témoignage de la prise en compte par Jésus des besoins de la vie concrète, et est un symbole des dons surabondants de Dieu. Mais surtout, elle fournira l’introduction à une vue plus élevée, et plus exigeante de la vocation de l’homme. La clef de cet enseignement, à la fois par le geste et la parole, est donnée par l’Evangile de Jean au Chapitre 6 rapportant le discours de Jésus après la multiplication des pains. Jésus se définit, comme étant le véritable pain venu du ciel, le pain de Dieu, le pain de Vie, « Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité ; celui qui mange ma chair et boit mon sang, porte la vie en lui, et je le ressusciterai ». L’Eucharistie, qui ne sera instituée que le Jeudi Saint, est déjà tout entière préfigurée.

 

II. INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE

 

Dans notre foi chrétienne, nous affirmons que « les sacrements ont été institués par Jésus lui-même ». Cela  signifie qu’il n’y a aucun sacrement avant lui et que tous les sacrements tiennent leur sens et leur pouvoir de Jésus qui les a choisi comme moyen de grâce. Saint  Paul disait à propos de l’Eucharistie : « Voici ce que j’ai reçu du Seigneur, et que je vous ai transmis : La nuit où il fut livré, le Seigneur prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit et dit : ’’Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi’’. Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : ’’Cette coupe est la nouvelle alliance de mon sang’’. Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne ».[13]

 

1. Dans les Synoptiques

 

La Cène, dont les synoptiques font le récit, est-elle un simple repas, dont la portée exacte reste à préciser  mais que Jésus ne désirait pas voir renouveler ? Ni Marc (14,22-25) ni Matthieu (26, 26-29) ne rapportent d’ordre de réitération donné par Jésus. En revanche, chez Luc, une  parole très nette dans le sens de réitération fait suite aux mots « ceci est mon corps… ».[14] Cette parole se retrouve chez Saint Paul et indirectement dans Saint Jean. Le simple fait que Matthieu et Marc aient un récit de la Cène, indique que la tradition représentée par eux considérait la Cène comme l’origine de l’Eucharistie.

Bref les synoptiques situent tous l’institution de l’Eucharistie dans le cadre du dernier repas terrestre de Jésus avec ses disciples auxquels il confie le grand mystère de sa présence dans son absence.

 

2. Dans l’Evangile de Saint Jean

 

Dans  cet évangile, le discours sur le pain de vie affirme à sa manière que l’institution de l’Eucharistie remonte à Jésus tout en soulignant sa liaison à l’incarnation et sa valeur sotériologique. «  Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. De même que le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange lui aussi vivra par moi ».[15] Membres d’un seul corps, nourris d’un même pain, les chrétiens sont appelés à vivre dans l’unité. De cette unité l’Eucharistie est le sacrement. L’évangile de Saint Jean ne contient pas le récit de l’institution de l’Eucharistie, mais plutôt le discours sur le pain de vie. Jésus est présenté comme le pain de vie descendu du ciel[16] et qu’il faut manger sa chair et boire son sang[17] pour avoir la vie éternelle.

 

3. Dans les Epîtres de Saint Paul

 

En réalité, la tradition sur l’origine de l’Eucharistie existait déjà vers les années 50. Saint Paul en témoigne dans sa première lettre aux Corinthiens. Dans le chapitre 10, 1-15, St Paul fait allusion certainement à l’Eucharistie. Les Israélites dans le désert (préfiguration des chrétiens) « ont tous été baptisés…, ont tous mangé le même aliment spirituel et ont tous bu le même breuvage spirituel ». Ensuite Paul dans 1Co10, 14-22, souligne que l’Eucharistie est un repas sacrificiel. J’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis.[18] Ensuite il raconte le récit de la Cène. Il faut donc noter que l’Eucharistie de Corinthe est liée à un repas, qu’elle connote l’idée de charité[19] et que son caractère de rite institué par le Seigneur[20] oblige à n’y participer que dans certaines dispositions morales. Des récits de Saint Paul, nous pouvons noter que Jésus se donne lui-même aux disciples en nourriture et en breuvage. Il donne ensuite l’ordre de réitérer son geste.

 

III. DONNEES HISTORIQUES SUR L’EUCHARISTIE

 

1. Dans les Premières Communautés Chrétiennes 

     (Fraction du pain à Jérusalem et Célébration eucharistiques à Corinthe)

 

*La fraction du pain à Jérusalem

Les Actes des Apôtres nous disent que  les chrétiens, tout en participant à la vie de leur peuple se réunissent fréquemment dans des maisons particulières pour la fraction du pain. Une de ces maisons connues est celle de Marie Mère de Jean–Marc où une assemblée se réunissait pour prier pour Pierre en prison.[21]

La « fraction du pain » est l’expression archaïque avec laquelle les Actes des Apôtres désignent l’Eucharistie.[22] Elle rappelle le geste du Christ partageant le pain après avoir prononcé sur lui les paroles consécratoires. Le Christ avait institué l’Eucharistie au cours du repas pascal. La bénédiction du pain est celle des azymes avant le repas. Ce sont ces deux rites que les chrétiens ont conservés, mais désormais séparés du repas pascal et accomplis soit à la suite d’un repas, soit sans accompagnement d’un repas. Celui qui présidait l’Eucharistie, après avoir rendu grâces, bénissait le pain et le vin en étendant sur eux les mains et prononçant les paroles du Seigneur à la Cène. Ces réunions ont lieu quotidiennement dans la nuit de samedi à dimanche[23] et comprenant des instructions, la fraction du pain, (repas) et prières de louanges.[24]

 

*Célébration eucharistique à Corinthe

Comme à Jérusalem, à Corinthe, les chrétiens se réunissaient en assemblée eucharistique dans des maisons appartenant à des membres de leur communauté. C’est ainsi que Paul en 1Co.16, 19 a parlé d’Aquila et de Priscilla et de l’Eglise qui était dans leur maison. Cette eucharistie a lieu au cours d’un repas. En 1Co.11, 17-33, Paul dénonçait les attitudes incorrectes des Corinthiens : la division, le manque de communion, de fraternité. Occasion pour lui de leur rappeler les bonnes conduites dans lesquelles l’Eucharistie devrait être célébrée :

- Fidélité à l’enseignement ou à l’héritage reçu du Christ en ce sens : nécessité de dire les mêmes paroles consécratoires prononcées par le Christ.

- Une bonne disposition intérieure avant de participer à ce repas pour éviter de se condamner soit même : il faut bien examiner sa conscience.

- La nécessité pour les femmes de porter le voile.[25]

Ces dispositions s’imposent car il ne s’agit pas de n’importe quel repas mais bien du corps du Christ.

 

2. Les Pères de l’Eglise

 

2.1. La Didachè

 

Son titre le plus long est « Enseignement du Seigneur aux Gentils, transmis par les douze Apôtres ». L’auteur n’a pas révélé son nom. C’est téméraire de croire en se basant sur le titre qu’elle vient des Apôtres. L’auteur voudrait tout simplement donner un résumé de la doctrine du Christ telle que les Apôtres l’ont enseignée aux nations. La Didachè est le document le plus important de la période qui suivit immédiatement les Apôtres, et la source la plus ancienne que nous possédons de la législation ecclésiastique.

Les chapitres 9 et 10 contiennent les plus anciennes prières eucharistiques connues jusqu’ici. Il y est précisé que seuls les baptisés peuvent avoir accès à l’Eucharistie. L’auteur estime que c’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens ». Le chapitre 10, 6 souligne que l’Eucharistie est une nourriture et un breuvage spirituels. Il faut se rendre saint par la pénitence avant de la recevoir. D’autres prescriptions réglementaient la première communion des nouveaux baptisés lors de la veillée pascale.

L’office ordinaire du dimanche est décrit au chapitre 14. Ce chapitre 14 comporte l’appel à se réunir le jour du Seigneur pour la fraction du pain. La condition pour y accéder est la confession des péchés. Il ne s’agit sûrement pas de confession sacramentelle mais liturgique des péchés à la manière de notre confiteor. Il faut aussi que les participants se réconcilient entre eux. On y fait aussi référence comme sacrifice.

 

2.2. Saint Justin

 

*Apologie

L’Apologie de Justin présente deux descriptions de la liturgie eucharistique. La première rapporte la liturgie eucharistique des nouveaux baptisés. La seconde rapporte la liturgie des dimanches. Il explique d’abord le choix de ce jour pour l’assemblée liturgique régulière : jour sanctifié car il est celui où Dieu créa le monde et celui où le Christ ressuscita des morts.

 

*Structure de l’assemblée

1. Lecture tirée des Evangiles canoniques appelés « Mémoires des Apôtres » ou des livres des prophètes.

2. Sermon (ou discours).

3. Tous se lèvent et prient ensemble à haute voix pour les chrétiens et pour le monde entier.

4. Echange du baiser de paix par tous les membres.

5. Présentation du pain, du vin et de l’eau au président. Il récite sur ces objets une prière de consécration.

6. Distribution par les diacres des dons sacrés aux membres présents et on en emporte aux absents.

Justin ajoute explicitement que ce ne soit ni un pain ordinaire, ni une boisson ordinaire, mais la chair et le sang de Jésus incarné. Pour preuve, il pense que la prière de consécration dite par le président soit les mêmes paroles prononcées par le Christ.

