LA CONFIRMATION
Le sacrement de confirmation
Introduction
Au IVe siècle, au moment où l’arianisme était en tremplin, s’est levée à Milan une grande figure qui se révélera antagonisme de l’hérésie arienne. Il s’agit d’Ambroise, Père de l’Eglise. Autrefois gouverneur de Milan, il en devint évêque par un choix exceptionnel. Il impressionnera son Eglise par sa vie et ses enseignements portant entre autres sur l’ascétisme, la virginité consacrée et le mariage. Cependant, il ne saurait être question d’envisager ici en toute sa complexité la doctrine de Saint Ambroise. On s’efforcera seulement de scruter, à partir de ses œuvres, sa pensée sur le mariage. Aussi convient-il de ne pas y parvenir sans une brève situation dudit Père dans l’histoire afin de pouvoir au terme du présent travail jeter un regard critique et conséquent sur sa conception du mariage.
I-Situation
1-Vie de Saint Ambroise
Né à Trèves (Allemagne) vers 340 d’un père qui fut préfet de la Gaule, Ambroise eut une sœur Marceline qui reçut en 353 dans l’ancienne basilique Vaticane le voile des vierges des mains du Pape Libère et un frère Satyre. Après son étude de Droit Civile à Rome, il entra dans l'administration et, vers 370, fut nommé consulaire (gouverneur) romain de Ligurie et d'Émilie avec résidence à Milan. Ainsi Milan connut un gouverneur chaste, sobre, pieux, affable et surtout charitable. Venu assurer l'ordre lors d'élection épiscopale agitée, Ambroise fut élu évêque par acclamation populaire alors qu'il n'était encore que catéchumène. Baptisé et sacré évêque en huit jours, le 7 décembre 374, il s'adonna à l'étude du grec et de la théologie sous la direction du prêtre Simplicien[1]. Merveilleux orateur, administrateur hors pair et pasteur d’âme, il fut un très grand évêque. Sa production écrite est importante : il cherchait surtout à instruire ses fidèles et à réfuter l'arianisme qu'il combattit activement. Ambroise est connu comme un ami fidèle de sainte Monique, mère de saint Augustin d'Hippone dont il contribua à la conversion. En 390, il contraignit l'empereur Théodose Ier, empereur romain qui combattit le paganisme et sous le règne duquel le christianisme devint religion d'État, à une expiation publique pour avoir ordonné le massacre de sept mille personnes lors de l'insurrection de Thessalonique. C'était la première soumission de l'Empire romain face à l'Église. Ambroise mourut à Milan le 4 avril 397.
2- Le thème du mariage dans ses écrits
L’œuvre littéraire de Saint Ambroise est immense et diversifiée. Il a abordé entre autres, les domaines de l’exégèse, de la catéchèse, du dogme et a composé des hymnes encore en usage dans la liturgie.
Répertorions ici certains de ses écrits :
- De fide ad Gratianum Augustum (sur la foi, à Gratien Auguste )
- De Officiis Ministrorum (On the Offices of Ministers, an ecclesiastical handbook modeled on Cicero's De Officiis . [ 19 ] ) De Officiis Ministrorum (sur les bureaux des ministres, un manuel ecclésiastique sur le modèle de Cicéron De Officiis .)
- De Spiritu Sancto (On the Holy Ghost) De Spiritu Sancto (Sur le Saint-Esprit)
- De incarnationis Dominicae sacramento (On the Sacrament of the Incarnation of the Lord) De Incarnationis Dominicae Sacramento (sur le sacrement de l'Incarnation du Seigneur)
- De mysteriis (On the Mysteries) De Mysteriis (Sur les Mystères)
- Expositio evangelii secundum Lucam (Commentary on the Gospel according to Luke) Expositio Evangelii secundum Lucam (Commentaire sur l'Evangile selon Saint Luc)
- Ethical works: De bono mortis (Death as a Good); De fuga saeculi (Flight From the World); De institutione virginis et sanctae Mariae virginitate perpetua ad Eusebium (On the Birth of the Virgin and the Perpetual Virginity of Mary); De Nabuthae (On Naboth); De paenitentia (On Repentance); De paradiso (On Paradise); De sacramentis (On the Sacraments); De viduis (On Widows); De virginibus (On Virgins); De virginitate (On Virginity); Exhortatio virginitatis (Exhortation to Virginity); De sacramento regenerationis sive de philosophia (On the Sacrament of Rebirth, or, On Philosophy [fragments]) Œuvres d'éthique: De bono mortis (Sur la bonne mort); saeculi fuga (fuite du monde); De institutione virginis et Sanctae Mariae virginitate perpetua ad Eusebium (Sur la naissance de la Vierge et la virginité perpétuelle de Marie); De Nabuthae (Sur Naboth); De paenitentia (Le Repentir); De paradiso (Le Paradis); sacramentis (sur les sacrements); De viduis (sur les veuves); De virginibus (Sur Vierges); De virginitate (la virginité); virginitatis Exhortatio (Exhortation à la virginité); de Sacramento regenerationis sive de philosophia (Sur le sacrement de la Renaissance, ou sur la philosophie [fragments])
- Homiletic commentaries on the Old Testament : the Hexaemeron (Six Days of Creation); De Helia et ieiunio (On Elijah and Fasting); De Iacob et vita beata (On Jacob and the Happy Life); De Abraham ; De Cain et Abel ; De Ioseph (Joseph); De Isaac vel anima (On Isaac, or The Soul); De Noe (Noah); De interpellatione Iob et David (On the Prayer of Job and David); De patriarchis (On the Patriarchs); De Tobia (Tobit); Explanatio psalmorum (Explanation of the Psalms ); Explanatio symboli (Commentary on the Symbol). Commentaires sur l'homilétique de l'Ancien Testament : l' Hexaemeron (six jours de création); De Helia et ieiunio (sur Elie et le jeûne); De Iacob et vita beata (Sur Jacob et la vie bienheureuse); De Abraham ; De Cain et Abel; De Ioseph (Joseph); De Isaac vel anima (Sur Isaac, ou l'âme); De Noe (Noah); De interpellatione Iob et David (sur la prière de Job et de David); patriarchis De (Sur les Patriarches); De Tobia ( Tobie); Psalmorum Explanatio (Explication des Psaumes ); symboliquement Explanatio (Commentaire sur le symbole).
