Baptême
Le sacrement de baptême
INTRODUCTION
"On ne naît pas chrétien, on le devient" affirmait Tertullien, un Père de l'Eglise[1]. Premier sacrement de l'initiation chrétienne, le baptême est un moment essentiel dans la vie de tout chrétien, grand ou petit. Il est le fondement de toute la vie chrétienne. Par le Baptême, en effet, nous sommes libérés du péché et régénérés comme fils de Dieu, nous devenons membres du Christ et nous sommes incorporés à l’Eglise et faits participants à sa mission[2].
Il s’agira pour nous dans cet exposé de présenter les éléments doctrinaux essentiels de ce sacrement et de relever ce qui fait sa spécificité. Pour ce faire nous allons voir d’abord ses fondements scripturaires. Ce qui nous permettra de suivre ensuite le développement doctrinal depuis les Pères de l’Eglise, en passant par le Concile de Trente jusqu’au Concile Vatican II. Nous relèverons ici les aspects novateurs du Concile Vatican II par rapport au Concile de Trente. Nous aborderons, ensuite la théologie du sacrement de baptême. Puis nous essayerons de faire état de la sacramentalité du baptême, sa célébration et ses effets. Nous préciserons, pour finir, la spécificité de ce sacrement par rapport aux autres sacrements et nous rendrons compte du baptême dans la tradition de l’Orient ainsi que dans les autres confessions chrétiennes en faisant une ouverture sur la question du baptême au cœur de l’œcuménisme.
I. FONDEMENTS SCRIPTURAIRES
1.1. La préfiguration du Baptême dans l’Ancien Testament
1.1.1. L’eau qui lave et purifie
Le rôle purificateur de l’eau est très marqué dans l’Ancien Testament. Il apparaît dans plusieurs événements de l’histoire sainte qui seront regardés dans la suite comme des préfigurations du baptême : « Le déluge par exemple (Cf. Gn. 7,17-22) ou le passage de la mer Rouge (Ex 14, 22-23) ».[3]
En effet, la véritable préfiguration du Baptême se trouve dans la traversée de la mer Rouge, véritable libération d’Israël de l’esclavage d’Egypte qui annonce la libération opérée par le Baptême. De plus, le Baptême est préfiguré dans la traversée du Jourdain, par laquelle le peuple de Dieu reçoit le don de la terre promise à la descendance d’Abraham, image de la vie éternelle (Jos 3-4). Ensuite, la loi impose dans de nombreux cas d’impureté, des ablutions rituelles qui purifient et rendent apte au culte (Nb19, 2-10 ; Dt23 ,10). C’est le moment de rappeler que ce « baptême des Juifs » effaçait les souillures légales, mais ne purifiait pas des péchés qui souillent la conscience. L’adultère, le vol, ou tout autre crime n’y pouvait être effacé. Si on avait touché un cadavre, goûté des viandes proscrites par la loi, si on venait d’un lieu impur ou qu’on avait été en rapport avec les lépreux, on se lavait, mais on restait dans l’impureté jusqu’au soir, puis on était purifié : « il se lavera à l’eau pure, est-il dit, et il sera impur jusqu’au soir et après il sera pur » (Lv 15,5). Les prophètes quant à eux, annoncent une effusion d’eau purificatrice du péché (Zac13, 1). Ezéchiel associe cette lustration eschatologique au don de l’Esprit de Dieu (Ez36, 24-28 ; cf. Ps51, 9-12).
1.1.2. L’eau qui tue, qui donne la mort
Dans le livre de Job, Dieu est le maître des eaux dont Il limite les dégâts (Job38 ; 8-11). Le déluge en Gn7 ,17-21, l’Exode et le passage de la mer Rouge (E12, 37-14,31) sont de véritables illustrations de l’eau qui tue, de l’eau qui est source de mort.
En effet, par les eaux du déluge, Dieu a balayé de la surface de la terre tout ce qui avait souffle de vie, sauf le juste Noé, sa femme, ses fils et les femmes de ses fils (Gn7, 7). L’eau est source de vie, mais c’est dans les eaux de la mer Rouge que Dieu fit périr Pharaon et toute son armée (Ex14, 27-28).
1.1.3. L’eau qui fait vivre
Dans la Bible, l’eau est considérée comme un don du Ciel exprimant l’Alliance harmonieuse entre Dieu et son peuple. La pluie est la bénédiction de Dieu (Cf. Lv26, 18-20). Tout en dénonçant les péchés d’Israël, les prophètes annoncent une Alliance Nouvelle où l’eau coulera en abondance. Ezéchiel voit la source jaillissante qui sort du Temple pour tout fertiliser, y compris les eaux de la mer Morte (Ez47, 12). De plus, l’eau est nécessaire à l’homme. En effet, au temps de l’Exode, le manque d’eau est l’une des épreuves du désert et Dieu accordera l’eau à ses enfants (Cf. N20, 2-8). C’est justement ce qui fera crier le psalmiste : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant » (Ps 42,2-3).
Ainsi la vie prend place aux cotés de la purification et de la mort dans la symbolique biblique de l’eau, grande richesse du sens du baptême.
1.2- Dans le Nouveau Testament
C'est le Nouveau Testament qui nous dit le sens du baptême chrétien. Le baptême, tel qu'il se faisait à l'époque apostolique, était un rite de plongée dans l'eau, rite riche de signification.
1.2.1- Dans les synoptiques et dans les Actes des apôtres
- Le baptême de Jean-Baptiste
Jean réunit autour de lui de nombreux disciples, leur annonçant la venue du Messie : « Moi, je vous baptise avec de l'eau, pour vous amener à la repentance, mais vient celui plus fort que moi, et je ne suis pas digne de porter ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu. » (Mt 3,11) Le baptême de Jean peut donc être comparé au baptême des prosélytes. Il réalise un sorte d’agrégation à la véritable postérité d’Abraham (Mt3, 9-10), au reste d’Israël, désormais soustrait à la colère de Dieu (Mt 3,7) et attendant le Messie qui vient. Il est donc proposé à tous les juifs sans exception. Il s’agit par ailleurs d’un baptême en vue du repentir et du pardon des péchés. (Mc 1,4) Il comporte alors l’aveu des péchés et un effort de conversion définitive, exprimé par le rite. (Mt 3, 6 ss) Jean insiste donc sur la pureté morale. Le baptême de Jean n’établit, en définitive, qu’une économie provisoire : c’est un baptême d’eau, préparatoire au baptême messianique dans l’Esprit-Saint et le feu (Mt 3, 11 ; Ac 1,15).
- Le baptême de Jésus
Toutes les préfigurations de l’Alliance trouvent leur achèvement dans le Christ, Jésus. En se présentant pour recevoir le baptême de Jean, Jésus se soumet à la volonté de son Père (Mt 3,14) et se range humblement parmi les pécheurs. Le baptême de Jésus dans le Jourdain annonce et prépare son baptême « dans la mort » (Mc 10,38 ; Lc 12,50). Soulignons que le baptême de Jésus par Jean dans le Jourdain est couronné par la descente du Saint-Esprit sous forme de colombe (Mc 1,10-11). La venue de l’Esprit sur Jésus est par ailleurs une investiture qui répond aux prophéties du prophète Isaïe (Is 11,2;42,1 ; 61,1) ; elle est en même temps l’annonce de la Pentecôte, qui inaugurera le baptême dans l’Esprit, pour l’Eglise (Ac1, 5 ; 11,16).
- Le baptême dans l’Eglise primitive
Dès le jour de la pentecôte, l’Eglise a célébré et administré le baptême. En effet, Saint Pierre déclare à la foule bouleversée par sa prédication : « convertissez-vous, et que chacun se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint Esprit. » (Ac 2,38) Les apôtres et leurs collaborateurs offrirent donc le baptême à quiconque qui croyait en Jésus : juifs, craignant-Dieu, païens (Ac 2, 41 ; 8,12-13 ; 10,48). Toujours, le baptême apparait comme lié à la foi : « crois au Seigneur Jésus, alors tu seras sauvé, toi et toute ta maison », a dit Paul à son geôlier (Ac 16,31). On trouve par ailleurs, dans les Actes des apôtres, quatre situations différentes en ce qui concerne l’administration du baptême:
-Le jour de la Pentecôte, Pierre dit « Faites vous baptiser et vous recevrez le don de l'Esprit » et il n'y a pas d'imposition des mains (Ac 2,38).
-Dans d'autres situations, le baptême ne donne pas l'Esprit. Celui-ci est donné ensuite par l'imposition des mains des apôtres. Il en est ainsi en Samarie (Ac 8,17) et à Éphèse quand Paul impose les mains (Ac 19,6).
-A Damas, Saul reçoit l'Esprit par l'imposition des mains d'Ananie et c'est ensuite qu'il est baptisé (Ac 9,17).
-A Césarée, l'Esprit tombe sur la famille du centurion Corneille sans qu'il y ait d'imposition des mains et c'est ensuite qu'ils sont baptisés (Ac 10,44-48).