On adopte la même structure pour la liturgie eucharistique qui suit le sacrement de baptême sauf qu’on omet la lecture et le sermon à cause, semble-t-il, de la cérémonie baptismale.

 

*Condition d’accès       

- Personne ne peut y prendre part, s’il ne croit à la vérité de notre doctrine (Profession de foi commune).

- S’il n’a reçu le bain pour la rémission des péchés (baptême) et la régénération.

- Et s’il ne vit pas selon des préceptes du Christ (sainteté, état de grâce) « Car nous ne prenons pas cet aliment comme un pain commun ou une boisson commune. De même que par le Verbe de Dieu, Jésus Christ notre Sauveur a pris chair et sang pour notre salut, de même l’aliment devenu Eucharistie grâce à la prière formée par les paroles du Christ, cet aliment qui doit nourrir par assimilation, notre sang et nos chairs, est la chair et le sang de ce Jésus incarné : Telle est notre doctrine. Les Apôtres, dans leurs Mémoires qu’on appelle évangiles, nous rapportent que Jésus leur fit ces recommandations : il prit du pain, et, ayant rendu grâces, il leur dit : ’’Faites ceci en mémoire de moi : ceci est mon corps’’. Il prit de même le calice, et, ayant rendu grâces, il leur dit : ’’ceci est mon sang’’. Et il les leur donna seuls» (Ap. 1,65-66).[26]

 

*Discussion : Eucharistie et Sacrifice

Une vive discussion s’est élevée pour savoir si Saint Justin considérait l’Eucharistie comme un sacrifice offert pour la rémission des péchés. Les passages ayant conduit à cette polémique se trouvent dans le Dialogue avec Typhon. « La seule manière digne de lui de donner l’honneur, selon ce qu’il nous a enseigné, ce n’est pas de consumer par le feu les choses qu’il a faites pour notre substance, mais d’en user pour nous et d’en faire part aux pauvres, et de lui offrir nos hommages solennels et nos hymnes en action de grâces pour la vie qu’il nous a donnée ».[27]

Ce que rejette effectivement Justin, c’est le sacrifice matériel tel que le pratiquaient les païens et les Juifs. Pour lui, les sacrifices extérieurs doivent, être abolis. Il n’y a plus place dorénavant pour les sacrifices matériels sanglants, l’Eucharistie représente le sacrifice spirituel longtemps attendu, car le logos lui-même en est la victime. « Or, que des prières et des actions de grâces faites des hommes dignes, soient les seuls parfaits sacrifices et les seuls agréables à Dieu, je l’affirme moi aussi ».[28]

Justin identifie nettement l’Eucharistie au sacrifice. Or, ce sont des sacrifices que nous, les nations, nous lui offrons en tout lieu (c'est-à-dire du pain de l’Eucharistie, et aussi de la coupe de l’Eucharistie). Il met aussi l’accent sur le côté spirituel du culte qui confère à celui-ci sa supériorité  sur tous les sacrifices païens ou juifs.

 

2.3. Origène

 

Dans le « Contre Celse » (8,33) Origène appelle par endroit le pain eucharistique « Corps Saint » :« Nous rendons grâces au Créateur de toutes choses, et nous mangeons les pains qui nous sont présentés avec actions de grâces et prière pour les biens reçus. Et ces pains sont devenus par la prière un corps saint et sanctifiant ceux qui le reçoivent avec les saines dispositions » et ensuite «  Corps du Seigneur » :« Vous qui assistez habituellement aux divins mystères, vous savez quelle précaution respectueuse vous gardez le Corps du Christ lorsqu’il vous est remis, de peur qu’il n’en tombe quelques miettes et qu’une part du trésor consacré ne soit perdu. Car vous vous croiriez coupables et en cela, vous avez raison, si par votre négligence quelque chose s’en perdait (in. Ex., hom. 13,3.). Origène croit au caractère sacrificiel et expiatoire de l’Eucharistie. Il mentionne la présence de l’autel « Vous voyez que les autels ne sont plus aspergés par le sang des brebis, mais consacrés par le sang précieux du Christ » (in Jesu Nave, 2,1).[29]

Origène affirme que le sang du Christ peut être bu de deux manières, « sacramentellement » et par la réception de ses paroles vivifiantes  (in Num.Hom.16, 9).

 

2.4. Jean Chrysostome

 

Le réalisme eucharistique de Jésus Christ nous est connu à cause de l’importance que Jean Chrysostome accorde à la doctrine de notre incorporation au Christ. Il est reconnu comme le Docteur de l’Eucharistie. Un de ses textes l’exprime bien : « En vérité, il fait notre union avec lui de beaucoup de manières. Vois : il est la tête, nous, le corps. Peut-il y avoir un espace vide entre la tête et le corps ? il est le fondement, nous l’édifice ; lui, la vigne, nous, les sarments ; lui, l’époux, nous, l’épouse ; lui, le berger, nous, les brebis ; lui, la voie, nous les voyageurs ; nous le temple, lui l’habitant ; lui, l’aîné, nous, les frères ; lui l’héritier, nous les cohéritiers ; lui, la vie, nous les vivants ; lui, la résurrection, nous, les ressuscités ; lui, la lumière, nous, les illuminés ». Tout cela parle d’union, tout cela indique qu’il ne peut demeurer d’intervalle, fût-ce le plus petit.

 

2.5. Saint Augustin

 

Saint Augustin mérite une attention toute spéciale par l’étendue, la richesse, parfois aussi la difficulté de ses textes eucharistiques. Deux aspects sont développés sur l’Eucharistie : Sacrifice et action eucharistique et la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie.

 

a) Sacrifice et action eucharistique

Partant de la théorie générale du sacrifice développé dans le « De Civitate » le vrai sacrifice est le mouvement de l’âme vers Dieu s’exprimant dans un acte approprié. L’immolation de victimes y importe moins que la consécration de soi et l’ascèse.

L’Eucharistie figure le sacrifice de l’Eglise en renouvelant quotidiennement, in sacramento, celui du Christ sa source. Le Christ a été immolé une seule fois en lui-même, et pourtant, en sacrement, il est immolé chaque jour pour le peuple. Pour Augustin, ici le sens exact du sacrement veut dire : signe religieux (rite, événement symbolique…) ; la réalité signifiée est le res de sacramentum, qui ne se confond pas avec l’efficacité spirituelle du signe, quand il y en a une, mais lui est reliée organiquement.

Pour comprendre l’action eucharistique, il faut donc la situer à l’intérieur du vrai sacrifice pris en sa totalité : l’acte sacrificiel du Christ mort et ressuscité entraînant l’Eglise dans son mouvement vers Dieu. Elle est le signe sacré par lequel le sacrifice unique du Christ se rend chaque jour actuel pour se faire participer par les chrétiens : l’Eglise y est, avec son chef, offrante et offerte.[30]

 

b) Présence réelle du Christ selon Saint Augustin

La pensée d’Augustin est plus complexe et sujette à des malentendus quand il s’agit de la présence réelle du Christ. D’une part, il manifeste une orientation symboliste bien connue par ailleurs et particulièrement cohérente avec la notion du sacrement-signe. Il voit dans le pain et le vin une figure du corps et du sang, et il lui arrive de suggérer l’équivalence de la figure comme telle avec la réalité figurée.

Ajoutons enfin l’insistance mise sur le symbolisme ecclésiologique : on a plus d’une fois l’impression que le corps eucharistique du Christ s’identifie avec son corps mystique, l’Eglise. En somme, Augustin ne s’intéresse pas à l’Eucharistie pour elle-même, mais pour son but dernier, l’union des chrétiens avec le Christ et entre eux, ébauche de l’éternité bienheureuse.

 

3. Les réformateurs

 

3.1. Luther

 

Luther a toujours maintenu fermement l’affirmation de la présence sacramentelle imposée par les textes sacrés. Au début, il hésite, dans la façon de la comprendre, entre une consubstantiation à la Wyclif et une transsubstantiation plus ou moins bien comprise[31]. Il aime à expliquer la présence eucharistique par le don d’ubiquité[32] que la nature divine du Christ communiquerait à sa nature humaine. Partout présent, le Christ ne nous est présent comme nourriture et boisson que dans l’Eucharistie, ayant choisi ces signes pour se donner à nous, par pure grâce, moyennant sa Parole dite sur le pain et le vin et reçue par nous : avec foi. Cette présence durera autant que l’action eucharistique telle que le Christ l’a instituée : elle ne se prolonge pas après cette action et n’est pas donnée dans les emplois abusifs de l’Eucharistie (Processions, salut du Très Saint Sacrement).

Une foi rejetée la transsubstantiation, Luther insiste sur le fait de la présence, seul objet de foi, mais les explications qu’il donne sont des images de signification variable, orientées plutôt vers la consubstantiation.

 

3.2. Calvin

 

Calvin cherche une voie moyenne entre luthéranisme et Zwinglianisme, en s’inspirant fortement de Saint Augustin, de Luther. Sa notion du sacrement en général est pourtant assez proche de celle de Zwingli, et elle est appliquée telle quelle à l’Eucharistie : par ce rite, le Seigneur garantit, en l’individualisant et la mettant plus à portée du croyant, sa promesse du salut ; par là il stimule la foi justifiante et lui donne son objet Jésus-Christ avec sa mort et résurrection, lequel constitue la matière ou la substance du don sacramentel.