- De obitu Theodosii ; De obitu Valentiniani ; De excessu fratris Satyri (funeral orations) De obitu Theodosii; De obitu Valentiniani; De excessu fratris Satyri (oraisons funèbres)
Saint Ambroise n’a consacré aucune de ses œuvres au thème de mariage. Cependant précisons que le thème du mariage est présent dans sa littérature. Il l’aborde dans ses écrits sur la virginité : De viduis (Sur les veuves); De virginibus (Sur Vierges); De virginitate (La virginité); virginitatis Exhortatio (Exhortation à la virginité). Le thème du mariage, loin d’être explicite dans les écrits d’Ambroise, fut l’objet d’une analyse dans une visée apologétique de la virginité.
2- La conception du mariage au temps d’Ambroise
Pour une meilleure compréhension de la pensée d’Ambroise sur le mariage, il ne sera pas inutile de rappeler l’idée qu’on en a fait à cette époque. Jusqu’au IVe siècle, le mariage était toujours défini comme association de deux personnes d’inégale valeur sociale établie en vue de la bonne gestion d’un patrimoine et de la procréation.
En effet fidèle à la civilisation gréco-romaine, l’homme choisit son épouse mais à la femme, le père choisit un mari. Ils fondent alors une communauté qui n’est pas forcément basée sur l’amour mutuel. Aussi le mariage se voulait-il une union essentiellement monogamique car la polygamie était officiellement interdite par législation gréco-romaine[2].
Au-delà de cette considération, soulignons qu’à cette époque sévit une grande influence du platonisme dualiste qui oppose matière et esprit en tenant en suspicion tout ce qui est charnel. Il constituerait un pré requis à l’option pour la virginité.
II- Vision du mariage chez Ambroise
1-Notions : les diverses dénominations du mariage au temps d’Ambroise
En latin plusieurs noms sont utilisés pour désigner le mariage :
- Conjugium (cum jugere) parce que le mariage unit l’homme et la femme en les mettant, pour ainsi dire, sous un même joug. Ils sont en effet astreints aux mêmes devoirs et jouissent des mêmes droits fondamentaux ;
- Consortium (cum sors) parce que le mariage est une communauté très étroite de destin, liant l’homme et la femme, corps et âme, pour le meilleur et pour le pire ;
- Nuptiae, noces, qui vient de « nubere » (voiles), d’où le nom de « connubium » parce que dans la cérémonie où la femme doit être prise par l’homme pour épouse, celle-ci avait la tête couverte d’un voile, le flammeum.
- Matrimonium (matris monium) qui dérive de « mater=mère » et indiquerait soit la fin principale du mariage qu’est la procréation, soit le rôle le plus important que joue la mère auprès de l’enfant.[3]
2-Mariage et virginité
Saint Ambroise n’a pas moins de cinq traités sur la virginité et la continence. L’éloquence avec laquelle il en disserte lui a valu le titre de Docteur de la virginité.
Pour lui, le mariage est digne d’estime et est d’une grande nécessité pour la
famille ou la société dont il constitue la cellule fondatrice. Ainsi l’évêque
de Milan voit en la procréation l’unique motif pour lequel la femme fut donnée comme
aide à l’homme. Le mariage est donc la source de la vie humaine voulu par
le Créateur qui l’a institué et l’a béni dès l’origine du monde.
C’est ainsi que l’homme ne reçoit l’éloge sans la femme. Par ailleurs, interprétant la référence biblique suivante : « il n’est pas bon que l’homme soit seul.
Faisons une aide semblable à lui »[4] comme l’affirmation divine de la bonté du genre humain c’est-à-dire le sexe féminin une fois uni au masculin[5], Ambroise asserte que l’attachement de l’homme à son épouse, pour être tous deux en une même chair, est l’image de l’union du Christ et de son Eglise.