Nous remarquons dans ces quatre situations ci-dessus que le baptême plonge toujours celui qui le reçoit dans l’Esprit Saint. « Je vous baptise dans l'eau, dit Jean Baptiste, lui vous baptisera (plongera) dans l'Esprit Saint et le feu » (Mt 3,11) ; « Jean a baptisé dans l'eau, vous c'est dans l'Esprit saint que vous serez baptisés » (Ac 1,5) ; « Que chacun se fasse baptiser au nom de Jésus - Christ pour la rémission de ses péchés et vous recevrez alors le don du Saint Esprit. » (Ac 2,38 ; 10,44-48)
1.2.2- Chez saint Jean
Au chapitre 3,3-10 de l’Evangile de Saint Jean, dans le dialogue avec Nicodème, un maître en Israël, il est question à nouveau de la naissance de l'eau et de l'Esprit. À moins de renaître d'eau et d'Esprit nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu (3,3). Le chapitre se termine par une mention du baptême de Jésus. L'entretien de Jésus avec Nicodème se situe à Jérusalem. Ici encore, l’eau, associée à l'Esprit, est un symbole sacramentel. L’idée de la renaissance divine est donc également essentielle chez Saint Jean. Nous devons donc, selon lui, « naitre de nouveau »pour entrer dans le Royaume de Cieux. (cf.Jn 3,5) Aussi, dans la première épitre de Saint Jean, trouvons-nous de nouveau le terme de « réengendrèrent » (1Jn 2,29-3,9) pour désigner le baptême, qui est pour ainsi dire, un second « engendrement » qui fait devenir « enfant de Dieu » en éloignant du péché.
1.2.3. Chez St Pierre
L’Apôtre St Pierre élabore une catéchèse baptismale par une série de recommandations. Il souligne les exigences de la vie nouvelle indispensable aux néophytes. Autrement dit un appel à la sainteté (1P13-16). Par ailleurs, pour St Pierre contrairement à l’eau du déluge qui symbolisait une purification extérieure et charnelle, le baptême, lui, opère une régénération de l’âme (1P3, 18-22). Enfin pour Saint Pierre, tout le monde peut recevoir le baptême (Ac10, 44-48).
1.2.4. Chez St Paul
Le premier effet du baptême est une nouvelle naissance d’ordre spirituel. Le baptême par immersion ensevelit le pécheur dans la mort du Christ. Celui-ci en ressort comme une nouvelle créature pour la résurrection. Cette résurrection ne sera totale et définitive qu’à la fin des temps, mais se réalise dès à présent par une vie nouvelle selon l’Esprit (Rm6, 3-7).
Par ailleurs St Paul enseigne que la circoncision du cœur est la seule qui compte (Rm6, 29) et elle est opérée par le baptême (Col 2,11-12).
Enfin pour St Paul : « Tous, dans le même Esprit, nous avons été baptisé en un seul corps (cf. 1Cor12, 13).Par suite, il n’y a qu’un seul baptême (Eph4, 5).
II. LA DOCTRINE DU SACREMENT DE BAPTEME
2.1 Développement doctrinal
2.1.1. Des pères de l’Eglise au concile de Trente
La doctrine catholique sur le sacrement de baptême s’est développée progressivement à l’époque des pères jusqu’au concile de Trente. Ce développement doctrinal est suscité par des questions qui nécessitent des solutions pratiques. Exemple : A quel moment le Seigneur a institué le Sacrement de Baptême et à quel moment remonte le problème du Baptême des enfants ?
2.1.1.1. Le baptême d’après les pères de l’Eglise
A l’origine du christianisme, et en particulier pendant la période patristique, personne ne mettait en doute que Jésus-Christ soit l’auteur du Baptême. A cet effet les pères ont affirmé et proclamé d’une voix unanime que quiconque veut faire partie de l’Eglise et s’assurer le salut éternel, le Baptême est absolument nécessaire.
- Selon la Didachè le Baptême est le sacrement de l’eau, non d’une eau quelconque, mais de l’eau de source, de l’eau courante, de l’eau fluviale, de l’eau vive. (Cf. Didachè VII, 1)
- Tertullien voit dans le Baptême, l’effacement de tous les péchés. Il est le sacrement de la foi, de l’eau qui sert de bain[4].
- Selon Origène : « le baptême d’eau, symbole de la purification de l’âme lavée de toute souillure du péché, est, par lui-même, principe et source des grâces divines. »[5] ; il est le commencement et la source des grâces divines.
- Pour Justin, le baptême sert d’initiation à la vertu chrétienne, il conserve les enfants du Christ et projette dans l’âme des initiés des effets de lumière : il est par excellence l’illumination de l’âme : « le photismos » (Cf. Apol I, 61). Il affirme aussi bien l’efficience de salut du baptême en ces termes : « pour que nous obtenions la rémission de nos fautes passées, on invoque dans l’eau sur celui qui veut être régénéré le nom du père.»[6]
- Nous lisons dans l’épître de Barnabé : « Nous descendons dans l’eau remplis de péchés et de souillures. Nous en remontons chargés de fruits. »[7]
- Théophile d’Antioche dira aussi en commentant la Genèse : « les êtres nés des eaux furent bénis par Dieu pour que cela montrât qu’un jour les hommes recevraient le repentir et le pardon de leurs fautes par l’eau et le bain de régénération. »
- Selon Basile : c’est le sceau de la foi. (Cf. Adv. Eunom, III, 5) et « s’il y a une grâce dans l’eau, elle ne vient pas de la nature de l’eau, mais de la présence de l’Esprit.»[8]
- Selon Saint Augustin, le Baptême est le sacrement de la vie nouvelle et du salut éternel. Et parce qu’il est donné au nom des trois personnes divines, il est sacrement de la Trinité. (Cf. serm CCLXIX, 2). Il est fort convaincu de l’œuvre de la puissance divine dans les rites sacramentels. Ainsi par exemple, contre les donatistes, Augustin écrit : « la force des sacrements a une puissance inénarrablement plus grande. Il est impie de mépriser ce sens quoi que la piété ne peut atteindre son accomplissement. »[9] voici enfin une formule dense en laquelle se rassemble toute l’intensité de la pensée augustinienne : « la grâce qui est la force des sacrements.»
Bref par rapport aux problèmes liés au sacrement de Baptême, les pères nous permettent de nous faire une idée exacte de la manière dont on envisageait le sacrement de baptême et du développement doctrinal progressif qu’ils en ont fait à leurs époques.
2.1.1.2. Position des réformateurs
Au XVI ème siècle les pionniers réformateurs tels que Luther, Calvin et Zwingli, ont remis en cause la doctrine catholique sur le Baptême.
Pour eux donc, il faut refuser aux sacrements une efficacité qui leur appartiendrait en propre. Ils sont seulement une promesse de la justification et des adjuvants de la foi qui, seule nous obtient le salut La pensée de Luther est très nette : c’est la foi qui justifie. Et la raison c’est que la doctrine catholique contredit la doctrine paulinienne de l’opposition entre la foi et les œuvres dont ils ont fait un des arguments. Pour Luther : Jésus-Christ n’a pas aboli le baptême de Jean, mais par la parole de la promesse, il l’a amené à sa perfection.
Aussi, la doctrine catholique des sacrements subordonne-t-elle le don de la Grâce à l’opération sacramentelle, ce qui à leurs yeux se concrétisait dans la formule ex opere operato qu’ils entendaient dans un sens erroné. Les Anabaptistes déclarent illicite et sans valeur le baptême des enfants et l’argument c’est que l’enfant n’a pas la raison, ne comprend pas, ne ratifie pas l’acte qu’on accomplit en son nom, et donc ne peut être initié à la société chrétienne. Il n’a pas la foi et par conséquent il manque de la disposition requise pour recevoir avec fruit le baptême. D’autre part, il n’y a pas de raison de confier le sacrement aux enfants. Et l’Ecriture ne le recommande nulle part.
Luther combattit énergiquement les Anabaptistes. Dès le début, il enseigne que le baptême est destiné à tous. Mais il reproche aux Papistes de baptiser l’enfant à cause d’une foi étrangère, celle de l’Eglise, des parrains ou des parents. Personne ne peut être sauvé par la foi d’autrui. (Cf. Ausleg der ev, numéro 22, 22, p 666 Sq.)
Luther affirme entre autres que l’hérétique et l’impie baptisent validement. Il soutient pour ce motif contre les Anabaptistes que le baptême des Catholiques n’est pas nul. Il reconnait que toute personne ne peut en cas de nécessité conférer le sacrement. (Cf. De Capt Babylone n°94 P.74) Signalons simplement qu’outre la doctrine commune à Luther et Calvin des sacrements, purs signes de la foi, ils s’opposent également à la doctrine de Zwingli des sacrements marques sociales d’appartenance à l’Eglise.
En transition, disons que sans excuser leurs tors et leurs erreurs, avec les conséquences tragiques qu’ils amenèrent, on doit reconnaitre la valeur spirituelle évangélique de leur désir initial de renouveau, car quoiqu’il en soit, leurs doctrines déplacées ont permis aux pères conciliaires de fixer la doctrine catholique du Sacrement de Baptême contre toute hérésie.