Aussi Calvin répond-t-il aux Zwingliens : pain et vin sont tellement signes que la vérité est conjointe avec. Mais il refuse et la consubstantiation luthérienne et la transsubstantiation catholique (en réalité il entend par là tout autre chose : annihilation des substances pain et vin et apport du corps et du sang du Christ à leur place). Localisé dans le Ciel seulement, le corps du Christ ne peut l’être en même temps sur les autels. La présence eucharistique est donc une présence réelle du Christ mais purement spirituelle, dans la foi (sans la foi, pas de présence, la signification du signe n’étant pas acceptée) ; le corps du Christ n’est pas lié matériellement au pain, mais en mangeant celui-ci avec foi, on reçoit spirituellement celui-là en nourriture.

En somme, l’action matérielle est signe et instrument du don spirituel : c’est assez dire que pour Calvin comme pour Luther, la présence dure seulement le temps de la célébration et n’est pas donnée hors d’une célébration correcte de la Cène. D’où des polémiques analogues contre la sainte réserve et divers autres éléments de la pratique et de la doctrine catholique.

 

4. Les Conciles

 

4.1. Le Concile de Trente

 

Traitant des Sacrements de l’Eglise, le Saint Concile a pour objectif d’exposer l’antique et véritable doctrine sur la foi et les sacrements et de porter remède à toutes les hérésies et à tous les autres dommages très graves qui troublaient alors l’Eglise de Dieu. Le Concile veut ainsi purifier la doctrine sur l’Eucharistie de ce qui l’empoisonnait, venant des réformateurs.

Trois Sessions ont ponctué les travaux sur le sacrement de l’Eucharistie et ont donné lieu à trois décrets. Mais il est à noter avant tout que les Pères conciliaires ont écarté le mot « accident » en lui préférant « species » c’est-à-dire apparence.

 

* Décret sur le Sacrement de l’Eucharistie.

 

- La présence réelle.

Après la consécration du pain et du vin, Jésus-Christ lui-même est réellement présent et substantiellement présent dans le sacrement eucharistique sous l’apparence de ses réalités sensible, comme nous le rapporte la Sainte Cène. C’est ce que précise le Catéchisme du Concile de Trente. En effet les paroles prononcées lors de la Consécration, produisent 3 effets qui prouvent la présence réelle :

- La présence du vrai Corps de Jésus, né de la Vierge Marie, dans l’Eucharistie.

- Rien ne reste, dans ce sacrement, de la substance du pain et du vin.

- Et enfin, par une disposition inexprimable, les éléments sensibles (pain et vin) sont changés en Corps et Sang du Christ.

 

- Les raisons de l’institution de l’Eucharistie

L’institution de l’Eucharistie à deux raisons fondamentales : en premier lieu, Jésus a voulu qu’elle fût reçue comme l’aliment spirituel qui soutienne et conserve en nos âmes la vie de grâce. Et en second lieu qu’il fût l’antipode qui nous libère de nos fautes quotidiennes et nous préserve des péchés mortels. En outre, le Christ a voulu aussi que ce sacrement, mémorial de ses merveilles, soit un gage de l’amour et d’unité, de foi d’espérance et de charité.

 

- Eucharistie, sacrement par excellence :

Bien que la Très Sainte Eucharistie (comme tous les autres sacrements) soit « le symbole d’une réalité sainte et la forme visible d’une grâce invisible », elle a ceci de particulier, d’excellent en ce sens que, avant même qu’on la reçoive, on a l’auteur de la Sainteté en personne ; alors que les autres n’ont pas la vertu de sanctifier que lorsque quelqu’un y a recours.[33]

           

- La transsubstantiation

A la suite des scolastiques, le Concile de Trente réaffirme que, par la Consécration du pain et du vin, il y a un changement de toute la substance du pain en la substance du Corps du Christ et de toute la substance du vin en la substance du Sang du Christ. Et c’est ce changement substantiel qu’on désigne sous le nom de Transsubstantiation.[34]

Face à la grandeur de ce Très Saint Sacrement le Concile recommande même culte et même vénération dus au vrai Dieu, puisqu’en lui se trouve présent Jésus Christ Vrai Dieu et Vrai Homme, Celui dont il est dit « Et que tous les Anges de Dieu l’adorent ».[35]

Les Pères conciliaires réaffirment et maintiennent une très ancienne coutume de l’Eglise qui permettait de la porter aux malades : La Sainte Réserve.

Le Saint concile rappelle aussi, à la suite de Saint Paul que l’Eucharistie ne doit pas être reçue par qui le veut mais par qui en est autorisé et qui s’y est correctement et sérieusement préparé. Car, « quiconque mange et boit indignement, mange et boit sa condamnation, ne discernant pas le Corps du Seigneur ».[36] Pour cela, le précepte « que l’homme s’éprouve lui-même »[37] doit être un impératif à observer par qui veut se communier. Cette épreuve nécessaire aux yeux de l’Eglise pour que personne, en ayant conscience d’un péché mortel, qu’il estime ne s’approche de la Sainte Eucharistie sans une confession sacramentelle préalable. Le Concile demande à tout prêtre qui, en raison d’une nécessité urgente, a dû célébrer sans confession préalable de la faire le plus tôt possible.[38]

 

- L’usage du Sacrement (cf. DH 1647)

Selon les Pères conciliaires, l’Eucharistie peut être reçue

* Sacramentellement : Ici même le pécheur repentit peut le recevoir.

* Spirituellement : Manger le Pain du Ciel par désir sans en retirer tous les fruits du Sacrement.

* Sacramentellement et Spirituellement tout ensemble : s’en approcher, s’entant bien éprouvé et ayant revêtu la robe nuptiale et alors on en retire tous les fruits.

 

Depuis les origines, l’Eglise croit fermement qu’à la parole du prêtre redisant le récit de l’institution de l’Eucharistie le pain et le vin sont changés par l’action de l’Esprit Saint, au corps et au sang du Christ. Pour rendre compte de ce changement, divers termes ont été proposés. Le plus traditionnel est celui de transsubstantiation. Ce mot, apparu au XIIIe  siècle, désigne le mouvement (trans) par lequel le Dieu Créateur change intégralement la substance du pain en la substance de la personne totale de Jésus-Christ tout en laissant intacts les espèces (accidents). L’avantage de cette manière de présenter les choses, est d’insister sur la réalité et la plénitude du changement accompli dans l’Eucharistie. Il faut en effet par fidélité à l’Evangile, tenir à la radicalité de ce changement. Il ne faudrait cependant pas tomber dans une sorte de mécanisme un peu matérialiste de ce changement, qui oublierait l’action de l’Esprit et la force de la Résurrection.

D’autres essais de formulation ont été tentés, avec des limites plus ou moins grandes. En voici quelques uns :

- La conversion du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ

L’expression est ancienne. Son inconvénient est de laisser entendre qu’il peut exister des conversions partielles ou superficielles.

L’impanation : Le Christ se rend présent dans (in) le pain qui ne change pas vraiment de nature. Cette insertion du Christ dans la réalité étrangère fait de sa présence, une présence accidentelle. La comparaison, faite en ce endroit, avec l’incarnation du Christ ou Dieu se rend présent dans une nature humaine n’est pas exacte ; Car outre le fait qu’il s’agisse du corps ressuscité, le pain ne peut pas être comparé à l’humanité assumée par le Verbe.

La Companation : La présence du Christ coexiste avec (cum) la permanence du pain. Il n’y a pas véritablement de changement complet. Dans ces deux derniers cas, la radicalité du verbe être dans « ceci est mon corps » n’est pas satisfaite.

La transfinalisation : du pain a pour but de nourrir l’homme. L’Eucharistie vise (trans) un but supérieur : lui donner le Pain de Vie. L’idée est belle, mais est-ce vraiment le Pain de Vie qui est donné réellement ou n’est-il qu’évoqué par cette destination (cette finalité) supérieure.

 

Communion sous les deux espèces et la Communion des enfants.

D’abord le Concile statue que les laïcs, et les clercs qui ne célèbrent pas ne sont pas tenus (par droit divin) à la Communion sous les deux espèces ; puisque la Communion sous l’une des deux espèces est suffisante pour le Salut.[39] Les exemples tirés de l’Evangile de Saint Jean où Jésus parle de Pain de Vie et à la dernière Cène a donné aux Apôtres le Sacrement sous les deux espèces, n’impose pas forcement la même chose à tous les chrétiens. Même s’il y a d’autres motifs plus pratiques pour la Communion sous une seule espèce, ce qui importe ici est d’abattre les hérétiques qui prétendaient que Jésus-Christ n’est pas tout entier sous chaque espèce : Le Corps est dans le pain séparé du Sang qui est dans le vin. Sous chaque espèce, le Christ est reçu totalement et entièrement et le Sacrement est reçu en toute vérité.[40]

Pour la Communion des enfants, les Pères Conciliaires précisent que, étant donnée que les enfants dès leur baptême ont reçu la grâce des enfants de Dieu et qu’ils ne peuvent pas la perdre avant l’âge de la raison,[41] ils ne sont pas obligés à la Communion sacramentelle de l’Eucharistie.

           

- Doctrine sur le Sacrifice de la Messe.