Cependant, Ambroise n’hésite pas à proclamer la supériorité de la virginité sur le mariage. En effet le mariage est honorable, disait-il, mais la continence plus estimable encore. Sans doute, ce qui est bon ne fait pas l’objet d’interdiction ; mais ce qui est parfait mérite d’être préféré. Le mariage est digne d’estime, la continence est digne d’un plus haut honneur[6]. S’il est vrai qu’il ne fallait pas interdire ce qui est bon, mais préférer ce qui est plus parfait, alors sans proscrire le bien, on peut faire le choix du mieux. Ainsi bien que la beauté de la virginité est immatérielle, l’âge ne l’effaçant pas, la maladie ne pouvant pas l’atteindre, ni la mort la détruire[7], celui qui marie sa fille fait bien mais celui qui ne la marie pas fait mieux encore. Comme quoi, Ambroise laisse la liberté de vocation à celui ou celle qui a le devoir de répondre à sa vocation tout en lui proposant d’opter pour la virginité consacrée[8]. Car serait-il mieux convaincu que la vie virginale est une liberté, et qu’en lui donnant des ailes de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, l’âme est affranchie de la triple convoitise de l’ambition, du sensualisme et de l’orgueil[9] ?
3 L’indissolubilité du mariage
Saint Ambroise, sans parler spécialement du cas de l’adultère, désapprouve d’une manière absolue tout divorce en ces termes :"Qui dimittit uxorem carnem suam scindit" c’est –à-dire "Qui se sépare de sa femme scinde sa propre chair". Que ce soit à cause de l’infidélité, de la stérilité ou bien d’autres raisons, la répudiation serait à proscrire. Aussi le mariage de la femme répudiée, bien que permis par la loi impériale, doit être regardé comme un adultère[10].
4- Les secondes noces
Ambroise a abordé la question dans son traité « De viduis » consacré aux veuves. Pour lui, l’état de viduité est largement préférable à un second mariage. En effet le respect qu’Ambroise a pour le mariage religieux ne l’empêche pas d’en signaler les souillures, les tristesses et les trahisons. De ce fait il n’encourage pas le remariage ou les secondes noces. Il les présente comme une forme d’esclavage où à cause de l’âge l’affection est tiède, le caractère plus roide, la concorde plus difficile et l’âme plus rebelle à prendre une forme nouvelle[11]. Raison pour laquelle Ambroise préconisera plutôt la viduité qui conduit à l’amour des pauvres, à l’amour de la famille et finalement à l’amour de Dieu. Ces trois formes d’amour constituent la consolation et l’honneur de la viduité. Dans le même ordre d’idée, il allèguera que la mort d’un conjoint libère l’époux vivant qui devrait trouver là une excellente occasion de se consacrer
tout entier à Dieu. Et pour persuader définitivement, il procède à une série d’interrogations pertinentes : ce que la loi vous permet, l’âge vous le conseille-t-il ?
Verra-t-on d’un bon œil une mère faire des apprêts de ses noces pendant ou même après les noces de sa fille ? Le fait de se remarier n’arrache-t-il pas une mère à l’affection des ses enfants qui deviennent par là même plus orphelins ?
Du fait, les secondes noces n’était ni encouragées ni interdites à cette époque ; car bien que tous les Pères latins à l’exception de Tertullien se montrent peu favorables au remariage des veufs et des veuves, sa célébration reste licite et valide. Et Ambroise lui-même, tout en proclamant la supériorité du veuvage chrétien, n’attend pas le présenter ni le prescrire comme une loi[12]
5 – Mariage comme sacrement
Il est habituel aux écrivains latins et grecs de désigner le mariage par des mots qui indiquent un acte religieux :"tuein gamon, sacrum nuptiale". Dans l’ancienne littérature, au lieu de désigner le mariage par son terme particulier "gamos", on le désignait simplement par le mot "télos" qui signifie cérémonie sacrée comme si le mariage avait toujours été la cérémonie sacrée par excellence. Cette réalité n’est pas différente de la pensée d’Ambroise pour qui le mariage est considéré comme un acte de l’Eglise, comme un "sacrement". Il est, de ce fait, soumis à la surveillance de l’Eglise et entouré par elle de cérémonies accomplies par l’Evêque ou le prêtre : imposition du voile à la femme, bénédiction, jonction des mains etc. Toutefois il ne faudrait pas s’attendre à trouver sous la plume des Pères en l’occurrence de Saint Ambroise l’affirmation explicite que le mariage est un sacrement au sens strict du terme.
III- Regard critique
Beaucoup de critiques accusent Saint Ambroise, comme bon nombre de Pères, de n’évoquer le mariage que pour valoriser la virginité. Affaiblir ainsi les opinions des Pères de l'Église sur ce sujet à partir des points de vue et des besoins pastoraux de notre catholicisme contemporain, n’est pas juste. La probité intellectuelle impose un devoir de recadrage contextuel (selon le temps et les mentalités) de ces textes patristiques avant tout jugement. Alors c’est avec retenu que nous nous permettons d’ébaucher ici quelques critiques.
3.1 Sur le rapport virginité-mariage
Dans son ardeur à prêcher à raison la supériorité de la virginité sur le mariage, Saint Ambroise semble se laisser aller à tord à déprécier le mariage en le concevant comme un lien qui empêche de s’élever à Dieu. En effet le Christ est le centre de toute vie chrétienne et le lien avec Lui doit prendre la première place devant tous les autres liens tant familiaux que sociaux[13]. Mais de là, dénigrer le mariage laisse à désirer.