2.1.1.3 Le Baptême d’après le Concile de Trente
Les négations protestantes ont amené le concile de Trente à affirmer solennellement la foi catholique en l’efficacité des sacrements dont le Baptême en particulier. Ainsi, dans la IIIèmesession, le Concile de Trente adhéra au symbole de Nicée-Constantinople et confirma les mots que voici : « je crois …en un seul baptême pour la rémission des péchés ».
A la VII ème session, au Can5, le concile déclara que la Doctrine de l’Eglise romaine sur le Baptême est vraie et promulgua une série de quatorze canons dont voici les grands axes: Tout d’Abord la plupart des canons ont trait à la causalité des sacrements. C’est-à-dire que le concile croit en la causalité ex opere operato[10] et en l’efficacité du rite sacramentel. A cet effet, le concile utilise l’expression ex opere operato en lui donnant son vrai sens, si critiquée des réformateurs parce que mal comprise par eux. (cf. can8). Toutefois le concile ne s’est pas prononcé sur le comment de cette efficacité.
Le concile définit ensuite que le baptême, est un remède contre le péché originel (v e session, le 21mai 1546).
-Le baptême est le sacrement de la nouvelle loi. (Cf. session VII, Can1). Ce simple mot dit beaucoup. Il est la négation de toutes les théories protestantes sur le mode d’efficacité.
-Le sacrement de baptême est l’instrument dont Dieu se sert pour justifier l’infidélité. Le canon 6 est central et atteint directement la position protestante refusant aux sacrements toute action vraiment efficiente dans le don de la grâce et la justification.
-Le baptême remet les péchés : Dans la session Vème, on a défini que le péché originel est effacé par le baptême, par le baptême seul, chez les enfants et les adultes (Cf. Can 3-5)
-Par le baptême, Dieu imprime dans l’âme un caractère : il est de foi que le baptême est un des trois sacrements qui marquent l’âme d’un caractère, d’un signe spirituel et indélébile. (Cf. Session VII, De Sacr, Can.9.). Il ne peut être réitéré, il n’est administré qu’une seule fois. Il était nécessaire d’affirmer l’existence de cet effet méconnu par les protestants. Mais il ne dit pas ce que le caractère baptismal a de particulier.
-Par le baptême, l’homme est introduit dans l’Eglise .Le Concile répète le mot d’Eugène III, (Cf. Denziger n°591): Le baptême est la porte par laquelle on entre dans l’Eglise. (Cf. Sess VIV C II). Il fait de l’homme le membre du Corps du Christ. Le Concile insinue même qu’avant d’avoir reçu le baptême, on ne peut s’approcher d’un autre sacrement.
Le baptême est le sacrement, qui aux termes mêmes des définitions conciliaires, est nécessaire pour le salut. (Cf. Session VII, De bapt Can 5 ; Session XIV, Can 2) ; sans lui, on ne peut acquérir la vie éternelle. Il en est la porte d’entrée. (Session V, Can4)
Dans le canon 5, le concile affirme que les sacrements ne sont pas des adjuvants de la foi qui seule procurerait le salut.
Le Concile affirme que l’hérétique baptise validement, s’il prononce la vraie formule et a l’intention de faire ce que fait l’Eglise (Cf. Session VII, De Bapt Can.4.). Cela pour condamner à la fois les Anabaptistes et Luther et déclarer que pour la validité du rite, la foi du ministre n’est pas requise, mais que l’intention est nécessaire (celle de faire ce que fait l’Eglise).Le Concile affirme que tous les hommes même les enfants doivent être baptisés. Il affirme que le baptême n’est pas libre, mais nécessaire au salut (Cf. Session VII, De Bapt Can 5).
2.1.2. Le sacrement de baptême d’après le concile Vatican II
Dans le préambule de Sacrosanctum Concilium, les pères conciliaires nous donnent la ligne directrice de l’objectif du Concile: « faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles...Favoriser tout ce qui concerne tous les hommes dans le sein de l’Eglise. » Nul ne peut douter que c’est par le baptême que l’on devient membre juridique de l’Eglise. Nous voyons ici une invitation implicite à œuvrer de manière à augmenter le nombre du peuple de Dieu par l’administration du sacrement de baptême. Le n°1 de Lumen Gentium affirme de son côté que « l’Eglise est elle même sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ».
Le baptême fait donc de nous les membres du corps mystique du Christ. Le fils de l’Homme a racheté l’homme en triomphant de la mort par sa mort et sa résurrection pour faire de nous des créatures nouvelles (2Co5, 17). La vie du Christ se répand à travers les croyants que les sacrements d’une manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié. Par le baptême en effet, nous sommes rendus semblables au christ : « car nous avons tous été baptisés en un seul esprit pour n’être qu’un seul corps (1 Co12, 13). Par ce rite sacré est signifiée et réalisée l’union avec la mort et la résurrection du christ. » LG n° 7.
En fait, quelle est la nouveauté du concile Vatican II par rapport au Concile de Trente ? Fondamentalement rien de neuf en matière de dogme. Tout est défini avec le Concile de Trente. Cependant, les aspects novateurs du Concile Vatican II sont essentiellement d’ordre liturgique et ecclésiologique.
v Aspects novateurs de Vatican II sur le baptême
Notons d’entrée de jeu que le souci primordial du Concile Vatican II était pastoral. Alors que le Concile de Trente était un concile visant à défendre ou à clarifier la doctrine catholique. On remarquera par contre que le Concile Vatican II n’utilise pas le mot anathème, mais opte pour une ouverture et un dialogue. D’où le décret sur l’œcuménisme (Unitatis Redintegratio) et la déclaration pour le dialogue interreligieux (Nostra Aetate).
En effet, tous les deux conciles admettent le baptême des petits enfants : (Session VII, 1547, Can. 12, 13, 14) et (SC. N° 67). Mais le Concile Vatican II par son ouverture provoque une reforme profonde dans la liturgie de l’initiation chrétienne (Cf. SC. N° 66-70). Pour la première fois, un rite propre est proposé pour les petits enfants (SC. N°67) : « On révisera le rite pour le baptême des petits enfants et on l’adaptera à la situation des tout-petits. » Il remplacera l’abrégé du rituel des adultes des premiers siècles.
Ainsi, après le Concile, trois rituels, c’est-à-dire trois manières de célébrer le Baptême en fonction des conditions concrètes de ceux qui viennent à la foi seront élaborés :
-Le rituel du baptême des adultes par étapes (1974)
-Le rituel du baptême des enfants en âges de scolarité (1977)
-Le rituel du baptême des petits enfants (2ème Ed. 1984)
D’autre part, Vatican II rétablit le catéchuménat (SC. N°64) : « On restaurera le catéchuménat des adultes distribué en plusieurs étapes, dont la pratique sera soumise au jugement de l’ordinaire du lieu ; on obtiendra ainsi que le temps du catéchuménat, destiné à la formation appropriée, puisse être sanctifié par les rites sacrés échelonnés dans le temps ». Vatican II avance plusieurs principes pour la restauration :
-un rapport entre l’identité chrétienne et les formes d’initiation non chrétienne, celles-ci indiquant une voie pour l’évangélisation ou ce qu’on appelle aujourd’hui l’inculturation (Cf. SC. N° 65) : « Dans le pays de mission, il sera permis d’admettre ces autres éléments d’initiation dont on constate la pratique dans chaque peuple, pour autant qu’on peut les adapter au rite chrétien, conformément aux articles 37-40 de la présente constitution ».
-L’unité intime des trois « sacrements d’initiation chrétienne », sans préjuger de la manière dont ce lien doit être manifesté.
-La restauration d’un catéchuménat d’adultes pour l’Eglise universelle, c’est-à-dire de moyen spécifique pour initier au mystère du salut et à la vie évangélique (Ad Gentes N°14).
On constate que sur l’inculturation des sacrements d’initiation chrétienne le Concile de Trente est muet. Ainsi La nouvelle liturgie du baptême, demandée par Vatican II, veut être une catéchèse. Lectures, chants et rites, l’aménagement du baptistère lui-même tentent d’introduire dans la réalité du Baptême et d’en faire percevoir la signification. Enfin le Concile Vatican II retrouvera, comme aux premiers temps de l’Eglise, l’articulation nécessaire entre le Baptême, la confirmation et l’Eucharistie (SC. N°71).
Par ailleurs, sur le plan ecclésiologique nous assistons avec Vatican II à la revalorisation du peuple de Dieu, peuple des Baptisés (LG. 9-17). Cette nouvelle perspective redonne au baptême son rôle de sacrement fondateur de toute vie dans le Christ. Le concile Vatican II parle de la nécessité du baptême: «Appuyé sur la Sainte Écriture et sur la Tradition, il enseigne que cette Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps qui est l'Église; et en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du baptême, c'est la nécessité de l'Église elle même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du baptême, qu'il nous a confirmée en même temps ». (LG.14)
2.2. Théologie du baptême
2.2.1. Bref historique de la théologie de baptême
A chaque époque, l'Église a mis en valeur un aspect de la doctrine du baptême. Les pères de l'Église insistent sur la rémission du péché et la signification pascale du baptême par immersion.