Le Sacrifice de la Messe, institué par le Christ au cours de la dernière Cène, est offert à la fois pour les vivants et les morts.[42] Pour le Saint Concile tout en réaffirmant le mélange du vin avec de l’eau dans le calice pour le Sacrifice comme représentant l’union du peuple fidèle avec le Christ Tête, rejette l’usage de la langue vulgaire dans la messe et ordonne « l’homélie » surtout les dimanches et jours de fête.[43]

 

4.2. Le Concile Œcuménique Vatican II

 

Signalons d’entrée de jeu que, même si le Concile parle du Sacrement ou du Mystère de l’Eucharistie dans ses documents, sa préoccupation fondamentale concerne les perspectives fonctionnelles du Sacrement à travers sa célébration liturgique plutôt que son ontologie. En effet les Pères du 2e Concile de Vatican parlent de l’Eucharistie comme «le Sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de charité, banquet pascal dans lequel le Christ est mangé, l’âme est comblée de grâce et le gage de la gloire future nous est donné ».[44] La célébrer correctement, requiert une participation consciente, pieuse et active des fidèles qui après être formés par la parole de Dieu, et ayant été restaurés à la table du Corps du Seigneur, rendent grâce à Dieu.

Le Concile donne certaines recommandations et précisions comme entre autre : Que les fidèles, s’unissant régulièrement et sincèrement au prêtre pour offrir la victime sans tâche, apprennent progressivement par là à s’offrir eux-mêmes. L’homélie où les mystères de la foi sont bien expliqués et les normes de la vie chrétienne sont fortement recommandées ; car les Pères conciliaires estiment et confirment que «La liturgie de la parole et la liturgie eucharistique sont si étroitement unies entre elles qu’elles font un seul acte de culte ».[45] L’Eucharistie « contient tout le trésor spirituel de l’Eglise »[46] et est la « source et le sommet de toute la vie chrétienne »[47] : C’est le plus grand mystère de notre foi.

Il a aussi été question lors de ce Concile de la Communion sous les deux espèces qui peut être accordée, au jugement des évêques, dans les cas que le Siège apostolique précisera. Toutefois, les principes dogmatiques établis par le Concile de Trente sont maintenus. La concélébration, manifestant l’unité du Sacerdoce, reste en usage et est recommandée :

* Le Jeudi Saint, tant à la messe chrismale qu’à la messe du soir.

* Aux messes célébrées dans les Conciles, les assemblées épiscopales et les synodes ;

* A la messe des bénédictions des Abbés.

En outre, avec la permission de l’Ordinaire, à qui il appartient d’apprécier l’opportunité de la concélébration :

*A la messe conventuelle et à la messe principale des églises, lorsque l’utilité des fidèles ne requiert pas que tous les prêtres présents célèbrent individuellement ;

*Aux messes des assemblées des prêtres de tout genre, aussi bien séculiers que religieux. Cependant on réservera toujours à chaque prêtre la liberté de célébrer la messe individuellement.

 

IV DOCTRINE FONDAMENTALE

 

1. La Cène du Seigneur (Institution du Jeudi Saint)

 

Le récit de l’institution de ce sacrement, nous est transmis par les trois (3) Evangiles synoptiques. Saint Jean, de son côté rapporte les paroles de Jésus dans la Synagogue de capharnaüm, paroles qui préparent l’institution de l’Eucharistie.

Faisons une analyse de Lc 22, 7-20 sur le récit de l’institution de l’Eucharistie. Ce récit se retrouve aussi dans Mt 26, 17-29 et Mc 14, 12-25. « Vint le jour des Azymes, où l’on devait immoler la Pâque. Jésus envoya alors Pierre et Jean : « Allez, dit-il, nous préparer la Pâque, que nous la mangions ». Ils s’en allèrent donc et préparèrent la Pâque. L’heure venue, il se mit à table avec ses apôtres et leur dit : « J’ai désiré avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir : car je vous le dis, je ne la mangerai jamais plus jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu ». Puis, prenant du pain et rendant grâce, il le rompit et le leur donna en disant : « Ceci est mon corps, qui va être donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi ». Il fit de même pour la coupe après le repas, disant : « Cette coupe est la Nouvelle Alliance en mon sang, qui va être versé pour vous ».

L’Eucharistie, repas pascal, est voulue et instituée par le Christ, le Jeudi Saint, c’est-à-dire la veille de sa mort. Jésus inaugure donc, une nouvelle Pâque qu’il va sceller par son sacrifice sur la croix. Cette institution est immédiate, parce que faite par le Christ lui-même, qui a demandé à ses successeurs de perpétuer ce repas sacrificiel.

Sacrement institué, lorsqu’il allait passer de ce monde à son Père, le Christ, à travers cela répand les richesses de son divin amour pour les hommes. Il a voulu que ce sacrement soit reçu comme l’aliment spirituel des âmes,[48] qu’il nourrisse et fortifie ceux qui vivent en lui.[49] L’institution de ce sacrement est aussi le symbole de cet unique « Corps » dont Christ lui-même est « la Tête »,[50] et auquel il veut que nous, ses membres, nous soyons étroitement attachés par les liens très sacrés de la foi, de l’espérance et de la charité, afin que « tous, nous tenions le même langage et qu’il n’y ait point parmi nous de divisions ».[51] Ainsi s’explique l’aspect de ce sacrement comme communion.

 

2. Essence de l’Eucharistie

 

2.1. La matière

 

* Le pain

Le pain dont il s’agit, c’est le pain azyme (du grec a–zumé, sans levain) ; c’est du pain sans levain, donc non fermenté.

Pour la célébration de leur grande fête annuelle, la Pâque qui commémorait leur libération de l’esclavage égyptien, les Juifs se conformaient strictement au rite qu’avaient suivi leurs ancêtres les Hébreux, avant leur départ d’Egypte : outre le sacrifice de l’agneau pascal et sa consommation au cours d’un repas familial solennel, ce rite comportait la consommation de pains azymes ce jour-là et durant toute la semaine qui suivait la Pâque. Le pain azyme était à la fois le rappel de la hâte du départ d’Egypte et un symbole de pureté du cœur. Rappelons que le ferment étant l’image du mal qui travaille et corrompt le cœur de l’homme.[52]

Le Christ ayant pris le pain du repas pascal de la Cène pour prononcer les mots « ceci est mon corps » qui instituaient l’Eucharistie, ce pain était donc azyme. Les catholiques de rite latin sont dès lors restés fidèles à l’emploi du pain non fermenté pour la célébration eucharistique, contrairement aux Eglises Orientales (Orthodoxes et Catholiques) qui emploient quant à elles, du pain fermenté.

 

* Le vin

Le vin « qui réjouit le cœur de l’homme »[53] est chez les Juifs, la boisson de la fête (cf. l’Evangile de Jean qui nous montre Jésus changeant l’eau en vin aux noces de Cana
 (Jn 2). Le vin est dès lors dans toute la Bible, le symbole du festin, de la fête, signe du bonheur attendu dans la description des temps messianiques faite par les prophètes (cf. Am 9, 14) ; Des coupes de vin circulaient comme signe de fête au cours du repas pascal. A la Cène, repas pascal, en même temps que le pain, le Christ prend le vin pour instituer l’Eucharistie ; par ce vin, il signifie tout à la fois le sang de son sacrifice, qui va sceller la nouvelle alliance sur la croix, et le vin nouveau du Royaume des Cieux qu’il est venu annoncer et inaugurer.[54]

Le vin en question, est le vin de raisin auquel, selon le Concile de Florence, on doit mélanger avant la consécration un tout petit peu d’eau. On y mélange de l’eau, parce que, selon le témoignage des Saints Pères, on croit que le Seigneur lui-même a institué ce sacrement avec du vin mélangé d’eau. Le Bienheureux Alexandre, 5e Pape après Saint Pierre dit : « Dans l’oblation des mystères qui sont offerts au Seigneur au cours de la solennité de la messe, on doit offrir seulement en sacrifice du pain et du vin mélangé d’eau. Dans le calice du Seigneur, on ne doit pas offrir seulement le vin ou seulement l’eau, mais les deux mélangés, car se sont les deux, le sang et l’eau, qui ont coulé du côté du Christ ».[55]

Une autre version du Pape Jules, qui fut le 2e, après le Pape Sylvestre dit : « Le calice du Seigneur doit être offert, selon le précepte canonique, avec un mélange de vin et d’eau, parce que nous voyons que l’eau représente le peuple, et que le vin manifeste le sang du Christ. Donc, lorsque dans le calice le vin est mélangé à l’eau, le peuple est uni au Christ et la foule des fidèles intimement jointe à celui en qui elle croit ».

 

2.2. La forme

 

La forme de ce sacrement, ce sont les paroles du Sauveur par lesquelles il le réalisa (cf. les textes de l’Institution) ; le Prêtre réalise ce sacrement parce que parlant in persona Christi. Par la vertu des paroles, la substance du pain est changée au Corps du Christ, et la substance du vin en son Sang.[56]

 

3. Causalité Sacramentelle

 

Jésus a institué l’Eucharistie. Il a prononcé les mots : « ceci est mon corps » sur du pain. Il a dit sur du vin des paroles attestant que la coupe contenait son sang et que ce sang était celui de la nouvelle alliance. Il a ordonné de réitérer ce rite en mémoire de Lui. La Cène chrétienne contient donc et confère sous les dehors du pain et du vin le Corps et le Sang du Christ. S’il est une vérité dûment établie par l’Ecriture, c’est celle-là.