Cela revient d’ailleurs à amoindrir la gloire de la virginité puisque ce qui ne paraît un bien que par comparaison avec un mal ne peut être vraiment un bien, et que le meilleur des biens incontestés est le bien par excellence.[14]Pis encore, laisser apparaitre une éventuelle condamnation du mariage rimerait à une condamnation de la vie elle-même, à une ingratitude envers ceux qui nous ont engendrés et à une rupture avec la société voire avec la nature. Toutefois tel n’est pas le cas d’Ambroise sinon de quelle manière espérerait-il voir le nombre des vierges augmenter si quelques unes au moins ne se marient ? Comment serait-il capable d’affirmer en même temps l’existence d’une place et du salut dans l’Eglise pour tous c’est-à-dire vierges, veuves et gens mariés ?
Passons à présent des considérations théoriques à la pratique. Si on compare non plus les états dans l’abstrait, mais les personnes dans le concret, l’on trouvera certes, des vierges, des célibataires plus saints que des gens engagés dans le mariage, mais souvent aussi telle mère de famille plus élevée en charité que telle moniale, tel homme marié plus digne d’être imité que tel religieux. Car il ne faut pas se faire illusion .Ce qui mesure en définitive la valeur spirituelle de chaque personne, ce n’est pas seulement la grâce qui lui est accordée, la vocation particulière à laquelle elle a été appelée, c’est également, et avant tout, la manière dont elle coopère à cette grâce, et répond à cette vocation.[15]
3.2 Sur la procréation comme l’unique motif du mariage
Ambroise pense également que si la femme a été donnée en aide à l’homme, c’est en vue
de la procréation ; et pourtant il sait à l’occasion dire des paroles justes et délicates au sujet de
l’amour des époux entre eux. De fait dans ce domaine, il ne fait que s’inscrire dans la manière de voir de la société et de la culture auxquelles il appartient. Et pourtant l’orthodoxie veut du mariage une communauté d’amour orientée vers l’achèvement spécifique et le perfectionnement des époux. Ainsi « les époux auxquels
Dieu n’a pas donné d’avoir des enfants peuvent néanmoins avoir une vie conjugale pleine de sens, humainement et chrétiennement » (cf. CEC, n°1654).
Le mariage doit donc être ouvert à la procréation qui ne peut constituer en aucune manière le motif principal d’un lien matrimonial. Au cas contraire, les couples sans enfants risquent de n’avoir plus droit de citer et d’être voués au divorce.
3.3 Sur le refus de probables secondes noces.
Saint Paul, dans sa première épitre à Timothée a jugé bon d’imposer le remariage aux jeunes veuves : « je veux donc que les jeunes veuves se remarient… » (1Tm 5, 14) et il en expose les raisons qui ne manquent point de convaincre. Saint Ambroise,
quant à lui, déconseillait les secondes noces et le questionnaire qu’il constitua à cet effet laisse croire que le mariage est une erreur, une défection de l’amour de Dieu.
Ainsi la mort du conjoint est une providence, une libération, une occasion en or pour régulariser une situation inconfortable. Mais au fait, n’est-ce pas là un jugement trop rapide ? En réalité nous ne saurions pas le culpabiliser si nous considérons la conception erronée de la finalité du mariage à son époque. Aussi la viduité avait-elle déjà sa place d’honneur dans l’organisation du service charitable de la primitive Eglise comme l’atteste saint Paul. En plus, il ne serait pas inutile de rappeler que la philosophie qui était en vogue est le platonisme dualiste qui tourne volontiers à l’angélisme. Fort heureusement que cette question n’a plus droit de citer de nos jours.
Conclusion
Devenu évêque alors que rien ne l’y prédestinait, Saint Ambroise a su rendre judicieuse et providentielle son élection par une vie exemplaire et par son apport considérable à l’enseignement des Pères de l’Eglise. La flamme de la sainteté qui brûlait en lui, à une époque où la porte de la sanctification était soit le martyre ou la virginité, lui a donné l’audace de fustiger les mœurs relâchées de son temps en clamant haut l’importance de la virginité. Quoi que ses positions se fussent légèrement penchées vers une certaine dévaluation pour ainsi dire du mariage, il n’en laisse pas moins de précieuses informations pour l’histoire sur le mariage et les conditions qui l’enserrent. Sa vie de témoignage a parlé plus que ses écrits et ses excès. Aussi est-il pour nous un modèle incontestable de la chasteté aujourd’hui.
[1] Cet Abbé Simplicien sera plus tard le successeur d’Ambroise sur le siège épiscopal de Milan
[2] En 285, une loi e Dioclétien et Maximien interdit la polygamie à tout sujet de l’empire romain sans exception. Elle n’était non plus pratiquée chez les barbares. Cf.P. Adnès, LeMariage, Desclé, 1963, p 68, note 2
[3] Cf. Saint Ambroise, De Abraham, I, 9, 93. PL14, 477
[4] Cf. Gn2, 18
[5] Ambroise de Milan, mariage et Virginité, p.11
[6] BAUNARD, Histoire de Saint Ambroise, p.115.
[7] Mgr BAUNARD, Histoire de Saint Ambroise, p.122
[8] Idem, p.125.
[9] Idem, p.128.
[10] F. BAUDRY, art. Divatium, in Dictionnaire des antiquités grecque et romaine, sous la direction de DAREMBERG-SAGLIO, pp 319-332
[11] Idem, p116.