Depuis le Moyen Age, sous l'influence de St Augustin, une grande importance est donnée au péché originel ; on a montré avec force que le baptême purifie du péché originel. Le baptême perd en partie sa signification pascale. De plus on enseigne que le baptême est nécessaire pour le salut.
Actuellement, à partir du Nouveau Testament, le baptême n'est plus présenté d'abord comme la purification du péché originel, mais comme l'entrée dans l'Église, la nouvelle naissance, la participation à la mort et à la résurrection du Christ, l'accueil de l'Esprit saint et la filiation divine. On pense aussi qu'on peut être sauvé par la grâce de Dieu sans avoir reçu le baptême.
2.2.2. Quelques questions théologiques autour du baptême
Dès les premiers siècles, l'Eglise s'est posé la question de la valeur du baptême des autres. Ainsi à propos des hérétiques ou des schismatiques souhaitant réintégrer l’Eglise catholique: fallait-il ou non les rebaptiser ? Deux courants se sont alors exprimés. Saint Cyprien, évêque de Carthage, plaidait pour le "re-baptême", car "il n'y a pas de baptême là où l'Esprit n'est pas". Et saint Augustin, s'appuyant sur une théologie du Christ médiateur, admettait la validité du baptême administré par des schismatiques ou des hérétiques. La tradition de l'Eglise a hérité de ces deux courants. Insistant plus sur l'un ou sur l'autre.
ü La question du pédobaptisme
Au départ, l’Eglise est née du judaïsme dont sont issus les apôtres, les premiers disciples, les premières communautés. Dans la mesure où le baptême correspondait à la circoncision et en accomplissait le signe prophétique, celui des enfants n’a posé aucun problème. La pratique du pédobaptisme est formellement attestée dès le début du IIIème siècle par Tertullien, et, en Orient par Origène. D’abord pleinement accepté par les réformateurs, le pédobaptisme a soulevé de vives controverses dans les Eglises protestantes, à la suite de la vigoureuse prise de position contre cette pratique par Karl Barth, en 1943. Comment est-il possible de donner le baptême à l’enfant qui n’est capable ni de foi ni d’intention ? Comment expliquer que la foi nécessaire au baptême et dont le baptême est l’expression puisse être une foi « par procuration » ? En effet, Saint Thomas comparant la régénération baptismale à la naissance naturelle explique le rôle de l’Eglise : « …De même que les enfants encore portés dans le sein de leur mère ne prennent pas eux-mêmes leur nourriture, mais sont alimentés par la nourriture que prend leur mère, de même les enfants qui n’ont pas encore usage de la raison, comme placés dans le sein maternel de l’Eglise, reçoivent le salut, non par leurs propres actes, mais par ceux de l’Eglise » (Cf. Som. Théo. 3, 68, 9). L’enfant dès sa naissance, prend place dans l’historie du salut. Baptiser un enfant n’est donc pas d’abord prendre des engagements à sa place, mais envisager la mission parentale à l’intérieur d’une vision chrétienne, et donc recevoir et situer l’enfant dans l’éclairage de la foi, le placer dans le milieu du salut, qui s’appelle Eglise. Dans l’esprit de nombre de chrétiens, le baptême des enfants est motivé par le péché originel. Mais en réalité, au centre de l’histoire, c’est la venue du Christ qui révèle la déchéance et non la déchéance qui éclaire la venue du Christ. On ne donne pas le baptême en vue de la mort mais en vue de la vie. Ainsi, comme le souligne le Pape Paul VI, « Le baptême doit être donné, même aux petits enfants qui n’ont pas encore commis de péchés personnels, afin que nés privés de la grâce surnaturelle, ils naissent « de l’eau et de l’Esprit », à la vie divine dans le Christ Jésus ».
Qu’en est-il pour les enfants non baptisés ?
Quelques principes de solutions
ü La solution classique : L’idée des limbes
Selon l’hypothèse des limbes, les enfants morts sans baptême ne peuvent accéder ni au Royaume ni au châtiment : de cette double certitude, les théologiens après Saint Augustin, ont peu à peu élaboré la notion de « limbes », pour désigner un état intermédiaire, de bonheur parfait, mais naturel qui serait celui des enfants. Le pseudo-Concile (Janséniste) de Piostoie en 1786 avait rejeté cette hypothèse pour dire que les petits enfants non baptisés étaient soumis à la peine du feu. C’est cela que le Pape Pie VI a condamné, en rejetant la condamnation portée par ce concile contre l’idée des « limbes ».
ü La solution de Cajetan
Selon celui-ci, les enfants de parents chrétiens morts sans baptême pourraient être sauvés par la foi de leurs parents, manifestés ou non par un geste, une prière expresse. Pour les autres cas, il conserve l’hypothèse des limbes. Après les critiques de l’hypothèse des limbes et de l’opinion de Cajetan, une solution a été Proposée.
ü Solution Proposée
Tant que l’enfant vit, il demeure dans sa situation native : à la fois séparé de Dieu en raison du péché de nature dans lequel il est né, mais foncièrement ordonné au Christ Sauveur, en vertu de l’acte créateur qui l’a fait à l’image de Dieu, et de la rédemption par le Christ dans laquelle il est virtuellement impliqué. Si la mort survient, à l’instant même où elle le saisit et termine sa destinée terrestre, elle le conforme à Jésus Christ en sa mort rédemptrice.
La première lettre de Saint Pierre met en rapport la descente de Jésus aux enfers après sa mort avec le baptême. Comme la puissance de la passion du Christ est appliquée aux vivants par les sacrements qui les configurent au Christ dans sa passion, ainsi a-t-elle été appliquée à ceux qui étaient déjà morts par la descente du Christ aux enfers.
ü Mise en cause de l’hypothèse des limbes dans les débats actuels
Le concept des limbes remonte au XIIIème siècle. Il apparaît dans le catéchisme de Pie X en 1904, mais disparaît dans celui de 1992, sous Jean-Paul II. D’après la commission théologique internationale, les Papes et les conciles ont toujours pris soin, au fil de l’histoire de ne pas définir les limbes comme une « doctrine de foi », laissant ainsi la question ouverte. Devenu avec le temps un sujet d’ « urgence pastorale » face au nombre croissant d’enfants morts sans baptême et /ou « victimes d’avortement », la commission théologique internationale dirigée par le Cardinal Joseph Ratzinger, a commencé par se pencher sur la question des limbes en 1994. Au paravent en 1984, le Cardinal Joseph Ratzinger avait déjà exprimé son avis personnel en disant qu’il aurait « laissé tomber ce qui n’a toujours été qu’une hypothèse théologique ».C’est ainsi qu’à Rome, le lundi 23 Avril 2007, un document de 41 pages intitulé « Espérance du salut pour les enfants morts sans baptême », préparé par commission théologique internationale et approuvé par Benoît XVI le 19 avril, confirme que les enfants morts sans baptême sont destinés au paradis. Le document précise que « les petits enfants ne mettent aucun obstacle personnel sur le chemin du salut », c’est pourquoi « Dieu donne la grâce du baptême sans que le sacrement soit donné, et ce fait doit être particulièrement rappelé dans les cas où il serait impossible de conférer le baptême ».En outre, le document pontifical reprend et développe ce que le catéchisme de l’Eglise Catholique a écrit au numéro 1261 : « Quand aux enfants morts sans baptême, l’Eglise ne peut que les confier à la miséricorde de Dieu, comme elle le fait dans le rite des funérailles pour eux. En effet, la grande miséricorde de Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et la tendresse de Jésus envers les enfants, qui lui a fait dire ‘’laisser les enfants venir a moi, ne les empêchez pas’’ (Mc.10, 14), nous permettent d’espérer qu’il y ait un chemin de salut pour les enfants morts sans baptême ». D’autant plus pressant est aussi l’appel de l’Eglise à ne pas empêcher les petits enfants de venir au Christ par le don du baptême. Aussi, cette commission estime-t-elle que le concept des limbes, dans lesquels séjourneraient les enfants morts sans être baptisés, serait dénué de réalité.
« Notre conclusion est que les nombreux facteurs que nous avons pris en considération donne des fondements théologiques et liturgiques sérieux pour espérer que les enfants morts sans baptême seront sauvés et bénéficieront de la vision béatifique », parce-que l’exclusion d’enfants innocents du paradis ne reflète pas l’amour particulier du Christ pour « les plus petits ».
ü Peut-on être sauvé en dehors du baptême ?
A cette question, l'Église catholique répond en enseignant que Dieu peut donner, sans le baptême, la vie éternelle, car son dessein est que tous les hommes parviennent au bonheur éternel. Les dons de Dieu ne sont pas limités aux sacrements; ceux-ci en sont les signes.
ü Aspects dominants du baptême dans la théologie actuelle
L'incorporation au Christ et à l'Église, c'est-à-dire au peuple de Dieu sauvé, constitue l'aspect dominant du baptême. Le Concile Vatican II souligne qu'il est souhaitable que le baptême soit célébré dans la communauté rassemblée, spécialement aux grandes fêtes comme Pâques, Pentecôte, Noël et les Messes dominicales. Le baptême est alors l'affaire de toute la communauté paroissiale et en même temps il est vivement souhaitable que les baptêmes dits "privés" deviennent une exception (par exemple à cause de la maladie de l'enfant) et que la célébration solennelle et communautaire durant l'Eucharistie dominicale, soit la règle générale des baptêmes. C'est ainsi que le baptême retrouvera sa pleine signification.