Prise à la lettre, les paroles de Jésus fournissent la doctrine de la transsubstantiation : ce qu’il présente est son corps, son sang ; ce n’est donc plus du pain ni du vin. Si la formule produit la présence réelle, elle opère ce qu’elle signifie, et s’il en est ainsi, le pain est changé en corps du Christ. Le concept de transsubstantiation n’est que la transcription philosophique de la phrase du Christ : «ceci est mon corps ».

Dans l’Eucharistie, il n’y a plus qu’un Corps et non deux. Il y a le Corps du Christ, il n’y a plus de pain, de telle sorte que le pain n’est plus désormais ce qu’il paraît mais ce qu’il est conçu par la foi c’est-à-dire le Corps du Christ obtenu ex opere operato.

 

4. Efficacité du Sacrement de l’Eucharistie

 

L’Eucharistie, comme tous les autres sacrements confère la grâce d’augmentation propre aux vivants. «Prenez et mangez, ceci est mon corps», «Prenez et buvez, ceci est mon sang». Si l’on prend pour manger et si l’on, boit qu’est-ce que cela produit ? Le Seigneur a dit : «Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui ».[57]

L’effet premier de cet aliment sacré que nous consommons est l’union du chrétien aux acteurs principaux de l’Eucharistie, le Père, le Fils et l’Esprit, unis dans la Sainte Trinité qui réalise en nous une œuvre d’amour, de transfiguration et nous unit plus particulièrement au Christ Jésus. Et cette union devient source de charité fraternelle. Ainsi donc, par l’union intime de chaque fidèle au Christ Jésus, l’Eucharistie construit l’unité entre les chrétiens, à divers niveaux : familial, communautaire, social et national. Car, il est difficile de vivre une union intime avec le Christ et de rester divisé ; c’est une anomalie foncière, puisque nous avons partagé le même pain et bu à la même coupe.

Puisque l’union intime au Christ ne peut se faire dans le péché de division, les liens de charité de chaque communiant avec le Christ renforcent l’unité de l’Eglise, corps mystique du Christ. Et cette unité qui n’est pas uniformité assure la marche de l’Eglise, peuple de Dieu.

En un mot, on participant, au corps du Seigneur, nous sommes élevés à la communion avec Dieu et entre nous. L’union avec le Christ nous établit unis en commun avec lui. Dans chaque Eucharistie, nous ressuscitons avec le Christ, en partageant sa passion dans nos multiples croix et en mourant à notre péché. Par lui avec lui en lui, nous sommes transformés et nous devenons des hommes nouveaux.[58] L’Eucharistie détruit en nous, par la puissance de l’Esprit du Christ, mort et ressuscité, le vieil homme.

 

5. Nécessité du Sacrement de l’Eucharistie

 

La donnée fondamentale, sur ce point, est la déclaration solennelle de Jésus «en vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’Homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous »[59]; tel est le principe général. Les termes dans lesquels il est énoncé indiquent plutôt qu’une simple nécessité de précepte, une véritable nécessité de moyen : étant donné ce que sont, d’une part, la vie éternelle et, d’autre part, l’aliment eucharistique, on ne peut recevoir la première indépendamment du second.

En tant que mémorial du sacrifice rédempteur et sceau de l’alliance entre Dieu et l’Eglise, en tant que don sacramentel du Verbe Incarné, source de Vie, l’Eucharistie est le moyen le plus direct et le plus fondamental de recevoir le Salut et la Vie :

En revanche, il peut arriver qu’on se trouve écarté de l’Eucharistie sans faute et malgré soi tandis que le refus du signe implique normalement le refus du signifié, il n’est pas évident que la privation du signe implique celle du signifié, puisque Dieu n’a pas enchaîné sa grâce aux sacrements dont il se sert pour la donner.

St Thomas, pour traiter de la nécessité de communier, parle de la distinction classique du signe sacramentel (sacramentum) et de la réalité signifiée (res). La res de l’Eucharistie, poursuit-il, est l’unité du corps mystique, sans laquelle il ne peut y avoir de salut faute d’accès au salut en dehors de l’Eglise» Mais on peut avoir la res d’un sacrement avant de recevoir celui-ci, moyennant le désir (votum) de cette réception. On peut donc recevoir le salut avant toute communion sacramentelle, grâce au désir de celle-ci et ce désir est impliqué dans le fait d’être baptisé : tout baptisé est un communiant virtuel, l’Eglise le destinant à communier.

 

6. Ministre du Sacrement de l’Eucharistie

 

Le ministre principal de tout sacrement est le Christ lui-même. Mais le Christ administre les sacrements par l’intermédiaire des hommes. En effet, selon la récente instruction de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, «seul le prêtre validement ordonné est le ministre qui, in persona Christi, peut réaliser le sacrement de l’Eucharistie ». Le prêtre célèbre donc simplement de manière instrumentale. Quelles que soient ses dispositions subjectives, son acte officiel exprime un engagement du Christ. Il lui est obligatoire et profitable de communier personnellement dans la foi, l’espérance et l’amour, à l’acte du Sauveur. L’expression « ministre de l’Eucharistie » lui est attribuée parce qu’il a reçu l’ordination sacrée. Les ministres ordinaires de l’Eucharistie c'est-à-dire les évêques, les prêtres et les diacres ont donc pour charge de donner la Sainte Communion aux fidèles laïcs. Ainsi se manifeste leur fonction ministérielle dans l’Eglise. Outre ceux-ci, il y a aussi les ministres extraordinaires de la Sainte Communion qui sont les acolytes et tous les autres fidèles mandatés. Ils sont députés dans les fonctions de suppléances par défaut des ministres ordinaires ordonnés. Leur fonction est donc d’aider le ministre ordinaire dans la distribution de la Sainte Communion.[60]

 

7. Sujets du sacrement de l’Eucharistie

 

Tout le peuple chrétien, en vertu du caractère baptismal, participe en droit, institutionnellement à l’acte sacrificiel du Christ. Chaque fidèle, du ministre au fidèle laïc, y participe et en bénéficie en fait dans la mesure ou il s’y associe en esprit et en vérité. Sont donc sujets de l’Eucharistie, le ministre célébrant et les fidèles.

 

8. Données théologiques actuelles

 

8.1. Eucharistie comme Mémorial et Sacrifice

 

a) Eucharistie comme mémorial

«Hoc facite in meam commemorationem» (Faites ceci en mémoire de moi). Ces paroles de Jésus ont été conservées non seulement par Luc 22,19 mais aussi par Paul.[61] Le contexte dans lequel elles ont été prononcées est celui du repas pascal qui, pour les Juifs était justement un « mémorial » (zikkarôn en hébreu). En cette circonstance, les Israélites revivaient avant tout l’exode, mais aussi les autres événements importants de leur histoire : la vocation d’Abraham, le sacrifice d’Isaac, l’alliance au Sinaï, les interventions nombreuses de Dieu pour défendre son peuple. Pour les chrétiens également, l’Eucharistie est le mémorial, mais elle l’est dans une mesure unique : non seulement elle rappelle la mort et la résurrection du Seigneur, mais elle les actualise sacramentellement. Jésus dit « Vous ferez en mémoire de moi ». L’Eucharistie ne rappelle donc pas seulement un fait, elle fait mémoire du Christ. La mémoire au sens biblique du mot, n’est pas, comme dans les langues modernes, une simple référence au passé. La célébration, en effet, nous fait entrer dans la mémoire de Dieu pour qui mille ans sont comme un jour et nous rend en quelque sorte, contemporains des merveilles d’autrefois.

 

b) Eucharistie comme Sacrifice

Après avoir béni Dieu pour toutes ses merveilles qui culminent dans le mystère pascal, il s’agit d’exprimer, à travers les signes du repas eucharistique, l’aujourd’hui du sacrifice du Christ. Dans tout sacrement, l’acte par lequel le Christ donne sa grâce est fondé sur son sacrifice rédempteur. Dans l’Eucharistie, c’est le sacrifice rédempteur lui-même, c’est l’offrande éternelle qu’en fait le Christ qui sont rendus sacramentellement présents dans un moment du temps et un lieu de l’espace pour appliquer sa vertu à ceux qui y vivent. Quoi donc ? La mort de Jésus sur la croix serait-elle rendue présente ? Non, mais c’est nous qui lui sommes rendus présents dans la foi comme il l’est dans la lumière de la Divinité. Non pas seulement en tant que passion et mort débouchant dans la résurrection. C’est dans l’acte qui le ressuscite et le glorifie que s’accomplit en acte éternel l’offrande sacrificielle du Christ.

L’Eucharistie n’est pas seulement le sacrement de la présence active du Christ, mais d’abord le sacrement de son sacrifice commencé dans le temps et s’achevant dans l’Eternité. Jésus se rend présent dans le dynamisme même de son acte sacrificiel. Cela est signifié dans la consécration du pain et du vin. Il ne vient pas seulement comme nourriture et breuvage mais comme corps et comme sang.

 

8.2. Eucharistie comme Action de Grâce

 

A chaque messe, nous nous rappelons le premier sentiment exprimé par Jésus dans la fraction du pain et nous le revivons : le sentiment d’action de grâce. La reconnaissance est l’attitude qui constitue le fondement même du mot «Eucharistie». Cette expression de gratitude contient toute la spiritualité biblique de la louange pour les mirabilia Dei (les merveilles de Dieu). Dans l’Eucharistie, Jésus rend grâce au Père avec nous et pour nous.