[12] Idem, p.115
[13] Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1617
[14] Saint Jean Chrysostome, Virginité, 10,1
[15] ADNES Pierre, Le mariage, p.204
Introduction
Au IVe siècle, au moment où l’arianisme était en tremplin, s’est levée à Milan une grande figure qui se révélera antagonisme de l’hérésie arienne. Il s’agit d’Ambroise, Père de l’Eglise. Autrefois gouverneur de Milan, il en devint évêque par un choix exceptionnel. Il impressionnera son Eglise par sa vie et ses enseignements portant entre autres sur l’ascétisme, la virginité consacrée et le mariage. Cependant, il ne saurait être question d’envisager ici en toute sa complexité la doctrine de Saint Ambroise. On s’efforcera seulement de scruter, à partir de ses œuvres, sa pensée sur le mariage. Aussi convient-il de ne pas y parvenir sans une brève situation dudit Père dans l’histoire afin de pouvoir au terme du présent travail jeter un regard critique et conséquent sur sa conception du mariage.
I-Situation
1-Vie de Saint Ambroise
Né à Trèves (Allemagne) vers 340 d’un père qui fut préfet de la Gaule, Ambroise eut une sœur Marceline qui reçut en 353 dans l’ancienne basilique Vaticane le voile des vierges des mains du Pape Libère et un frère Satyre. Après son étude de Droit Civile à Rome, il entra dans l'administration et, vers 370, fut nommé consulaire (gouverneur) romain de Ligurie et d'Émilie avec résidence à Milan. Ainsi Milan connut un gouverneur chaste, sobre, pieux, affable et surtout charitable. Venu assurer l'ordre lors d'élection épiscopale agitée, Ambroise fut élu évêque par acclamation populaire alors qu'il n'était encore que catéchumène. Baptisé et sacré évêque en huit jours, le 7 décembre 374, il s'adonna à l'étude du grec et de la théologie sous la direction du prêtre Simplicien[1]. Merveilleux orateur, administrateur hors pair et pasteur d’âme, il fut un très grand évêque. Sa production écrite est importante : il cherchait surtout à instruire ses fidèles et à réfuter l'arianisme qu'il combattit activement. Ambroise est connu comme un ami fidèle de sainte Monique, mère de saint Augustin d'Hippone dont il contribua à la conversion. En 390, il contraignit l'empereur Théodose Ier, empereur romain qui combattit le paganisme et sous le règne duquel le christianisme devint religion d'État, à une expiation publique pour avoir ordonné le massacre de sept mille personnes lors de l'insurrection de Thessalonique. C'était la première soumission de l'Empire romain face à l'Église. Ambroise mourut à Milan le 4 avril 397.
2- Le thème du mariage dans ses écrits
L’œuvre littéraire de Saint Ambroise est immense et diversifiée. Il a abordé entre autres, les domaines de l’exégèse, de la catéchèse, du dogme et a composé des hymnes encore en usage dans la liturgie.
Répertorions ici certains de ses écrits :
- De fide ad Gratianum Augustum (sur la foi, à Gratien Auguste )
- De Officiis Ministrorum (On the Offices of Ministers, an ecclesiastical handbook modeled on Cicero's De Officiis . [ 19 ] ) De Officiis Ministrorum (sur les bureaux des ministres, un manuel ecclésiastique sur le modèle de Cicéron De Officiis .)
- De Spiritu Sancto (On the Holy Ghost) De Spiritu Sancto (Sur le Saint-Esprit)
- De incarnationis Dominicae sacramento (On the Sacrament of the Incarnation of the Lord) De Incarnationis Dominicae Sacramento (sur le sacrement de l'Incarnation du Seigneur)
- De mysteriis (On the Mysteries) De Mysteriis (Sur les Mystères)
- Expositio evangelii secundum Lucam (Commentary on the Gospel according to Luke) Expositio Evangelii secundum Lucam (Commentaire sur l'Evangile selon Saint Luc)
- Ethical works: De bono mortis (Death as a Good); De fuga saeculi (Flight From the World); De institutione virginis et sanctae Mariae virginitate perpetua ad Eusebium (On the Birth of the Virgin and the Perpetual Virginity of Mary); De Nabuthae (On Naboth); De paenitentia (On Repentance); De paradiso (On Paradise); De sacramentis (On the Sacraments); De viduis (On Widows); De virginibus (On Virgins); De virginitate (On Virginity); Exhortatio virginitatis (Exhortation to Virginity); De sacramento regenerationis sive de philosophia (On the Sacrament of Rebirth, or, On Philosophy [fragments]) Œuvres d'éthique: De bono mortis (Sur la bonne mort); saeculi fuga (fuite du monde); De institutione virginis et Sanctae Mariae virginitate perpetua ad Eusebium (Sur la naissance de la Vierge et la virginité perpétuelle de Marie); De Nabuthae (Sur Naboth); De paenitentia (Le Repentir); De paradiso (Le Paradis); sacramentis (sur les sacrements); De viduis (sur les veuves); De virginibus (Sur Vierges); De virginitate (la virginité); virginitatis Exhortatio (Exhortation à la virginité); de Sacramento regenerationis sive de philosophia (Sur le sacrement de la Renaissance, ou sur la philosophie [fragments])
- Homiletic commentaries on the Old Testament : the Hexaemeron (Six Days of Creation); De Helia et ieiunio (On Elijah and Fasting); De Iacob et vita beata (On Jacob and the Happy Life); De Abraham ; De Cain et Abel ; De Ioseph (Joseph); De Isaac vel anima (On Isaac, or The Soul); De Noe (Noah); De interpellatione Iob et David (On the Prayer of Job and David); De patriarchis (On the Patriarchs); De Tobia (Tobit); Explanatio psalmorum (Explanation of the Psalms ); Explanatio symboli (Commentary on the Symbol). Commentaires sur l'homilétique de l'Ancien Testament : l' Hexaemeron (six jours de création); De Helia et ieiunio (sur Elie et le jeûne); De Iacob et vita beata (Sur Jacob et la vie bienheureuse); De Abraham ; De Cain et Abel; De Ioseph (Joseph); De Isaac vel anima (Sur Isaac, ou l'âme); De Noe (Noah); De interpellatione Iob et David (sur la prière de Job et de David); patriarchis De (Sur les Patriarches); De Tobia ( Tobie); Psalmorum Explanatio (Explication des Psaumes ); symboliquement Explanatio (Commentaire sur le symbole).