Pour le Cardinal Henry de LUBAC, le premier effet du baptême est l’agrégation à l’Eglise visible. Etre baptisé c’est entrer dans l’Eglise. Fait essentiellement social. Les conséquences ne sont pas seulement juridiques mais spirituelles, mystiques parce que l’Eglise n’est pas une société purement humaine. Si c’est de l’Eglise que les sacrements tirent leur efficacité, c’est en vue de l’Eglise, encore que cette efficacité leur est confiée. L’eau du baptême et le sang de l’eucharistie sont les premiers fruits de l’union mystique entre le Christ et son Eglise. La régénération n’affecte pas seulement une âme solitaire mais toute l’Eglise : « Nous avons été baptisés dans un seul Esprit pour former un seul Corps. » 1Co12, 13 Quant au Père Henri DENIS, il se pose une question : qui célèbre le sacrement de baptême et qui en a le ministère ? L’Eglise toute entière en est-elle responsable ? Il répond en disant qu’il n’y a jamais de sacrement individuel : ce serait contraire non seulement à l’Evangile, mais encore à la structure du Corps du Christ.
2.3. La Sacramentalité du baptême
L’eau (la matière) et la parole prononcée (la forme) sont les éléments essentiels du rite sacramentel.
2.3.1. L’eau
Jean-Baptiste baptisait dans l’eau et annonçait celui qui allait baptiser dans l’Esprit et dans le feu[11]. Apocalypse 1,5 parle de nos fautes qui sont noyées dans son propre sang.
L’usage de l’eau a prévalu à cause de la richesse de son symbolisme, surtout le symbole de mort et de vie, le baptême étant un rite de mort et de résurrection. Le baptême par immersion est ce qui symbolise le mieux le passage[12] . Saint Thomas dit que cette pratique est plus sûre. Bien des raisons ont fait abandonner le baptême par immersion : Nombre des baptisés, baptême des petits enfants… Une réflexion pastorale mériterait d’être menée pour rétablir le baptême par immersion. Mais, l’important c’est « l’eau qu’une parole accompagne »[13]. La parole est plus importante que l’eau ; c’est elle qui donne sens au baptême.
2.3. 2. La parole
Les grands textes des origines parlent seulement du baptême au nom de Jésus, avec mention de l’Esprit Saint. Mais très tôt, on a dû réaliser que ce baptême par Jésus Christ, avec le Saint Esprit donnait accès au Dieu de Jésus Christ qui est Père, Fils et Esprit Saint. Ainsi, le baptême est administré « Au nom du Père et du Fils et Saint Esprit » (cf. Mt. 28, 19-20) tant chez les Orientaux que les Occidentaux.
2.3.2.1. Le Père a l’initiative
L’action du Père est première ; il sauve en envoyant son Fils. Il opère une transformation réelle en celui qui est baptisé. Le baptisé doit répondre de l’amour qu’il reçoit et qui est manifesté dans le sacrement. Il y a deux libertés : celle de Dieu qui a l’initiative, celle de l’homme qui doit lui répondre. « La bonté de Dieu nous a sauvés par le bain de la nouvelle naissance… »[14]. Il faut noter qu’il y a un lien entre baptême et salut ; (cf. Jésus et Nicodème dans Jn. 3, 5). N’y aurait-il pas le salut en dehors du baptême ? Le baptême n’est pas un rite obligé. Ce qui est important, c’est « qu’il nous a sauvés ». Le Père a l’initiative du salut, le sacrement est un moyen ordinaire d’accueillir cette initiative. Marie et les Apôtres n’ont pas reçu le baptême chrétien. Ils ont été baptisés dans « le feu de l’Esprit » au matin de la Pentecôte. Avant les années 50, le baptême n’était pas encore un rite d’appartenance. L’important, c’était la foi. « Si tu confesses que Jésus est Seigneur, tu seras sauvé »[15]. Il ne faut pas ‘‘magnifier’’ le baptême, en le réduisant à un passeport pour l’éternité. Parmi les élus, il y a des non-baptisés qui ont su accueillir le salut de Dieu, et parmi les baptisés, il y a des impénitents qui refusent le salut. Celui qui est baptisé est placé devant la responsabilité de celui que Dieu sauve.
2.3.2.2. Le Fils baptise
Dans sa première lettres aux Corinthiens, Paul disait « Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Evangile »[16]. Paul ne veut pas minimiser le baptême. Les Corinthiens accordaient plus d’importance aux ministres qu’au sacrement. Pour Paul, le ministre est secondaire. Paul n’a pas été envoyé pour baptiser car c’est le Christ qui baptise, plonge dans sa mort et sa résurrection. On dit que « Jean baptisait », mais pour le baptême chrétien les textes employaient un passif christologique. Celui qui baptise n’est pas nommé (cf. Ac2, 38 ; Rm6, 3). Le Christ est le seul acteur réel. Avec Corneille, Pierre ne baptise pas, il donne l’ordre de baptiser[17]. Il ne veut pas faire écran entre le Christ qui baptise et Corneille. Le ministre n’a aucune importance, car il ne donne rien. L’Eglise reçoit le baptême plus qu’elle ne l’administre, car c’est le Christ qui donne et qui se donne. La main qui verse l’eau sur la tête ne fait que se prêter au Christ.
2.3.2.3. L’Esprit fait vivre
Tous les écrits du Nouveau Testament affirment que l’Esprit Saint imprègne la vie chrétienne. Saint Paul au 1Co 12- 14 nous dit que l’Esprit fait l’unité de l’Eglise dans la diversité de ses membres. Rm 8 qui est un texte très difficile mais très important parle de la liberté chrétienne. Réflexion fondamentale sur la condition de l’homme, soutenue par l’Esprit qui vient au secours de sa faiblesse. Saint Jean utilise le double sens ‘‘Esprit’’ et ‘‘souffle’’. Les actes sont les actes de l’Eglise parce qu’ils sont les actes de l’Esprit. L’Esprit qui vient sans qu’on l’appelle (cf. Ac10, 44) ou qu’il faut prier de venir (cf. Ac 8, 15). On ne peut exercer aucun pouvoir sur l’Esprit. Dans le baptême et la confirmation, c’est l’Esprit qui se donne.
2.4. La célébration
2.4.1. La mystagogie de la célébration
Le sens et la grâce du sacrement du baptême apparaissent clairement dans le rite de la célébration. Par les gestes et les paroles, les fidèles sont initiés aux richesses que ce sacrement signifie et réalise en chaque nouveau baptisé.
- Le signe de la croix, au seuil de la célébration marque l’empreinte du Christ sur celui qui va lui appartenir et signifie la grâce de la rédemption que le Christ nous a acquise par sa croix.
- L’annonce de la Parole de Dieu : Elle illumine de la vérité révélée les candidats et l’assemblée, et suscite la réponse de la foi, inséparable du baptême.
- L’exorcisme : Puisque le baptême signifie la libération du péché et de son instigateur, le diable, on prononce un ou plusieurs exorcisme(s) sur le candidat.
Il est oint de l’huile des catéchumènes ou bien le célébrant lui impose la main, et il renonce explicitement à Satan. Ainsi préparé, il peut confesser la foi de l’Eglise à laquelle il sera « confié par le baptême » (Rm. 6, 17)
- L’eau baptismale, est alors consacrée par une prière d’épiclèse (soit au moment même, soit dans la nuit pascale), l’Eglise demande à Dieu que, par son Fils, la puissance de Saint Esprit descende sur cette eau, afin que ceux qui y sont baptisés « naissent de l’eau et de l’Esprit » (Jn 3, 5).
- Suit alors le rite essentiel du sacrement : le baptême proprement dit, signifie et réalise la mort au péché et l’entrée dans la vie de la Très Sainte Trinité à travers la configuration au mystère pascale du Christ. Le baptême est accompli de la façon la plus significative par la triple immersion dans l’eau baptismale. Mais depuis l’Antiquité, il peut aussi être conféré en versant par trois fois l’eau du baptême sur la tête du candidat accompagnée par les paroles du ministre : « N., je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.»
- L’onction du saint chrême : l’huile parfumée consacrée par l’Evêque, signifie le don de l’Esprit Saint au nouveau baptisé. Il est devenu un chrétien, c’est-à-dire « oint » de l’Esprit Saint, incorporé au Christ, prêtre, prophète et roi (Cf. OBP N° 62)
N.B. Elle annonce une seconde onction de saint chrême que donnera l’Evêque : le sacrement de la confirmation qui, pour ainsi dire « confirme » et achève l’onction baptismale. Mais dans la liturgie des Eglises d’Orient, l’onction baptismale est le sacrement de la chrismation (c’est-à-dire confirmation).
- Le vêtement blanc, est un symbole qui dit que le baptisé a « revêtu le Christ » (Ga 3, 27), et qu’il est ressuscité avec lui.