 

8.3. Eucharistie comme Présence Réelle du Christ

 

Tout autre sacrement est un acte du Christ qui passe en produisant et laissant après lui son effet de grâce. Dans l’Eucharistie, c’est le Christ lui-même dans son corps glorifié mais caché qui vient et demeure pour un moment d’extraordinaire union. L’acte que nous appelons «consécration», acte du ministre, est en réalité l’acte du Christ lui-même, du Christ qui change en son propre corps, en son propre sang et par là en son être tout entier ce qui jusque la était pain et vin. Là où étaient le pain et le vin là est le Christ glorifié mais caché et tout ce qui manifestait jusque là la réalité du pain et du vin demeure cependant mais pour manifester en la symbolisant la réalité présente du corps du Christ et son action toute spirituelle.

Il serait plus facile de concevoir un pain devenant simplement( tout en restant du pain) le symbole de cette nourriture spirituelle qu’est le Christ, symbole auquel serait associée une actuelle action vivifiante du Christ, spirituellement nourrissante, unissante. Mais l’Eglise Catholique n’a pas accepté cette facilité. Les paroles dont use Jésus ne veulent pas dire cela, pas plus que dire : «Le Verbe s’est fait chair» ne peut vouloir signifier : «Le Verbe a fait de cette chair le symbole de ce qu’il est, lui». Ce qu’en vertu de ces paroles et de tout leur contexte l’Eglise a cru et enseigné, c’est que la réalité qui se manifeste à nous après la consécration n’est plus du tout malgré les apparences, celle du pain mais celle du corps du Christ et par son corps, de son être tout entier.

 

8.4. Eucharistie et l’Eglise

 

On a écrit : L’Eucharistie fait l’Eglise et l’Eglise fait l’Eucharistie. Cet adage exprime bien l’unité et la complexité du rapport entre Eglise et Eucharistie. Si c’est l’Eglise qui fait l’Eucharistie, aucune Eglise ne pourra tolérer qu l’on célèbre l’Eucharistie sans le respect d’un certain rituel et sans un contenu de foi auquel on est censé souscrire. Autrement dit si l’Eglise fait l’Eucharistie, c’est à elle de définir les normes de la célébration et de les faire respecter. Si l’on ne partage pas la même foi entre Eglises, il n’est pas indiqué de célébrer ensemble.

Mais d’autre part, si l’Eucharistie fait l’Eglise, toute Eglise sait et croit que son propre mystère ecclésial ne trouve substance force et charité que dans le mystère eucharistique, c’est-à-dire que son fondement et sa survie sont liés à l’Eucharistie. Le Pape Benoît XVI dans son exhortation Apostolique Post-synodale « Sacramentum Caritaits » aux numéros 14 et 15, renchérit en affirmant que le christ lui-même, dans le sacrifice de la croix, a engendré l’Eglise comme son épouse et son corps. Les Pères de l’Eglise ont médité longuement sur la relation entre l’origine d’Eve, issue du côté d’Adam endormi,[62] et celle de la nouvelle Eve, l’Eglise, née du côté du Christ, immergé dans le sommeil de la mort : de son côté transpercé, raconte Jean, il sortit du sang et de l’eau,[63] symbole des sacrements. Un regard contemplatif vers « celui qu’ils ont transpercé »,[64] nous conduit à considérer le lien causal qui existe entre le Sacrifice du Christ, l’Eucharistie et l’Eglise. L’Eglise, en effet, « vit de l’Eucharistie ». Puisqu’en elle se rend présent le sacrifice rédempteur du Christ, on doit avant tout, reconnaître qu’«aux origines mêmes de l’Eglise, il y a une influence causale de l’Eucharistie. L’Eucharistie est le Christ qui se donne à nous en nous édifiant continuellement comme son corps.

L’Eucharistie est donc constitutive de l’être et de l’agir de l’Eglise. C’est pourquoi l’Antiquité chrétienne désignait par la même expression, Corpus Christ, le corps né de la vierge Marie, le Corps eucharistique et le Corps ecclésial du Christ. Cette donnée bien présente dans la tradition nous aide à faire grandir en nous la conscience du caractère inséparable du Christ et de l’Eglise. Le Seigneur Jésus, en s’offrant lui-même pour nous en sacrifice a annoncé d’avance dans ce don, de manière efficace, le mystère de l’Eglise. C’est pourquoi la prière eucharistique n°2, en invoquant le Paraclet, dit au sujet de l’unité de l’Eglise : « qu’en ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit en un seul Corps » qui est l’Eglise. Ce passage montre bien comment le sacrement de l’Eucharistie fait l’unité des fidèles dans la communion ecclésiale. Si c’est l’Eglise l’Eglise qui fait l’Eucharistie, aucune Eglise ne pourra tolérer qu’on célèbre l’Eucharistie sans le respect d’un certain rituel et sans contenu de foi auquel on est censé souscrire. Autrement dit, si l’on ne partage pas la même foi entre Eglises, il n’est pas indiqué de célébrer ensemble. Dans la même ligne, Benoît XVI dit que l’Eglise peut célébrer et adorer le mystère du Christ présent dans l’Eucharistie justement parce que le Christ lui-même s’est donné en premier à elle dans le sacrifice de la croix. La possibilité pour l’Eglise de « faire l’Eucharistie est enracinée dans l’offrande que le Christ a faite de lui-même. Nous découvrons ici aussi un aspect convaincant de la formule de Saint Jean : « Il nous a aimés le premier ».[65] Ainsi, dans chaque célébration, nous confessons nous aussi le primat du don du Christ. L’influence causale de l’Eucharistie à l’origine de l’Eglise révèle en définitive l’antériorité non seulement chronologique mais également ontologique du fait qu’il nous a aimés « le premier ». Il est pour l’éternité celui qui nous a aimés le premier.

 

CONCLUSION

 

La richesse de la réflexion chrétienne sur l’Eucharistie est telle qu’il est difficile d’en rendre compte dans le cadre d’un seul exposé. L’Eucharistie est bien le sacrement du Corps du Christ. Le corps est la manifestation d’une présence. Par notre corps,  nous sommes là, dans le monde, en un lieu et en un temps, nous devenons capables d’entrer en relation avec les autres, nous nous enrichissons de leur présence et eux de la nôtre. Ainsi donc, parler du Corps du Seigneur c’est parler de la présence du ressuscité : l’Eucharistie est le mode du Christ au milieu de nous, présence à son Eglise et présence au monde par son Eglise. L’Eglise est une communion et les chrétiens sont appelés à vivre dans l’UNITE. La Pâque du Seigneur ne s’est pas seulement accomplie autrefois, elle se réalise aujourd’hui encore et toujours. En Jésus, l’humanité tout entière effectue son « passage » ancien pour ressusciter à la Vie Nouvelle. Voilà ce que Dieu accomplit dans l’homme par son Fils jésus Christ qu’il lui a donné. Tel est le véritable sens du mémorial que le Seigneur nous invite à célébrer. Bien souvent, dans notre vie quotidienne, nous expérimentons les difficultés, la souffrance, le mal. Nos yeux parfois ne peuvent se détacher du drame sans cesse renouvelé de tant de nos frères, mais nous gardons l’espérance – et non l’espoir – dans la puissance de Dieu qui se manifeste en Jésus Eucharistie. Ainsi la foi chrétienne devient un Evangile, une bonne nouvelle. Peuple de l’Eucharistie, nous sommes appelés à être partout et toujours le peuple de l’ESPERANCE.

                                             

 

ANNEXE

 

Résumé de l’Exhortation Apostolique Post-Synodale Sacramentum Caritatis de Benoît XVI sur l’Eucharistie source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise

 

L’Exhortation Apostolique Post-Synodale, Sacramentum Caritatis de Benoît XVI sur l’Eucharistie source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise, est structurée comme suit :

Une introduction, une première partie intitulée Eucharistie, mystère à croire, une deuxième partie dénommée Eucharistie, mystère à célébrer, une troisième partie sous le titre de Eucharistie, mystère à vivre et enfin une conclusion.

 

En introduction : Sacrement de l’amour, la Sainte Eucharistie est le don que Jésus-Christ fait de lui-même, nous révélant l’amour infini de Dieu pour tout homme. Dans ce sacrement de l’Eucharistie, Jésus continue de nous aimer jusqu’au bout, «jusqu’au don de son corps et de son sang». C’est un sacrement, dans lequel le Seigneur vient à la rencontre de l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, se faisant son compagnon de route. En effet, dans ce sacrement, le Seigneur se fait nourriture pour l’homme assoiffé de vérité et de liberté. Dans le sacrement de l’Eucharistie, Jésus nous montre en particulier la vérité de l’amour, qui est l’essence même de Dieu. L’introduction essaie aussi de montrer le développement du rite eucharistique au cours de l’histoire. Elle situe le Synode sur l’Eucharistie dans la logique de ce que l’Eglise vit, sur tout lors du Jubilé de l’an 2000, des congrès eucharistiques et de l’Encyclique de son Prédécesseur Jean Pau II de vénérée mémoire sur Ecclesia de Eucharistia, dans laquelle il nous a laissé une référence magistérielle sûre concernant la doctrine eucharistique et un ultime témoignage sur la place centrale que ce sacrement occupait dans sa vie. Passant à la finalité de la présente exhortation dont le but est de reprendre les réflexions et propositions apparues dans la récente Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques,  Benoît XVI dit «Je désire surtout recommander dans le présent document que le peuple  chrétien approfondisse la relation entre le Mystère eucharistique, l’action liturgique et le nouveau culte spirituel  qui vient de l’Eucharistie, en tant que sacrement de l’amour».