- De obitu Theodosii ; De obitu Valentiniani ; De excessu fratris Satyri (funeral orations) De obitu Theodosii; De obitu Valentiniani; De excessu fratris Satyri (oraisons funèbres)
Saint Ambroise n’a consacré aucune de ses œuvres au thème de mariage. Cependant précisons que le thème du mariage est présent dans sa littérature. Il l’aborde dans ses écrits sur la virginité : De viduis (Sur les veuves); De virginibus (Sur Vierges); De virginitate (La virginité); virginitatis Exhortatio (Exhortation à la virginité). Le thème du mariage, loin d’être explicite dans les écrits d’Ambroise, fut l’objet d’une analyse dans une visée apologétique de la virginité.
2- La conception du mariage au temps d’Ambroise
Pour une meilleure compréhension de la pensée d’Ambroise sur le mariage, il ne sera pas inutile de rappeler l’idée qu’on en a fait à cette époque. Jusqu’au IVe siècle, le mariage était toujours défini comme association de deux personnes d’inégale valeur sociale établie en vue de la bonne gestion d’un patrimoine et de la procréation.
En effet fidèle à la civilisation gréco-romaine, l’homme choisit son épouse mais à la femme, le père choisit un mari. Ils fondent alors une communauté qui n’est pas forcément basée sur l’amour mutuel. Aussi le mariage se voulait-il une union essentiellement monogamique car la polygamie était officiellement interdite par législation gréco-romaine[2].
Au-delà de cette considération, soulignons qu’à cette époque sévit une grande influence du platonisme dualiste qui oppose matière et esprit en tenant en suspicion tout ce qui est charnel. Il constituerait un pré requis à l’option pour la virginité.
II- Vision du mariage chez Ambroise
1-Notions : les diverses dénominations du mariage au temps d’Ambroise
En latin plusieurs noms sont utilisés pour désigner le mariage :
- Conjugium (cum jugere) parce que le mariage unit l’homme et la femme en les mettant, pour ainsi dire, sous un même joug. Ils sont en effet astreints aux mêmes devoirs et jouissent des mêmes droits fondamentaux ;
- Consortium (cum sors) parce que le mariage est une communauté très étroite de destin, liant l’homme et la femme, corps et âme, pour le meilleur et pour le pire ;
- Nuptiae, noces, qui vient de « nubere » (voiles), d’où le nom de « connubium » parce que dans la cérémonie où la femme doit être prise par l’homme pour épouse, celle-ci avait la tête couverte d’un voile, le flammeum.
- Matrimonium (matris monium) qui dérive de « mater=mère » et indiquerait soit la fin principale du mariage qu’est la procréation, soit le rôle le plus important que joue la mère auprès de l’enfant.[3]
2-Mariage et virginité
Saint Ambroise n’a pas moins de cinq traités sur la virginité et la continence. L’éloquence avec laquelle il en disserte lui a valu le titre de Docteur de la virginité.
Pour lui, le mariage est digne d’estime et est d’une grande nécessité pour la
famille ou la société dont il constitue la cellule fondatrice. Ainsi l’évêque
de Milan voit en la procréation l’unique motif pour lequel la femme fut donnée comme
aide à l’homme. Le mariage est donc la source de la vie humaine voulu par
le Créateur qui l’a institué et l’a béni dès l’origine du monde.
C’est ainsi que l’homme ne reçoit l’éloge sans la femme. Par ailleurs, interprétant la référence biblique suivante : « il n’est pas bon que l’homme soit seul.
Faisons une aide semblable à lui »[4] comme l’affirmation divine de la bonté du genre humain c’est-à-dire le sexe féminin une fois uni au masculin[5], Ambroise asserte que l’attachement de l’homme à son épouse, pour être tous deux en une même chair, est l’image de l’union du Christ et de son Eglise.