- Le cierge, allumé au cierge pascal signifie que le Christ a illuminé le néophyte. Dans le Christ, les baptisés sont « la lumière du monde » (Mt 5, 14 ; Ph 2, 15).
2.4.2. Les sujets du baptême
« Tout être humain non encore baptisé, et lui seul, est capable de recevoir le baptême » (Cf. C 864). Cependant, pour qu’un adulte puisse être baptisé, il faut qu’il ait manifesté la volonté de recevoir le baptême, qu’il soit suffisamment instruit des vérités de la foi et des obligations chrétiennes et qu’il ait été mis à l’épreuve de la vie chrétienne par le catéchuménat ( Cf. AG N° 14 ; OICA N° 19 et N° 98) ; il sera aussi exhorté à se repentir de ses péchés (Cf. C 865 § 1). Ainsi, le baptême apparaît comme le sacrement de foi (Cf. Mc 16, 16).
2.4.3. Les ministres du baptême
*Ministres ordinaires : Sont ministres ordinaires du baptême l’Evêque et le Prêtre, et, dans l’Eglise latine, aussi le diacre (Cf. C 861 § 1)
*Ministres extraordinaires : Toute personne, même non baptisée, ayant l’intention requise, peut baptiser, en appliquant la formule baptismale trinitaire (Cf. C 861, § 2).
2.5. Les effets du sacrement de baptême
Les différents effets du baptême sont signifiés par les éléments sensibles du rite sacramentel. Ces effets sont : la régénération, l’incorporation au Christ, la rémission des péchés, le don de l’Esprit Saint, le caractère baptismal, l’incorporation à l’Eglise.
2.5.1. La régénération
Par le baptême, le croyant devient « enfant de Dieu », c'est-à-dire qu’il commence à partager la vie de Dieu ; cette vie est celle du Christ ; elle lui vient du Christ. Les pères grecs utilisent le terme de divinisation pour désigner la transformation opérée dans le chrétien par la grâce. Cette transformation est l’effet du baptême.
Le terme n’est pas lui-même biblique, mais il est l’équivalent du terme biblique d’adoption. Ce qu’il met en valeur, c’est le caractère permanent de l’effet produit par le baptême : le baptisé est devenu un vivant de la vie divinisée.
La vie divine consiste en des relations interpersonnelles, de parfaite connaissance et d’amitié infinie des trois personnes divines. Participer à la vie divine, c’est d’abord et essentiellement entrer « en communion » avec la Trinité, c’est-à dire reconnaître et aimer les personnes divines, ce qui ne peut être sans une surélévation par la grâce des facultés spirituelles.
2.5.2. L’incorporation au Christ
Nous avons déjà vu que l’amour dont le Père aime les hommes les atteint dans le Christ, en qui ils sont contenus dès lors qu’ils actualisent cette appartenance, la rendent personnelle, par leur foi et leur amour. Or, c’est cet amour de Dieu qui réalise l’adoption des fils. Il faut comprendre cela en fonction de cette caractéristique du baptême de faire participer le croyant à l’action rédemptrice du Christ ; et par conséquent à ce qui est le principe animateur de cette action, l’amour rédempteur.
Ainsi, durant sa vie terrestre, le chrétien est configuré au Christ tel que sur la terre, il vivait, avec une perfection inégalable, sa vie humaine de fils de Dieu. C’est de nouveau le paradoxe chrétien : simultanément le croyant participe à la vie transfigurée du Christ ressuscitée, et à sa vie crucifiée.
2.5.3. La rémission des péchés
Par le baptême, tous les péchés sont remis : le péché originel et tous les péchés personnels ainsi que toutes les peines dues aux péchés. En effet, la cause universelle de la rémission des péchés est le sacrifice du Christ : universel en ce sens que le Fils incarné est le médiateur universel car « il n’est pas d’autre nom donné aux hommes, par lequel il nous faille sauvés ».
Le baptême est le signe de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ. C’est un signe pratique, dynamique. C'est-à-dire qu’il est à la fois signe de la participation personnelle du croyant à cet événement de portée universelle, et le signe de l’application à lui personnellement de la rédemption accomplie une fois pour tous les hommes. Il est le signe de l’extension de l’amour de Dieu pour son Christ et pour toute l’humanité comprise en lui.
S’il est vrai en effet que par la passion du Christ et sa mort rédemptrice, l’homme est totalement libéré du péché, et si par le baptême, la vertu du sacrifice rédempteur est appliquée tout entière au croyant, il est vrai aussi que le baptisé est soumis au péché : « le péché habite en lui ». Après Saint Paul, Saint Jean nous avertit : si nous disons que nous n’avons pas de péché, c’est nous-mêmes que nous trompons, et la vérité n’est pas en nous. C’est cette antinomie, si vivement perçue par Luther, que veut résoudre la notion de justification forensique. A la fois juste et pécheur, le croyant est juste de la justice du Christ qui lui est imputée, mais cette justice ne le transforme pas intérieurement, de sorte que, justifié, il demeure ce qu’il était par lui-même, pécheur.
En fait, vraiment le chrétien est simultanément juste et pécheur en ce sens que la grâce qui le justifie ne l’immunise pas contre les péchés qu’il peut commettre ultérieurement, et que ceux-ci peuvent ne pas faire de lui à proprement parler un injuste. Sa justice est réelle, elle est une victoire de la grâce sur le péché qui est la condition native de l’homme, mais une victoire progressive, qui dure toute la vie terrestre, et donc partielle, puisque le péché n’est pas d’abord définitivement vaincu. C’est la solution catholique au paradoxe soulevé par Luther.
2.5.4. Le don du Saint Esprit
Tout sacrement donne le Saint-Esprit, comme tout sacrement donne la grâce. Mais chaque sacrement aura une manière propre de donner le Saint-Esprit comme de donner la grâce. Ce qui est propre au baptême, c’est de faire participer le croyant au don du Saint-Esprit fait à toute l’Eglise à la pentecôte, de l’établir en communication habituelle avec le Saint-Esprit, de sorte que tout don ultérieur de l’Esprit, qu’il soit ou non l’effet d’un sacrement particulier sera un prolongement, une ramification du don de l’Esprit fait au baptême.
2.5.5. Le caractère baptismal
Le baptême reçu validement, quoique indignement, imprime dans l’âme du baptisé une marque spirituelle ineffaçable : c’est le caractère baptismal. Le baptême ne peut pas, par conséquent, être réitéré.
Incorporé au Christ par, le baptême scelle le chrétien d’une marque spirituelle indélébile de son appartenance au Christ. Le sceau baptismal rend capable et engage les chrétiens à servir Dieu dans une participation vivante à la sainte liturgie de l’Eglise et à exercer leur sacerdoce baptismal par le témoignage d’une vie sainte et d’une charité efficace. Ce caractère n’est effacé par aucun péché, même si le péché empêche de porter des fruits de salut, car le caractère n’est pas de l’ordre de la sainteté.
A la différence de la grâce, le caractère ne se situe pas dans la ligne de l’engagement personnel du sujet, de sa rencontre interpersonnelle avec Dieu, de l’intériorisation subjective du don que Dieu nous fait de sa propre vie. De fait, le don que Dieu nous fait de sa propre vie par la grâce sanctifiante, même s’il est le fruit d’une initiative purement gratuite de Dieu, a besoin d’être effectivement reçu par l’homme, c’est-à-dire activement mis en œuvre par celui-ci. C’est pourquoi, il n’y a véritablement don de la grâce que si celle-ci est intérieurement acceptée, intimement assimilée par le sujet. Il n’y a de salut que dans cette coopération libre au don de Dieu.
Le caractère apparaît comme quelque chose d’objectif, qui correspond au fait même d’avoir été baptisé, quelque soit la réponse donnée par le sujet à ce baptême. Il y a là une donnée de fait, indépendante de l’adhésion intérieure et libre à ce fait. Le caractère n’est pas d’ordre sociologique, moral ou juridique. Il est d’ordre ontologique car l’amour que Dieu nous offre atteint le plus intime de notre existence.
2.5.6. L’incorporation à l’Eglise
Le baptême nous incorpore à l’Eglise. Mais l’Eglise n’est pas seulement une société humaine dans laquelle on entrerait par une démarche purement extérieure. On n’appartient pas à celle-ci par des liens seulement juridiques. Elle est une réalité surnaturelle, le corps du Christ. On lui appartient par des liens réels et mystérieux. Le baptême a pour effet d’établir ces liens.
Le baptême donne part au sacerdoce commun des fidèles. Ainsi, le baptisé fait partie « d’une race élue, d’un peuple acquis pour annoncer les louanges de Celui qui les appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1P2, 9). Devenu membre de l’Eglise, le baptisé n’appartient plus à lui-même, mais à celui qui est mort et ressuscité pour nous, le Christ. Dès lors, il est appelé à se soumettre aux autres, à les servir dans la communion de l’Eglise. Il faut noter également que le baptisé jouit du droit au sein de l’Eglise à recevoir les autres sacrements, à être nourri avec la Parole de Dieu et à être soutenu par les autres aides spirituelles de l’Eglise.