 

Première partie : Eucharistie, mystère à croire

Cette partie affirme notre foi. L’Eucharistie, dit le Pape est en effet le mystère de la foi par excellence. Elle est le résumé et la somme de notre foi. C’est pourquoi la foi de l’Eglise est essentiellement une foi eucharistique et elle se nourrit de manière particulière à la table de l’Eucharistie. La suite de cette 1ère partie fait déployer devant nos yeux comment l’Eucharistie est le pain descendu du Ciel et qui est don gratuit de la Sainte Trinité. Ainsi le mystère de la foi est-il mystère d’amour trinitaire, auquel nous sommes appelés à participer par grâce.

Le Pape développe tour à tour, l’Eucharistie comme Jésus véritable Agneau immolé. En effet la liberté de Dieu et la liberté de l’homme se sont définitivement rencontrées dans sa chair crucifiée en un pacte indissoluble, valable pour toujours. De plus dans le mystère pascal s’est véritablement réalisée notre libération du mal et de la mort. Le Pape replace l’institution de l’Eucharistie dans le contexte biblique. Car ce repas rituel est lié à l’immolation des agneaux. Il est donc la mémoire du passé, mais en même temps cette mémoire était aussi prophétique, c’est-à-dire annonce d’une libération future. En instituant le sacrement de l’Eucharistie Jésus anticipe et intègre le Sacrifice de la croix et la victoire de la résurrection.

Le Pape analyse le lien de l’Esprit Saint et de l’Eucharistie. Le grand mystère est célébré dans les formes liturgiques que l’Eglise sous la conduite de l’Esprit Saint, développe dans le temps et l’espace. A ce propos, insiste le Pape, il est nécessaire de réveiller en nous la conscience du rôle décisif exercé par l’Esprit Saint dans le développement de la forme liturgique et dans l’approfondissement des mystères divins. Ensuite le Pape s’emploie à montrer comment en tout premier lieu l’Eucharistie construit l’Eglise et ensuite comment l’Eglise fait l’Eucharistie. L’Eucharistie est le Christ qui se donne à nous, en nous édifiant continuellement comme son corps. Ainsi l’Eglise peut célébrer et adorer le mystère du Christ présent dans l’Eucharistie justement parce que le Christ lui-même s’est donné en premier à elle dans le sacrifice de la croix.

Un dernier point de cette 1ère partie (nn 16-32) il est question de l’Eucharistie et des sacrements : la sacramentalité de l’Eglise : initiation chrétienne, Eucharistie et sacrement de Réconciliation, Eucharistie et Onction des malades, Eucharistie et sacrement de l’Ordre, Eucharistie et Mariage, et enfin Eucharistie et Eschatologie, Eucharistie et la Vierge Marie.

 

Deuxième partie : Eucharistie mystère à célébrer

Ici nous sommes dans Lex Orandi et Lex Credendi. En effet il y a un lien étroit entre comment célébrer et ce que nous célébrons et ce que nous croyons.

La beauté de la liturgie : la plupart ont cru que la liturgie, simple et participation induit : médiocrité, improvisation manque de goût. Le Pape nous invite à la redécouverte et à la pratique du beau. En effet, la relation entre mystère auquel on croit et mystère que l’on célèbre se manifeste d’une façon particulière dans la valeur théologique et liturgique de la beauté. L’Eucharistie est la célébration du Christ ressuscité. L’Eglise, en effet, célèbre le sacrifice eucharistique en obéissance au commandement du Christ, à partir de l’expérience du Ressuscité et de l’effusion de l’Esprit Saint.

Le n° 38 traite de l’art de célébrer. Il n’y a pas opposition entre l’art de bien célébrer et la participation pleine, active et fructueuse de tous les fidèles. En effet, le 1er moyen de favoriser la participation du peuple de Dieu au Rite Sacré est la célébration appropriée du Rite lui-même. Dans le sens de l’art de célébrer, le Pape voit l’Evêque comme liturgie par excellence. La célébration doit être exemplaire à double titre : comme on doit faire et ce que l’on doit imiter. La suite de l’Exhortation traite de la structure de la célébration eucharistique (n°43-51), ensuite la participation authentique et fructueuse, la participation intériorisée à la célébration, l’adoration et la piété eucharistiques. Il retient en particulier la liturgie de la parole, l’homélie, la présentation des dons, la prière eucharistique, le geste de paix, l’envoi en mission «Ite missa est ».

 

Troisième partie : l’Eucharistie, mystère à vivre

Cette troisième partie traite du mystère à vivre ou la forme eucharistique de la vie chrétienne : le culte spirituel, efficacité intégrale du culte eucharistique, vivre selon le dimanche, vivre le précepte dominical, le sens du repos et du travail. Le document aborde l’assemblée dominicale, en absence ou en attente du prêtre. Ensuite l’adoration présente la forme eucharistique de l’existence chrétienne, l’appartenance ecclésiale. Dans les nn 77-80, le Pape aborde la spiritualité et la culture eucharistiques, l’Eucharistie et évangélisation des cultures, l’Eucharistie et fidèles laïcs, Eucharistie et spiritualité sacerdotale, Eucharistie et vie consacrée ; Eucharistie et transformation morale ; cohérence eucharistique ; Eucharistie mystère à annoncer au monde (pain rompu pour le monde, implications sociales du mystère eucharistique).

En conclusion, le pape dit qu’il est nécessaire, que dans l’Eglise, ce Très Saint Mystère soit vraiment objet de foi, célébré avec dévotion et vécu intensément. Le don que Jésus fait de lui-même dans le sacrement mémorial de sa passion nous atteste que la réussite de notre vie réside dans la participation à la vie trinitaire qui est offerte en lui de façon définitive et efficace.

 

V. EUCHARISTIE ET LES AUTRES SACREMENTS

 

A/ Eucharistie, plénitude de l’Initiation Chrétienne

 

17) Si l’Eucharistie est véritablement source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise, il s’ensuit avant tout que le chemin de l’initiation chrétienne a pour point de référence la possibilité d’accéder à ce sacrement, il ne faut jamais oublier, en effet que nous sommes baptisés et confirmés en vue de l’Eucharistie. Une telle donnée implique un engagement dans le but de favoriser, dans la pratique pastorale, une compréhension plus unifiée du parcours de l’initiation chrétienne. Le sacrement du baptême, par lequel nous avons été conformés au Christ, incorporés à l’Eglise et établis fils de Dieu, constitue la porte d’entrée à tous les sacrements. Par lui, nous sommes insérés dans l’unique corps du Christ, peuple sacerdotal. Cependant, c’est la participation au sacrifice eucharistique qui perfectionne en nous ce qui est donné dans le Baptême. Les dons de l’Esprit sont aussi donnés pour l’édification du corps du Christ[66] et pour le plus grand témoignage évangélique dans le monde. Par conséquent, la Saint Eucharistie porte l’initiation chrétienne à sa plénitude et elle se situe comme le centre et la fin de toute la vie sacramentelle.

 

B/ Eucharistie et Sacrement de la Réconciliation

 

20) les Pères Synodaux ont justement affirmé que l’amour de l’Eucharistie conduit aussi à apprécier toujours plus le sacrement de la réconciliation. A cause du lien entre ces sacrements, une authentique catéchèse à l’égard du sens de l’Eucharistie ne peut être séparée de la proposition d’un chemin pénitentiel.[67] Nous constatons assurément qu’à notre époque, les fidèles se trouvent immergés dans une culture qui tend à effacer le sens du péché, favorisant un comportement superficiel qui porte à oublier la nécessite d’être dans la grâce de Dieu. Pour s’approcher dignement de la communion sacramentelle. En réalité, perdre la conscience du péché entraîne toujours aussi une certaine superficialité dans la compréhension de l’Amour de Dieu lui-même.

La relation entre l’Eucharistie et le sacrement de la Réconciliation nous rappelle que le péché n’est jamais une réalité exclusivement individuelle, il comporte toujours une blessure au sein de la communion ecclésiale, dans laquelle nous sommes insérés par le Baptême. C’est pourquoi la réconciliation comme le disaient les Pères de l’Eglise, est laboriosité quidam baptimus, soulignement de cette façon que l’issue du chemin de conversion est aussi le rétablissement de la pleine communion ecclésiale, qui se manifeste par le fait de s’approcher à nouveau de l’Eucharistie.