Cependant, Ambroise n’hésite pas à proclamer la supériorité de la virginité sur le mariage. En effet le mariage est honorable, disait-il, mais la continence plus estimable encore. Sans doute, ce qui est bon ne fait pas l’objet d’interdiction ; mais ce qui est parfait mérite d’être préféré. Le mariage est digne d’estime, la continence est digne d’un plus haut honneur[6]. S’il est vrai qu’il ne fallait pas interdire ce qui est bon, mais préférer ce qui est plus parfait, alors sans proscrire le bien, on peut faire le choix du mieux. Ainsi bien que la beauté de la virginité est immatérielle, l’âge ne l’effaçant pas, la maladie ne pouvant pas l’atteindre, ni la mort la détruire[7], celui qui marie sa fille fait bien mais celui qui ne la marie pas fait mieux encore. Comme quoi, Ambroise laisse la liberté de vocation à celui ou celle qui a le devoir de répondre à sa vocation tout en lui proposant d’opter pour la virginité consacrée[8]. Car serait-il mieux convaincu que la vie virginale est une liberté, et qu’en lui donnant des ailes de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, l’âme est affranchie de la triple convoitise de l’ambition, du sensualisme et de l’orgueil[9] ?
3 L’indissolubilité du mariage
Saint Ambroise, sans parler spécialement du cas de l’adultère, désapprouve d’une manière absolue tout divorce en ces termes :"Qui dimittit uxorem carnem suam scindit" c’est –à-dire "Qui se sépare de sa femme scinde sa propre chair". Que ce soit à cause de l’infidélité, de la stérilité ou bien d’autres raisons, la répudiation serait à proscrire. Aussi le mariage de la femme répudiée, bien que permis par la loi impériale, doit être regardé comme un adultère[10].
4- Les secondes noces
Ambroise a abordé la question dans son traité « De viduis » consacré aux veuves. Pour lui, l’état de viduité est largement préférable à un second mariage. En effet le respect qu’Ambroise a pour le mariage religieux ne l’empêche pas d’en signaler les souillures, les tristesses et les trahisons. De ce fait il n’encourage pas le remariage ou les secondes noces. Il les présente comme une forme d’esclavage où à cause de l’âge l’affection est tiède, le caractère plus roide, la concorde plus difficile et l’âme plus rebelle à prendre une forme nouvelle[11]. Raison pour laquelle Ambroise préconisera plutôt la viduité qui conduit à l’amour des pauvres, à l’amour de la famille et finalement à l’amour de Dieu. Ces trois formes d’amour constituent la consolation et l’honneur de la viduité. Dans le même ordre d’idée, il allèguera que la mort d’un conjoint libère l’époux vivant qui devrait trouver là une excellente occasion de se consacrer
tout entier à Dieu. Et pour persuader définitivement, il procède à une série d’interrogations pertinentes : ce que la loi vous permet, l’âge vous le conseille-t-il ?
Verra-t-on d’un bon œil une mère faire des apprêts de ses noces pendant ou même après les noces de sa fille ? Le fait de se remarier n’arrache-t-il pas une mère à l’affection des ses enfants qui deviennent par là même plus orphelins ?
Du fait, les secondes noces n’était ni encouragées ni interdites à cette époque ; car bien que tous les Pères latins à l’exception de Tertullien se montrent peu favorables au remariage des veufs et des veuves, sa célébration reste licite et valide. Et Ambroise lui-même, tout en proclamant la supériorité du veuvage chrétien, n’attend pas le présenter ni le prescrire comme une loi[12]
5 – Mariage comme sacrement
Il est habituel aux écrivains latins et grecs de désigner le mariage par des mots qui indiquent un acte religieux :"tuein gamon, sacrum nuptiale". Dans l’ancienne littérature, au lieu de désigner le mariage par son terme particulier "gamos", on le désignait simplement par le mot "télos" qui signifie cérémonie sacrée comme si le mariage avait toujours été la cérémonie sacrée par excellence. Cette réalité n’est pas différente de la pensée d’Ambroise pour qui le mariage est considéré comme un acte de l’Eglise, comme un "sacrement". Il est, de ce fait, soumis à la surveillance de l’Eglise et entouré par elle de cérémonies accomplies par l’Evêque ou le prêtre : imposition du voile à la femme, bénédiction, jonction des mains etc. Toutefois il ne faudrait pas s’attendre à trouver sous la plume des Pères en l’occurrence de Saint Ambroise l’affirmation explicite que le mariage est un sacrement au sens strict du terme.
III- Regard critique
Beaucoup de critiques accusent Saint Ambroise, comme bon nombre de Pères, de n’évoquer le mariage que pour valoriser la virginité. Affaiblir ainsi les opinions des Pères de l'Église sur ce sujet à partir des points de vue et des besoins pastoraux de notre catholicisme contemporain, n’est pas juste. La probité intellectuelle impose un devoir de recadrage contextuel (selon le temps et les mentalités) de ces textes patristiques avant tout jugement. Alors c’est avec retenu que nous nous permettons d’ébaucher ici quelques critiques.
3.1 Sur le rapport virginité-mariage
Dans son ardeur à prêcher à raison la supériorité de la virginité sur le mariage, Saint Ambroise semble se laisser aller à tord à déprécier le mariage en le concevant comme un lien qui empêche de s’élever à Dieu. En effet le Christ est le centre de toute vie chrétienne et le lien avec Lui doit prendre la première place devant tous les autres liens tant familiaux que sociaux[13]. Mais de là, dénigrer le mariage laisse à désirer.