III. LA SPECIFICITE DU SACREMENT DE BAPTEME.
3.1. Le baptême par rapport aux autres sacrements
La grâce baptismale qui nous fait participer à la Pâques du Christ, à sa Mort et à sa Résurrection est le don de la vie divine, le don de l’Esprit. Comme telle elle n’est autre chose que la grâce sanctifiante dans sa totalité et dans sa plénitude. Rien ne lui manque, c’est une grâce suffisante qui réalise notre salut, notre divinisation et nous conduit jusqu’à la gloire. Toutes les autres grâces sacramentelles qui peuvent jalonner notre existence baptismale, découlent de la grâce baptismale et ne lui ajoutent rien si ce n’est une particularisation. La grâce baptismale est fondamentale. Toute grâce sacramentelle suppose la grâce baptismale. Elle est la toile de fond de toute l’existence chrétienne sur laquelle se greffent toutes les autres grâces sacramentelles.
A l’intérieur des sacrements de l’initiation chrétienne, la confirmation est l’achèvement et la plénitude du baptême, donnant à la grâce baptismale sa pleine stature.
L’eucharistie alimente le jour en jour la grâce baptismale, assurant sa croissance et insérant toujours plus profondément chaque baptisé dans le tissu de la communauté ecclésiale.
Le sacrement de la réconciliation est comme un auxiliaire du baptême, donnant aux baptisés de traverser de conversion en conversion les vicissitudes de leur existence pécheresse : il est le second baptême.
Le sacrement de l’onction des malades est administré aux baptisés malades pour les réconforter et les guérir.
Le mariage donne à deux baptisés à travers l’alliance d’amour qui les unit de se sanctifier mutuellement.
La grâce du sacrement de l’ordre fait d’un baptisé, revêtu du sacerdoce baptismal le serviteur de ses frères : c’est le sacerdoce ministériel
Le baptême comme – la confirmation et le sacerdoce – sont des sacrements qui ont un caractère indélébile.
3.2. Le baptême dans l’Eglise catholique par rapport aux autres confessions chrétiennes
Pour l’Eglise catholique, d’après tout ce qui précède, « le baptême est le sacrement de l’initiation chrétienne, qui libère l’homme du péché originel et du péché personnel, qui le fait fils de Dieu, l’incorpore au Christ en son mystère pascal et en fait un membre de l’Eglise. Il est donc la porte d’accès à une vie nouvelle, surnaturelle »[18].
« Personne, déclare Jésus à Nicodème, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3, 5). Ainsi le baptême est-il comme pratique identitaire de toutes les Eglises chrétiennes, depuis les catholiques jusqu’aux Témoins de Jéhovah.
Qu’en est-il du contenu respectif du sens du baptême ? Qu’en est-il des efforts œcuméniques pour les Eglises concernées par la question de l’œcuménisme ?
3.2.1. Le baptême dans l’Eglise d’Orient
En Orient, dans l’Eglise orthodoxe par exemple, le « mystère » du baptême est la participation à la mort et à la résurrection du Christ. Il permet de participer au renouvellement de la nature humaine par le Christ, but de l'incarnation de Dieu en homme. Ainsi, tout comme dans l’Eglise catholique, le baptême, dans l’Eglise orthodoxe, régénère, procure la vie spirituelle, nous purifie du péché et nous donne l’Esprit Saint qui apporte l’amour dans nos cœurs. Il fait entrer dans l’Eglise, qui est le Corps du Christ visible sur la terre. Il nous rend pleinement enfants de Dieu.
Depuis le IIIe siècle dans toute l'Eglise orthodoxe, le baptême se donne par immersion aux petits enfants dès leur 40e jour! Ce sacrement est tout de suite suivi de deux autres. D'abord la confirmation, par l'onction de Saint-Chrême, ensuite la première communion sous les deux espèces, avec des miettes de pain trempées dans le vin. Les orthodoxes font ainsi entrer le tout jeune enfant dans la "plénitude de la foi" (la totalité des données de l’adhésion au Christ).
Le baptême en Orient, chez les Orthodoxes en particulier, est tellement proche du baptême en Occident.
3.2.2. Le baptême dans les Eglises issues de la Réforme
Les Luthériens pensent que le baptême est l’instrument dont se sert l’Esprit de Dieu pour procurer la vie nouvelle et faire du pécheur un enfant de Dieu.
Pour les Eglises réformées (calvinisme), le baptême est une ordonnance, un rituel symbolique et un sceau de la foi dans le cœur de l’adulte.
Pour les Protestants en général, le baptême ne donne pas la grâce, mais il est le signe que la grâce de Dieu est donnée. Il est un rite d'entrée, d'accueil dans la vie, et dans la communauté ecclésiale.
3.2.3. Le baptême dans les autres confessions chrétiennes
Pour les Episcopaliens (les Anglicans, Anglo-catholiques), le baptême confère la nouvelle naissance spirituelle. Dans ce sens, il est nécessaire au salut.
Pour les méthodistes, le baptême n’est pas nécessaire au salut, puisqu’il n’est que le signe extérieur de l’appartenance à la communauté chrétienne.
Nous renvoyons au tableau en annexe pour avoir une vue générale sur la conception du baptême dans toutes les autres Eglises chrétiennes.
Après cette ouverture sur le baptême dans les différentes Eglises chrétiennes, il convient de dire que, du fait qu’il apparaît explicitement dans le Nouveau Testament, le baptême est un sacrement commun à toutes les Eglises chrétiennes. En effet, « il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep. 4, 5).
3.2.4. Le baptême au cœur de l’œcuménisme
Les Eglises orthodoxe, catholique et protestantes reconnaissent qu’elles ont un seul et même baptême même si les rites et les théologies diffèrent. Cette reconnaissance concerne ces confessions qui pratiquent le baptême par l’eau avec l’emploi de la formule trinitaire "au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Aussi, l’Eglise catholique reconnaît-elle la validité du baptême selon les rites orthodoxe, anglican et protestants (calvinistes et luthériens) et n’exige jamais un « re-baptême ». Il suffit, toutefois, que le baptême soit conforme au Droit canon quant à la matière (l’eau) et la forme (formule trinitaire) utilisées, de même que l’intention du baptisé adulte et du ministre qui a baptisé. « Par l'unique baptême, malgré nos divisions, nous sommes frères et sœurs dans le Christ. Cette réalité doit être reconnue et honorée et c'est le point de départ de l'engagement œcuménique »[19].
3.2.4.1. Vers un consensus œcuménique : Les accords de Lima
La théologie du baptême fait l’objet depuis 1982 d’un large consensus œcuménique. Le Conseil œcuménique des Eglises (COE)[20], par les accords de Lima sur Baptême, eucharistie et ministère a donné un nouveau regard sur la compréhension commune du baptême et la reconnaissance mutuelle de sa validité. « Le baptême est un acte qui ne peut être répété. Il faut éviter toute pratique qui pourrait être interprétée comme un « re-baptême », souligne le point 13 du texte de Lima.
Ainsi selon le texte de Lima[21], « Le baptême chrétien est fondé dans le ministère de Jésus de Nazareth, dans sa mort et sa résurrection. Il est incorporation au Christ, le Seigneur crucifié et ressuscité... Le baptême est un don de Dieu et il est conféré au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Saint Matthieu rapporte que le Seigneur ressuscité, en envoyant ses disciples dans le monde, leur ordonna de baptiser (Mt 28,18-20). La pratique universelle du baptême par l'Église apostolique, depuis les premiers jours, est attestée dans les lettres du Nouveau Testament, les Actes des Apôtres et les écrits des Pères. Les Églises aujourd'hui continuent cette pratique comme un rite d'engagement à l'égard du Seigneur, qui répand sa grâce sur son peuple. »[22] En outre le texte recommande, dans le cadre du service baptismal, qu’on donne une explication du sens du baptême, conformément à l'Écriture, à savoir que le baptême est participation à la mort et à la résurrection du Christ, il est conversion, pardon et purification, don de l'Esprit, incorporation dans le Corps du Christ et signe du Royaume[23].
3.2.4.2. La réflexion se poursuit
Il faut admettre que depuis le Concile Vatican II, l'œcuménisme avance à grands pas sur la question du baptême. Cependant il y a un point faible, reconnaît le P. Hervé Legrand, directeur de l'Institut supérieur d'études œcuméniques de Paris (ISEO): « nous ne sommes pas allés assez loin, dit-il, dans notre réflexion théologique et pastorale sur la signification ecclésiologique du baptême ... Nous devons essayer de remédier à cette déficience et ensemble nous interroger sur la place des baptisés dans l'Eglise, dans chacune de nos Eglises. »[24] En tout cas, dans l'Eglise catholique, estime le P. Legrand, les responsabilités des baptisés ne sont pas suffisamment honorées. Pourtant, il s'agit là d'un enjeu théologique et œcuménique d'importance.
Toutefois, il convient de reconnaître aussi que, même s'il y a encore quelques doutes sur la reconnaissance mutuelle du baptême, la plupart des Eglises mettent ce sacrement au cœur de l'existence chrétienne. Le baptême, en effet, crée l'identité du fidèle. Il le constitue comme membre d'une Eglise, avec des droits et des devoirs. Il n’y a qu’un seul baptême. La tunique du Christ peut bien se déchirer, son Esprit demeure unique.