 

C/ Eucharistie et Onction

Jésus n’a pas seulement envoyé ses disciples pour guérir les maladies.[68] Mais il a aussi institué pour eux un sacrement spécifique : l’Onction des malades. La lettre de saint Jacques atteste déjà la présence de ce geste sacramentel dans la première communauté chrétienne.[69] Si l’Eucharistie montre que les souffrances et la mort du Christ ont été transformées en amour, l’Onction des malades de son côté associe la personne qui souffre à l’offrande que le Christ a faite de lui-même pour le salut de tout, de sorte qu’elle aussi puisse participer à la rédemption du monde dans le mystère de la communion des saints. La relation entre ces sacrements manifeste également face à l’aggravation de la maladie ; «à ceux qui vont quitter cette vie, l’Eglise offre, en plus de l’onction des malades, l’Eucharistie comme viatique». Dans le passage vers le Père, la communion au corps et au sang du Christ se manifeste comme semence de vie éternelle et puissance de résurrection : «qui mange ma chair et boit mon sang à la vie éternelle et moi, je ressusciterai au dernier jour».[70] Puisque le saint viatique ouvre aux malades plénitude du mystère pascal, il est nécessaire d’en assurer la pratique. L’attention et le soin pastoral envers ceux qui sont malades rejaillissent sûrement en bénéfice spirituel pour toute la communauté, sachant que ce que nous aurons fait aux plus petits nous l’aurons fait à Jésus lui même.[71]

 

D/ Eucharistie et Sacrement de l’Ordre

23) Le lieu intrinsèque entre Eucharistie et Sacrement de l’Ordre découle des paroles même de Jésus au Cénacle « Faites ceci sa mémoire de moi ».[72] En effet, Jésus, à la veille de sa mort, a institué l’Eucharistie et fondé en même temps le Sacerdoce de la Nouvelle Alliance. S’il est Prêtre, Victime et Autel médiateur entre Dieu le Père et le Peuple,[73] Victime d’expiation[74] qui s’offre elle même sur l’autel de la croix. Personne ne peut dire « ceci est mon corps » et «  ceci est la coupe de mon sang » si ce n’est au nom et en la personne du Christ, unique souverain prêtre de la nouvelle et éternelle Alliance.[75] Au cours d’autres assemblées, le Synode des Evêques avait déjà abordé le sujet du ministère, soit pour la formation des candidats. En cette circonstance, à la lumière du dialogue intervenu au sein de l’assemblée synodale, le Pape rappelle quelques points relatifs au rapport entre sacrement de l’Eucharistie et sacrement de l’Ordre. Il est avant tout nécessaire de rappeler que le lien entre l’Ordre Sacré et l’Eucharistie est visible précisément dans la Messe présidée par l’Evêque ou par le Prêtre au nom du Christ–Tête.

La Doctrine de l’Eglise fait de l’ordination sacerdotale la condition indispensable pour la célébration valide de l’Eucharistie. En effet « dans le service ecclésial du ministère ordonné, c’est le Christ lui-même qui est présent à son troupeau, Grand Prêtre du sacrifice rédempteur ».

 

E) Eucharistie et Mariage

27) l’Eucharistie, sacrement de la charité, fait apparaître un rapport particulier avec l’amour entre l’homme et la femme, unis par le mariage. Approfondir ce lien est une nécessité propre à notre temps. Le Pape Jean–Paul II a eu plusieurs fois l’occasion d’affirmer le caractère sponsal de l’Eucharistie et son rapport particulier avec le sacrement du Mariage. « L’Eucharistie est le sacrement de notre rédemption. C’est le sacrement de l’Epoux, de l’Epouse ». Du reste, «toute la vie chrétienne porte le signe de l’Amour sponsal du Christ et de l’Eglise. Déjà le Baptême, qui fait entrer dans le Peuple de Dieu, est un système nuptial. C’est pour ainsi dire le bain des noces qui précède le banquet des noces, l’Eucharistie. » L’Eucharistie fortifie d’une manière inépuisable l’unité et l’amour indissoluble de tout mariage chrétien. En lui, en vertu du sacrement, le lien conjugal est intrinsèquement relié à l’unité à eucharistique entre le Christ Epoux et l’Eglise Epouse.[76]

Le consentement mutuel que mari et femme échangent dans le Christ, et qui fait d’eux une communauté de vie et d’amour a lui aussi une dimension eucharistique. En effet, dans la théologie paulinienne, l’amour sponsal est le signe sacramentel de l’amour du Christ pour son Eglise, un amour qui a son point culminant dans la croix, expression de ces «noces» avec l’humanité et en même temps, origine et centre de l’Eucharistie. Voilà pourquoi l’Eglise manifeste une proximité spirituelle particulière à tous ceux qui ont fondé leur famille sur le Sacrement de mariage. La famille, Eglise domestique est une cellule primordiale de la vie de l’Eglise en particulier pour son rôle décisif concernant l’éducation chrétienne des enfants.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

1. La Bible TOB (Traduction Œcuménique de la Bible, Editions du Cerf, Paris, 1998.

2. La Bible de Jérusalem, Cerf, Paris, 1995.

3. Dictionnaire de Théologie Catholique, Tome V, Ed. Enchantement-Flume,

4. Petit Dictionnaire de la Bible, Ed. Brepols/Verbum Bible, Brepols, 1992.

5. THEO, Encyclopédie Catholique pour tous, Ed. Droguet-Ardant/Fayard, Paris,

6. Concile Œcuménique Vatican II, Edition du Centurion, Paris, 1967.

7. CEC, Catéchisme de l’Eglise Catholique, Edition du Centurion/Cerf/Fleurus-Mame, Paris, 1998.

8. Code de Droit Canonique bilingue et annoté, 2ème édition révisée et mise à jour, Wilson et Lafleur Itée, Montréal, 1999.

9. Henrici DENZINGER, Symboles et Définitions de la Foi Catholique, Editions du Cerf, Paris, 2001.

10. La Foi des Catholiques

11. Jean DANIELOU et Henri MARROU, Nouvelle Introduction de l’Eglise, Des origines à Saint Grégoire Legrand , Edition du Seuil, Paris, 1963.

12. Johannes Quasten, Initiation aux Pères de l’Eglise, Editions du Cerf, Paris, 1955,
Tome I.

13. Johannes Quasten, Initiation aux Pères de l’Eglise, Editions du Cerf, Paris, 1956,
Tome II.

14. J. de Baciocchi, L’Eucharistie, Ed. Desclée, Paris, 1961.

15. A.G. Martimort, L’Eglise en prière, Ed. Desclée, Paris, 1983.

16. Benoît XVI, Deus Caritas Est, Lettre encyclique, Vatican, 2005.

17. Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, 1994.

 

Par un groupe d'étudiants en théologie

Grand séminaire Jean Paul II de Lomé

 

 

 



[1] Ex 3, 19.

[2] cf. Jn 6, 22-59

[3] Jn2, 3

[4] cf. Si50, 15

[5] cf. Lc22, 15-18

[6] cf. la péricope évangélique du Bon Samaritain, Lc10, 34

[7] cf.Is 5,1ss

[8] cf. Mc14, 23-25

[9] cf. Ex 16

[10] cf. 1Co 5, 7

[11] cf. Ex 24, 8

[12] cf. Mt 14, 13-21 ; Mc 6, 30-44 ; Lc 9, 10-17

[13] cf. 1Co 11, 23-26

[14] cf. Lc 22, 15-20

[15] Jn 6, 56-57

[16] cf. Jn 6-22-48

[17] cf. Jn 49-59

[18] cf. 1Co 11,23-26

[19] cf. 1Co 11, 21-22. 30

[20] cf. 1Co 11,27

[21] cf. Ac.12, 12

[22] cf. 2,42 ; 20,7

[23] cf. Ac.20, 7

[24] cf. Ac. 2,46

[25] cf. 1Co.11, 7

[26] J. Questen, Initiations aux Pères de l’Eglise, Tome I, Editions du Cerf, Paris VIIe, 1955, pp. 244-245.

[27] Ibidem, p. 246.

[28] Dial. chp.117

[29] Ibidem, pp. 105-106.

[30] J. de Baciocchi, L’Eucharistie, Ed. Desclée, Paris, 1961, p. 124.

 

[31] Luther  rejettera cette thèse seulement à partir de 1525

[32] Doctrine selon laquelle un membre d’une secte de luthériens soutenait que le corps de Jésus – Christ reste présent dans l’Eucharistie parce qu’il est présent partout, et non par l’effet de la transsubstantiation.

[33] cf. DH 1639

[34] cf. DH 1642 ; Le miracle de LANCIANO

[35] He 1,6

[36] 1Co 11,29

[37] 1Co 11,28

[38] DH 1647

[39] cf. DH 726

[40] cf. DH 1729

[41] cf. DH 1730

[42] cf. DH 1743

[43] cf. DH 1747

[44] S.C 47

[45] SC. 56

[46] P.O. 5

[47] L.G.11

[48] cf. Mt 26, 26

[49] cf. Jn 6, 58

[50] cf. 1Co 11, 3 ; Ep 5, 23

[51] 1Co 1, 10

[52] cf. 1Co 5, 7

[53] Ps 104, 15

[54] cf. Mt 26, 27-29 ; Mc 14, 23-25 ; Lc 22, 14-20

[55] cf. Jn 19, 34

[56] cf. DH, 1321.

[57] Jn 6, 56

[58] cf. Rm 12, 2

[59] Jn 6,53

[60] cf. Can. 910

[61] cf. 1Co11, 24

[62] cf. Gn 2, 21-23

[63] cf. Jn 19, 34

[64] cf. Jn 19, 37

[65] 1Jn 4, 19

[66] cf. 1Co 12

[67] cf. 1 Co 11 27-29

[68] cf. Mt10, 8 Luc 9 ; 10,9

[69] cf. Jc5, 14-16

[70] Jn. 6, 14

[71] cf. Mt 25,40

[72] Lc 22, 19

[73] He 5,5-16

[74] cf. 1Jn 2, 2-4, 16

[75] cf. He 8-9

[76] cf. Ep 1, 31-37



05/03/2011
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