Cela revient d’ailleurs à amoindrir la gloire de la virginité puisque ce qui ne paraît un bien que par comparaison avec un mal ne peut être vraiment un bien, et que le meilleur des biens incontestés est le bien par excellence.[14]Pis encore, laisser apparaitre une éventuelle condamnation du mariage rimerait à une condamnation de la vie elle-même, à une ingratitude envers ceux qui nous ont engendrés et à une rupture avec la société voire avec la nature. Toutefois tel n’est pas le cas d’Ambroise sinon de quelle manière espérerait-il voir le nombre des vierges augmenter si quelques unes au moins ne se marient ? Comment serait-il capable d’affirmer en même temps l’existence d’une place et du salut dans l’Eglise pour tous c’est-à-dire vierges, veuves et gens mariés ?
Passons à présent des considérations théoriques à la pratique. Si on compare non plus les états dans l’abstrait, mais les personnes dans le concret, l’on trouvera certes, des vierges, des célibataires plus saints que des gens engagés dans le mariage, mais souvent aussi telle mère de famille plus élevée en charité que telle moniale, tel homme marié plus digne d’être imité que tel religieux. Car il ne faut pas se faire illusion .Ce qui mesure en définitive la valeur spirituelle de chaque personne, ce n’est pas seulement la grâce qui lui est accordée, la vocation particulière à laquelle elle a été appelée, c’est également, et avant tout, la manière dont elle coopère à cette grâce, et répond à cette vocation.[15]
3.2 Sur la procréation comme l’unique motif du mariage
Ambroise pense également que si la femme a été donnée en aide à l’homme, c’est en vue
de la procréation ; et pourtant il sait à l’occasion dire des paroles justes et délicates au sujet de
l’amour des époux entre eux. De fait dans ce domaine, il ne fait que s’inscrire dans la manière de voir de la société et de la culture auxquelles il appartient. Et pourtant l’orthodoxie veut du mariage une communauté d’amour orientée vers l’achèvement spécifique et le perfectionnement des époux. Ainsi « les époux auxquels
Dieu n’a pas donné d’avoir des enfants peuvent néanmoins avoir une vie conjugale pleine de sens, humainement et chrétiennement » (cf. CEC, n°1654).
Le mariage doit donc être ouvert à la procréation qui ne peut constituer en aucune manière le motif principal d’un lien matrimonial. Au cas contraire, les couples sans enfants risquent de n’avoir plus droit de citer et d’être voués au divorce.
3.3 Sur le refus de probables secondes noces.
Saint Paul, dans sa première épitre à Timothée a jugé bon d’imposer le remariage aux jeunes veuves : « je veux donc que les jeunes veuves se remarient… » (1Tm 5, 14) et il en expose les raisons qui ne manquent point de convaincre. Saint Ambroise,
quant à lui, déconseillait les secondes noces et le questionnaire qu’il constitua à cet effet laisse croire que le mariage est une erreur, une défection de l’amour de Dieu.
Ainsi la mort du conjoint est une providence, une libération, une occasion en or pour régulariser une situation inconfortable. Mais au fait, n’est-ce pas là un jugement trop rapide ? En réalité nous ne saurions pas le culpabiliser si nous considérons la conception erronée de la finalité du mariage à son époque. Aussi la viduité avait-elle déjà sa place d’honneur dans l’organisation du service charitable de la primitive Eglise comme l’atteste saint Paul. En plus, il ne serait pas inutile de rappeler que la philosophie qui était en vogue est le platonisme dualiste qui tourne volontiers à l’angélisme. Fort heureusement que cette question n’a plus droit de citer de nos jours.
Conclusion
Devenu évêque alors que rien ne l’y prédestinait, Saint Ambroise a su rendre judicieuse et providentielle son élection par une vie exemplaire et par son apport considérable à l’enseignement des Pères de l’Eglise. La flamme de la sainteté qui brûlait en lui, à une époque où la porte de la sanctification était soit le martyre ou la virginité, lui a donné l’audace de fustiger les mœurs relâchées de son temps en clamant haut l’importance de la virginité. Quoi que ses positions se fussent légèrement penchées vers une certaine dévaluation pour ainsi dire du mariage, il n’en laisse pas moins de précieuses informations pour l’histoire sur le mariage et les conditions qui l’enserrent. Sa vie de témoignage a parlé plus que ses écrits et ses excès. Aussi est-il pour nous un modèle incontestable de la chasteté aujourd’hui.
[1] Cet Abbé Simplicien sera plus tard le successeur d’Ambroise sur le siège épiscopal de Milan
[2] En 285, une loi e Dioclétien et Maximien interdit la polygamie à tout sujet de l’empire romain sans exception. Elle n’était non plus pratiquée chez les barbares. Cf.P. Adnès, LeMariage, Desclé, 1963, p 68, note 2
[3] Cf. Saint Ambroise, De Abraham, I, 9, 93. PL14, 477
[4] Cf. Gn2, 18
[5] Ambroise de Milan, mariage et Virginité, p.11
[6] BAUNARD, Histoire de Saint Ambroise, p.115.
[7] Mgr BAUNARD, Histoire de Saint Ambroise, p.122
[8] Idem, p.125.
[9] Idem, p.128.
[10] F. BAUDRY, art. Divatium, in Dictionnaire des antiquités grecque et romaine, sous la direction de DAREMBERG-SAGLIO, pp 319-332
[11] Idem, p116.
[12] Idem, p.115
[13] Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1617
[14] Saint Jean Chrysostome, Virginité, 10,1
[15] ADNES Pierre, Le mariage, p.204