CONCLUSION
En partant de la définition étymologique du mot Baptême, nous avons montré à travers la Bible que la traversée du Jourdain par laquelle le peuple de Dieu reçoit le don de la terre promise, est une préfiguration du Baptême. La promesse de cet héritage bienheureux s’accomplira dans la Nouvelle Alliance. Par rapport au Concile de Trente, Vatican II apportera des aspects novateurs, essentiellement sur les plans liturgique et ecclésiologique. La question du baptême est ainsi une question cruciale. Le salut, l’entrée dans le royaume de Dieu sont touchés du doigt. Aujourd’hui il faut reconnaître qu’un effort œcuménique est entrain d’être fait pour la reconnaissance et l’acceptation du baptême par toutes les confessions chrétiennes. Ainsi, pour la reconnaissance mutuelle du Baptême, les accords de Lima stipule que : « Les Eglises sont de plus en plus capables de reconnaître le baptême les unes des autres comme l’unique baptême du Christ, dans la mesure où Jésus Christ a été confessé comme Seigneur par le candidat(…)»[25].
ANNEXE :
Le baptême dans les différentes églises chrétiennes[26][]
Dénomination |
Enseignement concernant le baptême |
Type de baptême |
Baptême des petits enfants ? |
Le baptême régénère, procure la vie spirituelle |
Nécessaire pour l’effusion de la puissance de sanctification appelée Grâce, qui place l’homme sur le chemin du salut. |
Essentiellement par effusion. |
Oui |
Oui. |
|
Le « mystère » du baptême est la participation à la mort et à la résurrection du Christ. Il nous permet de participer au renouvellement de la nature humaine par le Christ. |
Par triple immersion, l’aspersion n’étant pratiquée qu’en cas d’urgence. |
Oui Ils reçoivent également la communion et le chrême (onction). |
Oui. |
|
Épiscopaliens (Anglicans, Anglo-Catholiques) |
Nécessaire au salut parce qu’il confère la nouvelle naissance spirituelle |
Par immersion ou effusion. |
Oui |
Oui. Sauf pour certaines tendances évangéliques. |
L’instrument dont se sert l’Esprit de Dieu pour procurer la vie nouvelle et faire du pécheur un enfant de Dieu. |
Par aspersion, immersion ou effusion. |
Oui |
Non. |
|
Méthodistes (Arminians, Wesleyans) |
Le baptême n’est pas nécessaire au salut, puisqu’il est le signe extérieur qu’on appartient à la communauté chrétienne. |
Par aspersion, immersion ou effusion. |
Oui. |
Non |
Ordonnance, rituel symbolique et sceau de la foi dans le cœur de l’adulte. |
Par aspersion, immersion ou effusion. |
Oui, pour indiquer que leurs parents chrétiens sont membres de la communauté de l’alliance. |
Non |
|
Pentecôtistes, Assemblées de Dieu, Charismatiques |
Le baptême d’eau est une ordonnance, un rituel symbolique par lequel on professe qu’on a accepté le Christ comme son Sauveur personnel. |
Par immersion. L’accent est mis sur la nécessité d’un « second » (deuxième) baptême, le baptême de l’Esprit qui se manifeste par le parler en langues. |
Non, mais les enfants sont présentés à Dieu, à qui on demande de les bénir. |
Non |
Ordonnance, rite symbolique qui n’est pas nécessaire au salut. Occasion donnée à un croyant de confesser sa foi personnelle en Christ |
Uniquement par immersion. |
Non. Le baptême est réservé à ceux qui sont assez âgés pour exprimer leur foi et attester qu’ils se sont convertis. Les enfants sont « dédiés » ou « présentés » à Dieu. |
Non |
|
Ordonnance divine et rituel symbolique. Signe qu’on a déjà trouvé le salut, mais qui lui-même n’est pas nécessaire au salut. |
Uniquement par immersion. |
Non. Le baptême est un acte de confession, accompli par une personne convertie capable de confesser sa foi. |
Non |
|
Ordonnance, rituel symbolique et sceau de la foi dans le cœur de l’adulte. |
Par aspersion, immersion ou effusion. |
Non. Le baptême est un acte de confession, accompli par une personne convertie capable de confesser sa foi. |
— |
|
Simple symbole extérieur qui n’a plus à être pratiqué. |
Ne croient pas dans le baptême d’eau, mais seulement en une purification intérieure permanente de l’esprit humain par une vie de discipline régie par le Saint-Esprit. |
— |
— |
|
Armée du Salut |
Ne pratiquent plus le baptême car estiment que le baptême ne devait être pratiqué qu’au temps de Jésus. |
— |
— |
— |
Églises unies diverses |
les églises unies réunissent plusieurs tendances, comme leur nom l'indique. La perception du baptême dépend donc du courant théologique |
Par aspersion. |
idem. Dans certains courants Le baptême est administré au moment de la confirmation. Les enfants sont « présentés » à la communauté ou « dédiés » à Dieu par leurs parents, parrains et marraines. |
— |
Alliance de prendre le nom du Christ, de se souvenir de lui, de garder ses commandements et de persévérer jusqu'à la fin. |
Baptême par immersion suivi du don du Saint-Esprit par imposition des mains administrés par quelqu’un détenant la prêtrise de Melchisédek. |
Non. Bénédiction paternelle (ou représentant) du nouveau-né. Baptême par immersion à partir de l'âge de responsabilité, 8 ans. |
Nouvelle naissance spirituelle. Présence constante du Saint-Esprit pour ceux qui obéissent aux commandements — |
|
Témoins de Jéhovah (Antitrinitaires) |
Nécessaire au salut, mais pas suffisant, puisqu’il n’est que le symbole du renoncement au péché. |
par immersion, mais non administré dans leurs lieux de réunion (Salles du Royaume) |
Non. |
— |
[1] Cf. Tertullien, Apologie du Christianisme, chapitre 18.
[2] Cf. Concile de Florence : DS 1314 ; CIC ; Can. 204, §1, 849, CCEO, Can. 675, §1
[3] Vocabulaire de Théologie Biblique, Cerf, Paris, 1995, p 110
[4] De bapt. ;1 ;5 ;7.
[5]De exhort . mart, 30, P.G, t. XI, col 600.
[6]I ere Apologie,61,10:éd. L. Pautigny, Paris, Picard, coll. << Hemmer-Lejay>>,1904,p. 130.
7 Epître de Barnabé, XI, 10-b (11), éd. Prigent, Paris, Ed. du Cerf, S.chr.172, 1971, p. 166-167. In Jean-Philippe Revel.
8 Traité du Saint-Esprit, chap.xv, numéro 35,éd .B. Pruche, Paris, Ed. du Cerf, S.chr. 17 bis,1968, p.368.
9 << Sacramentorum vis… valet plurimum…>>: Contre Fauste le Manichéen XIX,11:CSEL 25,vol.I, éd. Zychra, Viene, 1891,
[10] « Ex opere operato » veut dire que le salut dépend exclusivement de l’action de Dieu sans aucune causalité propre ni des choses qui sont les moyens , ni des hommes qui en sont les ministres ou les bénéficiaires.( Cf. Phillipe REVEL,p37).
[11] Mt 3,11.
[12] Rm6, 4.
[13] Ep5, 26
[14] Tt3, 4-5
[15] Rm10, 9
[16] 1 Co1, 17.
[17] Ac10, 48.
[18] Gervais Dumeige, La foi catholique, Textes doctrinaux du magistère de l’Eglise, Editions de l’orante, Paris,1993, p.381.
[19] ROME, Mardi 26 mai 2009 (ZENIT.org)
[20] Le Conseil œcuménique des Eglises (COE) est une communauté mondiale de 349 Eglises environ, en quête d’unité, de témoignage commun et de service chrétien.
[21] Ce texte de Lima représente les convergences théologiques significatives que Foi et Constitution a discernées et formulées. Pratiquement toutes les confessions traditionnelles sont incluses dans la participation à la Commission. Que des théologiens de traditions aussi fortement différentes puissent être capables de parler avec une telle harmonie sur le baptême, l'eucharistie et le ministère est un fait sans précédent dans le mouvement œcuménique moderne. Il faut noter avec une attention particulière le fait que la Commission comprend également parmi ses membres de plein droit des théologiens de l'Église catholique romaine et d'autres Églises qui n'appartiennent pas au Conseil œcuménique des Eglises lui-même.
Un groupe de séminaristes 2010-2011
[22] Cf. Foi et Constitution, Conseil œcuménique des Eglises, « Baptême, Eucharistie, Ministère », Convergence de la foi, Textes français établis par Fr Max THURIAN, version électronique du texte de Lima, 1982, n°1.
[23] Ibidem, n°21.
[24] Cf. Bernard Jouanno in Revue « La croix » du 06 mars 2002, colloque sur le baptême et les responsabilités des baptisés.
[25] Cf. Accords de LIMA N° 15
[26] Cf.www.wikipedia.fr, article « Baptême »